Viande
Bouchers Services révolutionne l’apprentissage en ateliers
Le principal prestataire de services français dans la deuxième transformation des viandes en abattoir propose une solution pédagogique radicale pour remédier aux difficultés d’embauche et fidéliser. Reportage.
Visiter virtuellement des ateliers de boucherie industrielle, s’initier au désossage ou au parage comme dans un jeu vidéo et apprendre les bases en s’amusant par l’informatique ; telles sont les nouvelles méthodes pédagogiques que propose l’organisme de formation de Bouchers Services (BS), F2o. Le 22 novembre dans ses bureaux de Rennes, la société familiale de prestation de services en deuxième transformation des viandes a fait découvrir à la presse ses nouveaux outils pédagogiques.
Déjà une centaine d’apprentis initiés
Une centaine d’apprentis en poste dans les ateliers clients ont pu s’y initier ces derniers mois en présence de leur formateur. Des regards indiscrets ont pu tomber sur des apprentis, la tête recouverte d’un casque et munis de manettes, s’affairant sur un objet invisible. Anne-Sophie Tyli-Robin, la directrice générale de BS, raconte que l’idée lui est venue en rangeant la Wii de ses enfants. Elle s’est rapprochée en 2016 de la société rennaise Artefacto, spécialiste des logiciels de réalité augmentée ou virtuelle.
Celle-ci a conçu pour BS trois modules. Le premier module est une visite virtuelle. Équipé d’un casque vidéo et audio et d’un pistolet virtuel, le visiteur se transporte d’un poste de travail à l’autre, en démarrant du vestiaire et du sas d’hygiène, et ouvre la liste succincte des bonnes pratiques se rapportant à chaque opération. Le deuxième module dispense un enseignement théorique et pratique en e-learning : les carcasses et pièces en trois dimensions s’orientent dans toutes les positions, leur structure intime se dévoile. Pour l’agrément : des quiz, des puzzles et des rudiments de louchébem (l’argot des bouchers).
Solutions conçues avec Artefacto
Le troisième module, en cours de finalisation, est une mise en situation. On apprend à introduire le couteau au bon endroit et à suivre l’exact tracé, par mimétisme (un couteau modèle prend position), en repérant des points qui clignotent et suivant des pointillés. L’outil valide l’opération, propose différentes vitesses d’exercice, et peut se mettre en mode d’évaluation des acquis. « Le but n’est pas de simuler l’effort à fournir mais de comprendre le geste », précise Olivier Bercot, responsable du pôle industrie d’Artefacto.
Les apprentis et formateurs qui ont essayé cet outil l’ont apprécié. « Ils sont impressionnés par la qualité du rendu, les détails anatomiques, assure Anne-Sophie Tyli-Robin, ils trouvent que ça prépare bien à la pratique réelle. On ne va pas remplacer la formation pratique mais mieux la préparer ». Avec l’autre avantage « qu’on peut s’entraîner autant de fois qu’on veut », complète-t-elle.
On ne va pas remplacer la formation pratique mais mieux la préparer
La rédaction du cahier des charges n’a pas été une mince affaire et Anne-Sophie Tyli-Robin s’est vite rendu compte de l’ampleur des informations qu’il fallait pour « graver dans le marbre une gestuelle », comme elle dit. L’outil de simulation en particulier a demandé l’étroite collaboration de bouchers experts. Aussi, l’ensemble est-il enregistré à l’Institut national de la propriété industrielle depuis deux ans.
Se projeter dans l’emploi
L’instigatrice en mesure aujourd’hui tous les avantages pour le secteur en tension de la boucherie. Aux difficultés à recruter s’ajoutent les abandons en cours de formation. La visite virtuelle « immersive » donne à découvrir l’univers de la boucherie industrielle, à faire appréhender le métier et tomber quelques a priori – à ce titre, elle peut venir en appui des équipes de Pôle Emploi. Elle aide à se projeter dans l’emploi tout en détournant ceux qui risqueraient d’abandonner en route.
La formation théorique retient l’attention de publics peu disposés à s’asseoir ou se rasseoir sur les bancs de l’école. Elle peut de plus se pratiquer chez soi. Enfin, la préparation aux gestuelles répond aux attentes des « générations jeux vidéo » et modernise l’image du secteur de la viande. La dirigeante veut que ces nouveaux outils insufflent un sentiment de fierté à ceux qui s’engagent dans le métier et les aident à justifier leur choix auprès de leurs proches.
700 recrutements d’ici à 2020
Ces outils pédagogiques vont d’abord servir à la formation en interne du leader de la prestation manuelle en boucherie industrielle sur les 55 sites de ses clients. Le matériel pédagogique tient dans une sacoche et a été conçu pour être pratique. BS emploie 1 300 personnes sur les 4 500 que compte l’activité et doit en recruter 700 autres à destination des secteurs du bœuf et du porc d’ici à 2020. L’entreprise déclare 320 embauches cette année, à la date du 31 octobre, dont la moitié a reçu la formation initiale.
F2o est aussi appelé à se développer. Cette filiale de BS dispense des parcours sur mesure aux salariés nouveaux ainsi que déjà intégrés. Il forme plus de 200 apprenants débutants par an. Son contrat de professionnalisation passe par 2 à 3 mois d’enseignement théorique, suivis d’un début d’alternance en atelier, pour une durée totale de six mois et demi dont 60 % de travail posté. BS se réserve le droit de diffuser ses nouveaux outils, qui sont évolutifs, sous forme de prestations ou de licences.
La belle quarantaine
Dans un an, BS aura quarante ans. Une page se tourne avec l’arrivée en 2015 à la direction générale d’Anne-Sophie Tyli-Robin, fille de l’actuelle présidente-directrice générale, Martine Robin. La dirigeante maintient la politique de ressources humaines que ses parents ont mise en place, fondée sur les trois valeurs de travail, de respect et d’honnêteté. Elle a hérité du goût de l’innovation et de l’esprit d’invention de son père, Jean-François Robin. Et elle estime que le leader de la prestation de service de la deuxième transformation des viandes doit faire évoluer le métier. Elle se distingue de ses parents par sa volonté de communiquer. Pour ses quarante ans, BS change de logo et met en avant un slogan : « nos valeurs, nos hommes façonnent vos viandes ».