Lait : durabilité ou autosuffisance, deux visions s’affrontent au Sommet mondial du lait
Au Sommet mondial du lait, qui se tient actuellement à Paris, les tables rondes consacrées au marché du lait dans les principaux bassins de production et de consommation reflétaient deux ambiances bien distinctes. D’un côté, la recherche de durabilité, de l’autre, celle du développement de la production.
Au Sommet mondial du lait, qui se tient actuellement à Paris, les tables rondes consacrées au marché du lait dans les principaux bassins de production et de consommation reflétaient deux ambiances bien distinctes. D’un côté, la recherche de durabilité, de l’autre, celle du développement de la production.
« Le bien-être animal, la durabilité, les consommateurs de produits laitiers en Asie du Sud-Est s’en soucieront peut-être dans 5 ou 10 ans » explique Li Yifan, responsable de la division Asie de StoneX. Un discours qui tranche avec les premières présentations de ce 16 octobre au Sommet mondial du lait.
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La durabilité, un enjeu central pour l'Europe et l'Océanie
En Europe, comme en Océanie, c’est en effet la durabilité et le bien-être animal qui dominaient le discours. En Nouvelle-Zélande, les lois environnementales se relâchent certes avec le nouveau gouvernement, mais les éleveurs ont intégré le changement structurel attendu. Ils doivent notamment investir massivement dans la préservation de la qualité de l’eau.
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La quête de l’autosuffisance en lait en Asie
Pour Li Yifan, c’est chose faite, la Chine est désormais proche de l’autosuffisance en lait avec un taux à 73,1 % en 2023 qui devrait « à court terme atteindre 80% ». La donne est différente dans le reste de l’Asie du Sud-Est avec des taux très variables, de 52 % au Vietnam à 19 % en Indonésie et moins de 1 % aux Philippines. « Le principal obstacle à la production laitière dans ces pays d'Asie du Sud-Est est le climat tropical humide mais certains pays comme le Vietnam développent une politique gouvernementale volontariste » précise Li Yifan.
En Inde, une révolution laitière réussie
« Les importations de produits laitiers sont désormais négligeables en Inde » assène Sudha Narayanan, chercheuse à l’Iffri, grâce à la révolution laitière.
« Les importations de produits laitiers sont désormais négligeables en Inde »
Si la spécialiste ne pense pas que l’Inde deviendra un exportateur majeur à court terme, avec des envois axés sur les dégagements vers les pays voisins, « le pays ne reviendra pas aux achats ». Là encore, c’est le fruit d’une politique agricole volontariste, la révolution laitière. Et là encore, aucune mention de la durabilité. Le premier producteur de lait au monde, qui concentre 13 % du cheptel bovin mondial et 57 % des buffles, est aussi celui où les vaches sont le moins productives. Les élevages comptent en moyenne 2 à 4 vaches. Le rapport Co2/litre de lait y est donc un des pires au monde.
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En Afrique, la Cedeao s’organise pour produire du lait
« La CDAO déploie enfin son offensive lait », se réjouit de son côté Bio Goura Soulé, assistant élevage dans cette communauté économique qui rassemble 15 états de l’Afrique de l’Ouest, tout en concédant que le programme prend du retard « la sécurité de la zone est la question centrale, qui peut déstructurer l’organisation politique et plomber les financements ».
« La sécurité de la zone est la question centrale »
Les objectifs ne seront pas atteints en 2030, « mais les bases sont jetées ». Si le spécialiste africain n’évoque pas non plus concrètement la question de la durabilité, il met en valeur une certaine préoccupation des consommateurs sur le contenu des poudres de lait, et le manque de transparence. Il demande ainsi « une décision politique forte » et des taxes, notamment sur les poudres de lait réengraissées importées d’Europe, mais aussi sur les produits laitiers importés du Maghreb ou d’Afrique de l’Est où les filières laitières sont plus développées.
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Produire du lait local, est-ce plus durable ?
Si une intervention a bien marqué les esprits, c’est celle de Milica Kocic, de l’IFCN (International Farm Comparison Network), qui présente une simulation. « Si chaque pays devient autosuffisant, avec une baisse de production en Union européenne, aux États-Unis, en Océanie, mais une hausse ailleurs, y-aura-t-il moins d’émissions de CO2 ? ». Non, a calculé l’IFCN, car le repli de la production des exportateurs se traduirait par une baisse des émissions de 108 Mt CO2 … mais le développement ailleurs par une hausse de 301 Mt CO2 chaque année. Un calcul hypothétique qui met en lumière l’importance de penser des développements de systèmes d’élevage plus durable partout où la demande en lait explose, sans oublier « les valeurs culturelles voire parfois cultuelles de l’élevage », pointe Bio Goura Soulé.