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Chronique juridique
Viande cellulaire, l’Europe manque-t-elle le train de l’innovation ?

La viande cellulaire n’est pas encore autorisée sur le marché européen, personne n’en a fait la demande, car la procédure est longue mais aussi car certains états membres se montrent très hostiles.

Katia Lentz

La viande cellulaire, également appelée viande cultivée ou viande in vitro, suscite un intérêt croissant depuis plusieurs années. Mais si certains pays comme Singapour et les États-Unis ont déjà autorisé sa commercialisation (la Suisse et le Royaume Uni pourraient suivre, ayant récemment reçu une demande d’approbation pour la commercialisation d’un steak fabriqué à partir de cellules souches), ce n’est, malheureusement, pas - encore - le cas de l’Union européenne. En effet, bien que de nombreuses entreprises aient investi dans cette technologie, une seule a soumis un dossier devant la Commission européenne. 

La procédure européenne d’autorisation de nouveaux aliments est réputée longue et exigeante, ce qui peut décourager certaines entreprises de se lancer, en premier lieu, sur le marché européen, au profit de juridictions telles que les Etats-Unis. Ce choix est dommage, lorsqu’on sait qu’un dossier correctement préparé, a de très fortes chances d’être autorisé. 

L'Italie contre la viande artificielle

Mais, en outre - et cet élément est plus inquiétant - certains États membres ont explicitement formulé des réticences à l’égard de ces nouvelles technologies. 

Ainsi, en mars 2023, le gouvernement italien a présenté un projet de loi visant à interdire la commercialisation et la vente de viande cultivée. Ce projet de loi a été approuvé au nouveau national par le Sénat et par la Commission de la Chambre des députés. Il a, ensuite, été notifié à la Commission européenne via la procédure de notification TRIS conformément aux exigences de l’UE en matière de réglementation technique. Curieusement, le 13 octobre dernier, avant l'expiration de la période d'examen, l'Italie a retiré sa notification pour ce projet de loi, ayant certainement réalisé que celui-ci était voué à l’échec. En effet, sur quelle base juridique un Etat membre pourrait-il s’arroger le droit d’interdire, par avance, et de façon absolue, la commercialisation sur son territoire, d’un ingrédient relevant d’une procédure d’autorisation européenne harmonisée ?

L’effet d’annonce a, cependant, semé le trouble parmi les investisseurs qui étaient, initialement, très désireux de financer ce type de projet.

La France n'est pas plus enthousiaste

Un autre exemple est celui du combat français à l’encontre de ce même ingrédient. Moins formel que l’exemple italien, il n’en est pas moins ferme, se traduisant, notamment, par le refus de financer les start-ups travaillant sur ces projets, ou par l’annonce du ministre de l’agriculture en avril 2021 d’un amendement visant à interdire la viande dans les cantines scolaires et autres restaurations collectives. 

Lire aussi : Viande cellulaire : une proposition de loi veut interdire sa production en France

Dans un registre très proche, la publication en juin 2022, d’un décret français visant à interdire l'utilisation de dénominations d'origine animale pour les denrées alimentaires végétales, continue d’alimenter les débats. D’ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne, ayant été saisie d'une question préjudicielle par le Conseil d'État français, examine cette question en parallèle. La Cour a ainsi été chargée de confirmer si la mesure française est proportionnée et, plus généralement, si les États membres ont le droit d'introduire de tels décrets dans leur réglementation nationale.

L'Europe à la traîne

Or, la question de la dénomination se pose, inévitablement, pour de nombreux nouveaux aliments, en particulier ceux qui constituent une « alternative » aux produits traditionnels. En effet, la plupart de ces nouveaux produits n’entrent, par hypothèse, dans aucune catégorie juridique, soit parce qu’ils sont totalement nouveaux, soit parce qu’ils ne correspondent pas - exactement - à celles existantes, du fait notamment de leur origine (par exemple, origine animale ou végétale) et/ou de leur mode de production (production cellulaire ou fermentation de précision). 

Lorsqu’on constate que certains pays ont déjà autorisé la commercialisation de viande cellulaire, que nos voisins ont reçu des demandes d’autorisation ou que le Royaume-Uni souhaite modifier sa réglementation « Novel Food » pour, notamment, accélérer l'approbation de la viande cellulaire, il serait regrettable que l’Europe, reconnue comme leader en matière alimentaire, reste, cette fois, à la traine. 

avec la participation de Charlotte Moutarlier, avocat au sein de FLS 

Katia Merten-Lentz, membre fondateur de FLS

FoodLawScience & Partners est un cabinet de niche, présent à Bruxelles et à Paris, spécialisé dans les domaines réglementés européens et en particulier, le droit alimentaire. Katia Merten-Lentz est le membre fondateur de ce cabinet. Accompagnée de scientifiques et d’avocats, elle gère toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales et intervient, tant en conseil qu’en contentieux, auprès de toutes les filières et industries du secteur.

https://foodlawscience.eu/index

Avec la participation de Charlotte Moutarlier, avocat au sein du cabinet FLS & Partners.

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