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Flambée des prix des œufs en France, est-ce la faute des États-Unis ?

Alors que la pénurie d’œufs aux États-Unis et les prix exorbitants des œufs à New York ont défrayés la chronique, la hausse des prix des œufs en Europe dans la foulée pose question. Conséquence ou coïncidence ?

image d'un rayon oeuf vide
Les rayons oeufs sont parfois dégarnis en France, est-ce de la faute des Etats-Unis ?
© Virginie Pinson - Archives

La cotation des œufs calibrés français atteint 15,9 €/100 œufs en semaine 10. C’est autant qu’en février 2023, quand la grippe aviaire plombait la production française. Même schéma pour le prix des œufs destinés aux casseries, avec des niveaux similaires à ceux d’il y a deux ans. Pourtant, la France est indemne de grippe aviaire, depuis le 6 février dernier, et les élevages de poules pondeuses ont peu été touchés cet hiver. 

graphique de prix
Prix des œufs destinés à l’industrie, œuf brun français de code 3, en €/kg

Toute l’Europe est touchée par la hausse des prix des œufs 

La France n’est pas le seul pays européen à souffrir de cette flambée des prix des œufs. La cotation allemande des œufs de poules élevées au sol n’a jamais été aussi élevée depuis sa création en 2018. Record battu aussi en Espagne. Certains opérateurs rapportent des ventes d’œufs plein-air sur le marché communautaire à 3,5 €/kg, en spot, un niveau de prix inédit. 

Mais pourquoi une telle hausse des prix des œufs en Europe ?

La crise sur le marché de l’œuf est multifactorielle. D’une part, la grippe aviaire a tout de même sévi cet hiver en Europe. Ainsi, en Pologne, elle a contribué à des manques à tel point que des opérateurs polonais ont dû s’approvisionner en Allemagne, alors que les échanges sont habituellement exclusivement dans l’autre sens. L’Italie a aussi vu sa production reculer à cause des cas dans le nord du pays. 

Lire aussi : Ovosexage : que contient l’accord trouvé par la filière, valable jusqu’en 2026 ?

Une conversion vers l’alternatif qui ralentit la production

Autre facteur de baisse de la production, le passage de l’élevage de poules de la cage au sol. D’une part, pendant les travaux de conversion d’un bâtiment, il n’y a pas de production. Ensuite, « lorsqu’une exploitation rénove un bâtiment pour le faire passer de la cage au sol, elle perd 20 % de capacité en moyenne selon notre étude », nous expliquait en décembre dernier Aymeric Le Lay, chargé d’étude économique à l’Itavi. Or l’Espagne, grand fournisseur de la France, est actuellement en pleine conversion, c’est aussi le cas en France. Car dans ces deux pays, beaucoup d’opérateurs de l’aval (distribution mais aussi grossistes) se sont engagés à ne plus commercialiser d’œufs de code 3 en 2025. 

La production d’œufs aux Pays-Bas en retrait

Par ailleurs, la production d’œufs aux Pays-Bas recule. C’est l’effet des lois environnementales, certains éleveurs sont indemnisés pour arrêter leur activité, afin de limiter les émissions de nitrate. Dans une moindre mesure, c’est aussi le cas en Belgique.

Lire aussi : Une production d’œufs stable en 2024 en France

Une consommation d’œuf record en Europe

Dans le même temps, la consommation d’œufs atteint des records en Europe. Ainsi, le CNPO indiquait qu’un Français avait consommé en moyenne 224 œufs en 2023, soit 24 de plus qu’il y a dix ans, un record historique. Même tendance chez nos voisins, la consommation étant alimentée par un ressort économique –malgré la hausse des prix, les œufs restent la protéine animale la plus abordable–, mais aussi car ils sont vus comme un produit sain et polyvalent, se prêtant à de multiples préparations. 

Lire aussi : Œufs : hausse de 27 % des importations européennes

Quelles conséquences de la hausse des prix sur la filière œufs ?

Les casseries peinent à répercuter ces hausses sur les prix de l’ovoproduit entier liquide, d’autant plus en France où leurs clients viennent de conclure des négociations commerciales jugées insatisfaisantes. Pour certains, il vaut mieux arrêter de fabriquer les commandes supplémentaires plutôt que vendre à perte, il s’agit de se contenter des volumes contractualisés. À noter néanmoins que le jaune d’œuf liquide semble suivre le mouvement avec des prix spot sur le marché communautaire qui flirtent avec les 9 €/kg. Le blanc, marché structurellement excédentaire, affiche des prix plus stables. 

Certains opérateurs ne cachent pas leur inquiétude de voir leurs clients changer les recettes, notamment en intégrant des alternatives végétales aux œufs, devenues compétitives, un changement qui pourrait parfois s’avérer durable. D'autres craignent de voir des relations commerciales avec des fournisseurs étrangers se pérenniser.

Lire aussi : L’Italie, plaque tournante des œufs ukrainiens

Pour les éleveurs, la frustration est grande, car la majorité de la production française est contractualisée sous des bases Egalim. La tentation est forte de rompre le contrat, complétement ou partiellement, malgré les risques judiciaires mais aussi la dégradation des relations commerciales. 

Les États-Unis importent-ils des œufs européens ?

« La flambée des prix des œufs aux États-Unis alimente la hausse en Europe, car les opérateurs s’inquiètent », confie un opérateur de la filière. « Pour le moment, il n’y a pas eu d’envoi. Mais les ambassades américaines n’hésitent pas à démarcher et expliquer les démarches à réaliser avec la FDA ». Les États-Unis cherchent avant tout à importer des œufs coquille pour alimenter leurs casseries, 70 à 100 millions d’œufs selon le plan de l’administration Trump. Les envois d’ovoproduits sont très contraignants, a priori aucun site français n’est agréé actuellement. Sur les œufs coquille, la Pologne n’a de licence que pour la vente aux casseries, pas en magasins. Les Néerlandais ont perdu les leurs le mois dernier –mais l’administration Trump semble vouloir annuler le retrait. Selon la presse américaine, il est peu probable de voir un flux d’œufs coquille nord-européen vers les États-Unis. Néanmoins la Pologne s’est dit en mesure d’envoyer des ovoproduits. Le groupe espagnol Inovo cherche à établir quelles quantités d’œufs il est en mesure d’envoyer outre-Manche et discute avec l’USDA des obstacles administratifs, rapporte Bloomberg.

L’Indonésie veut exporter aux USA

Les États-Unis ne cherchent pas qu’en Europe, on apprend par la presse américaine que l’Indonésie a reçu des demandes de la part de l’USDA et a répondu favorablement puisqu’elle recherche de nouveaux marchés export. Le pays déclare pouvoir envoyer 1,6 million d’œufs le mois prochain, plutôt que de les expédier ailleurs en Asie. Le gouvernement déclare prioriser son programme d’aide alimentaire dans les écoles. La Turquie, qui compte envoyer 15000 tonnes d’œufs d’ici juillet aux États-Unis, à néanmoins mis en place une taxe à l’exportation pour limiter les conséquences sur son marché intérieur.  

Lire aussi : Taxes Trump de 25 % sur l’Europe : qui est concerné dans l’agroalimentaire

Seuls 3 % de la production mondiale d’œufs est exportée, principalement sur des pays limitrophes, selon la Rabobank, ce qui limite les opportunités pour les États-Unis. Il est difficile pour un pays exportateur de répondre à un pic de demande limité dans le temps. 

Où en est le marché de l’œuf aux États-Unis ?

Les prix des œufs calibrés aux États-Unis tendent à se tasser, le marché encaissant une nette baisse de la demande. D’une part beaucoup de distributeurs ont mis en place des quotas, des restaurateurs ont changé les menus, mais aussi les ménages ont fait des stocks dans le début de la pénurie. De plus, il n’y a pas eu de nouveaux cas de grippe aviaire ces deux dernières semaines. 

Les prix des œufs destinés aux casseries ont encore plus reculé, la semaine dernière et l’activité industrielle s’est reprise, tout en restant sous ses niveaux de l’a dernier, rapporte l’USDA. 

graphique
Prix des œufs destinés aux casseries aux USA en cent/douzaine

Pour les opérateurs intéressés par l’exportation, c’est une raison de plus d’être prudents, le temps de mettre en place les envois et les certificats, les prix seront peut-être moins incitatifs. Et les clients desservis pour aller sur le marché américain risquent d’être peu compréhensifs.

Lire aussi : Agroalimentaire : les exportateurs européens face à l’imprévisibilité de Donald Trump

 

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