Viande : Non, les Français n’en mangent pas « moins mais mieux »
Moins mais mieux, le leitmotiv flexitarien des années 2010 sur l’évolution de la consommation de viande, pour la planète, la santé, les agriculteurs, a fait long feu. Les Français ne mangent pas moins de viande, et ils ne sont pas montés en gamme.
Moins mais mieux, le leitmotiv flexitarien des années 2010 sur l’évolution de la consommation de viande, pour la planète, la santé, les agriculteurs, a fait long feu. Les Français ne mangent pas moins de viande, et ils ne sont pas montés en gamme.
« La viande, les Français n’en mangent pas moins mais mieux », résume Mathieu Désolé, agroéconomiste à l’Itavi lors d’un webinaire organisé par Abcis, bureau d’étude spécialiste des productions animales.
Les Français mangent moins de bœuf, pas moins de viande
Un Français a consommé en moyenne 84,3 kg équivalent carcasse (kéc) de viande en 2023. C’est exactement autant qu’en 2020. Une stabilité apparente qui cache des évolutions dans les catégories puisque la volaille progresse aux dépens des viandes de boucherie. Si l’ensemble de catégorie volaille a déjà dépassé le bœuf en 2013, en 2022 c’est un nouveau seuil qui a été franchi puisque le poulet à lui-seul a dépassé le bœuf.
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Le poulet écrase les autres viandes
« La spécificité de la volaille française, c’est sa variété. Dans d’autres pays on ne connait pas les autres espèces », explique Mathieu Désolé qui continue « mais on assiste à une pouletisation de la consommation de volailles ».
« On assiste à une pouletisation de la consommation de volailles ».
De plus en plus de produits transformés et d’élaborés
Et au sein même du poulet, la consommation a fortement évolué. Si le poulet entier représentait 52 % des achats de poulets en 2000, « avec le traditionnel poulet rôti du dimanche midi », précise Mathieu Désolé, il ne compte plus que pour 16 % des achats en 2020. Ce au profit des découpes, passées de 33 % à 54 % et des élaborés, passées de 15 % à 30 %.
La moitié de la viande bovine est transformée
En gros bovins, plus de la moitié de la viande produite à partir d’animaux français sont destinés à la transformation. Cette part atteint même 52 % pour les vaches à viande et 69 % pour les femelles mixtes et laitières.
Les signes de qualité plombés par l’inflation
Les consommateurs, confrontés à une inflation à deux chiffres depuis fin 2021, ont fait évoluer leurs arbitrages et si la viande en a été victime dans son ensemble, les signes de qualité ont été durement touchés. Ainsi entre 2022 et 2023, les achats des ménages de découpes de poulet Label Rouge ont reculé de 7,5 % et celles de poulet bio de 13,5 %. Le Label Rouge a néanmoins résisté en poulet PAC (-2 %), le Bio non (-15,7 %).
La charcuterie, moteur de la consommation de porc
Seul 17 % du porc consommé en France l’est sous forme de viande fraîche, la charcuterie pèse pour 70 % des volumes. Mais là encore, les volumes ont reculé, de 2,2 % entre 2022 et 2023. Un recul à relier en partie à la chute du bio et du Label Rouge. Parmi la segmentation vers le haut, seul le sans nitrite a résisté.
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La viande bovine Label Rouge sous tension
Les volumes de viande bovine sous label commercialisés en 2023 ont dévissé, à l’image du bœuf limousin Label Rouge dont les tonnages commercialisés ont chuté de 15 %, tout comme ceux du Veau sous la mère Label Rouge et IGP.
De plus en plus de viande consommée hors foyer
Le poids de la RHD est passé de 24 à 28 % de la viande bovine consommée ces quatre dernières années. Pour le porc, elle ne concerne que 15 % des volumes, mais elle progresse fortement depuis 2021sur la restauration livrée et à emporter. La RHD ne représentait que 10 % du poulet consommé en 2010, elle pèse désormais 35 % en 2023.
35 % du poulet est consommé en RHD
Ce déplacement de la consommation vers les produits élaborés et la restauration profite avant tout aux importations, quelle que soit la viande considérée.
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Les importations de viande augmentent
La viande vendue dans les grandes surfaces est, en grande majorité, française. Les importations sont surtout destinées à la transformation et la restauration. Ainsi la restauration hors domicile est le premier débouché de la viande bovine étrangère (63 % des volumes), devant les plats préparés industriels (18 %). A noter que la restauration collective reste orientée vers l’origine France, ce n’est pas le cas de la restauration commerciale. Le poids des importations est ainsi passé de 25 % en 2000 à 50 % en 2022 dans la consommation de poulet.
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« On ne mange pas moins de viande pour en manger mieux en France, de loin. On en mange plus en RHD, donc plus souvent importée, et une viande plus standardisée, avec un net retour du critère prix » conclut, pessimiste, Mathieu Désolé.