Viande du Mercosur : « Le bœuf argentin pourrait saturer le segment premium en restauration »
L’ouverture d’un nouveau contingent de 99 000 t ouvert au Mercosur aurait en Europe un impact nul sur les prix de bœuf en rayon. Mais le segment de luxe en restauration pourrait bien être raflé par l’origine argentine. Enquête de notre correspondant à Buenos Aires.
L’ouverture d’un nouveau contingent de 99 000 t ouvert au Mercosur aurait en Europe un impact nul sur les prix de bœuf en rayon. Mais le segment de luxe en restauration pourrait bien être raflé par l’origine argentine. Enquête de notre correspondant à Buenos Aires.
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Ces pays de viandards que sont les quatre du Mercosur, l’Argentine en tête avec ses 47 kg consommés par an et par habitant - 80 kg en 1991 ! – pourraient avoir accès à un nouveau contingent d’exportation vers l’Europe de 99 000 tonnes en cas de ratification de l’accord de libre-échange UE-Mercosur.
Quel impact de l'accord UE Mercosur sur les prix du bœuf en Europe ?
Pour l’expert argentin Víctor Tonelli, « ce nouveau contingent promis porte en fait sur 70 000 t de viande car il est exprimé en équivalent carcasse. C’est dérisoire ! Même ajouté au contingent Hilton de 58 000 t, cela ferait une goutte de 0,026% dans la mer de consommation de bœuf européenne de quelque 9 millions de tonnes », dit-il.
« Cela ferait une goutte de 0,026% dans la mer de consommation de bœuf européenne de quelque 9 millions de tonnes »
La répartition volumétrique au sein du Mercosur d’un tel quota n’a pas encore été établie. « Elle le serait de façon équitable quoique le Brésil, de par la taille de son cheptel de 240 millions de bovins, pourrait réclamer une part plus importante. Une distribution calquée sur celle du contingent Hilton, hyper favorable à l’Argentine, est improbable », reconnaît-il.
L'Argentine défend son système d'élevage bovin
Raúl Rocatagliatta, le chargé des négociations internationales de la Société rurale argentine (SRA), syndicat des grands éleveurs, assure que : « Le bœuf argentin ne va pas inonder le marché européen ! Les contingents et les clauses de sauvegarde prévus pour le bœuf font figure d’exception à côté des 99% des biens et services compris dans cet accord qui recouvre 25% du PIB mondial ». Il continue, « certains, en Europe, critiquent nos systèmes de production de bœuf alors qu’ils sont herbagers et qu’on peut sans problème exporter du bœuf certifié hors zone de déboisement. Ils redoutent notre concurrence alors qu’ils en sont hyper protégés », affirme-t-il.
« certains, en Europe, critiquent nos systèmes de production de bœuf alors qu’ils sont herbagers »
« Hors quota, le tarif douanier appliqué au bœuf argentin importé en Europe est de 3,12€/kg + 12% de la valeur CIF (rendu au port d’importation). C’est presque 50% de la valeur de la marchandise. La barrière douanière est énorme. Dissuasive », renchérit Víctor Tonelli.
Hors quota, l’Argentine a exporté l’an dernier environ 5 000 t de morceaux de l’arrière-train de l’animal vers l’Italie notamment pour y être transformé en jambon de bœuf, selon lui.
Un impact nul sur les prix du bœuf en grande distribution
L’arrivage supplémentaire en Europe de 99 000 t provenant d’Amérique du Sud, pour moitié du bœuf réfrigéré sous vide d’air destiné à la restauration, aurait un impact nul sur les prix en grande distribution. « Une fois déballée, la viande perd très vite sa couleur rubis. En supermarché, c’est invendable. Le sujet est politique. C’est un débat pour la galerie », estime Víctor Tonelli.
« Une fois déballée, la viande perd très vite sa couleur rubis. En supermarché, c’est invendable. »
Le bœuf argentin, menace en RHD
L’arrivage escompté de 30 000 t supplémentaires de bœuf premium d’origine sud-américaine en Europe (la moitié du quota promis de 99 000 t équivalent carcasse), suscite moins de crainte au niveau de son impact sur les prix de bœuf en rayon que par le fait que cette origine pourrait faire main basse sur le segment du bœuf premium en restauration. Le simple sourire de nos interlocuteurs locaux en guise de réponse en dit long sur la question.
Le bœuf argentin peut-il glamouriser la viande ?
Un tel regain d’ouverture de l’UE au bœuf argentin, ambassadeur s’il en est d’une culture viande assumée, aurait-il un impact positif au niveau de son image en Europe ?