Lait bio
La collecte laitière bio déconnectée de la consommation
Après des années de croissance à deux chiffres, la consommation de produits laitiers bio cale. Mais, la collecte est encore sur une dynamique tonique. D’où certaines inquiétudes dans la filière.
Après des années de croissance à deux chiffres, la consommation de produits laitiers bio cale. Mais, la collecte est encore sur une dynamique tonique. D’où certaines inquiétudes dans la filière.
Selon les données de FranceAgriMer, 743 millions de litres de lait de vache bio ont été collectés sur les sept premiers mois de 2021, c’est 11,3 % de plus que sur la même période de 2020. L’an dernier, déjà, la collecte française avait bondi de 11,7 %, à 1,12 milliard de litres, soit quatre fois plus qu’il y a dix ans. « Lorsqu’on se projette sur 2022, grâce aux remontées des transformateurs sur les entrées en conversion et les volumes, on s’attend à 1,35 milliard de litres de lait », avance Antoine Auvray, économiste au Cniel. Entre 2020 et 2022, la France pourrait ainsi voir sa collecte de lait bio progresser de près de 20 % !
Ralentissement à l’horizon 2023
Depuis plusieurs années, les principaux opérateurs incitent à modérer la production au moment du pic printanier. Biolait, Sodiaal, Lactalis, tous sont confrontés à la forte saisonnalité de la production bio, plus dépendante de la pousse de l’herbe qu’en conventionnel. Mais cette année, « les opérateurs ont fortement limité les conversions au premier semestre 2021. Pour 2023, on peut donc anticiper un net ralentissement de la croissance », précise l’économiste. Seule exception, les installations. « Si certains opérateurs limitent les conversions, ils soutiennent toujours les installations, car en bio comme en conventionnel, le vieillissement est généralisé, et la question du renouvellement des générations est problématique », continue-t-il.
Déséquilibre entre l’offre et la demande
« Entre une conversion et l’arrivée sur le marché des volumes, il y a deux ans de latence ; se projeter sur les tendances de consommation à cette échéance n’est pas chose facile », admet Antoine Auvray pour qui la filière n’est pas tant confrontée à « un problème d’offres, mais de demandes. Ce ralentissement de la consommation a été une vraie surprise ».
En cumul sur les huit premiers mois de l’année, les achats des ménages de produits laitiers pour leur consommation à domicile font moins bien en bio qu’en conventionnel en général. Ainsi, selon les données de Kantar rapportées par FranceAgriMer, le beurre bio recule de 6 % par rapport à l’an dernier, le conventionnel de seulement 3,9 %, la crème bio de 11,65 %, la conventionnelle de 2,8 %.
Ce ralentissement de la consommation a été une vraie surprise
« Il faut nuancer la comparaison à 2020, année hors norme avec la pandémie. Dans l’ensemble, les ventes sont en croissance par rapport à 2019, seul l’ultrafrais baisse », nuance l’économiste. Sur ce segment, l’offre et l’innovation se développent moins vite qu’en conventionnel, et le rayon est aussi alimenté par les nouveautés du végétal. Tous les produits ne sont pas pareillement concernés. Cette année, les fromages frais plongent (-15,1 %, contre -3,1 % pour les conventionnels), mais les yaourts limitent la casse (-3,5 % en bio, contre -4,3 % en conventionnel) et les desserts frais se portent bien (+6 % en bio, +0,3 % en conventionnel). «Mais l’ensemble du marché du bio est à la peine cette année, ce qui semble bien illustrer un problème de pouvoir d’achat », estime Antoine Auvray.
Dans ce contexte, c’est l’amont qui s’inquiète. « Les prix du lait se sont globalement maintenus pour le moment, mais l’on parle de baisses sur la fin de l’année », explique l’économiste. Le tout alors que les coûts de production augmentent, notamment sur les postes énergie et aliment, « mais en bio, les éleveurs sont justement moins dépendants de l’aliment acheté », nuance-t-il.