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Interbev
Viande bovine : « on ne veut pas être la variable d’ajustement »

Accords de libre-échange (UE-Mercosur, Ceta, panel hormones), incidence de la sécheresse sur la production, évolution de la consommation… Dominique Langlois, président d’Interbev, s’exprime sur les grands dossiers d’actualité.

Dominique Langlois, président d'Interbev

Les Marchés Hebdo : Emmanuel Macron a déclaré qu’il ne signerait pas l’accord UE-Mercosur en l’état après l’avoir jugé bon en juin. Ce revirement constitue-t-il une bonne nouvelle pour la viande bovine française ?

Dominique Langlois : C’est une bonne nouvelle, en espérant que cette déclaration soit vraiment définitive. Cela rejoint tout ce que l’on a pu dire sur cet accord vraiment redoutable pour la viande bovine.

LMH : Malgré vos alertes sur la qualité des viandes canadiennes importées, les députés ont voté pour la ratification du Ceta. Reste le vote du Sénat début octobre. Comment se faire entendre sur ce dossier ?

D. L. : Nous allons poursuivre notre travail au niveau du Parlement européen, qui se met en place, du Parlement français, des ministres. Avec nos amis espagnols, italiens et irlandais, nous avons fait un communiqué pour dire que, certes les volumes ne sont pas importants, mais on considère que les conditions de production ne sont pas identiques à l’Europe, au niveau sanitaire et du bien-être animal. Cet accord ne peut que déstabiliser la filière bovine. Nous sommes allés au Canada il y a un an et demi, et nous avons constaté la présence de farine animale et d’hormones. Le système de production en feed-lots (fermes intensives, ndllr) ne se change pas du jour au lendemain. Il serait illusoire d’imaginer contrôler toutes les marchandises importées. Certains députés de la majorité se sont abstenus, cela montre que les agriculteurs sont écoutés. Nous ne sommes pas contre les accords de libre-échange, mais pour la viande bovine, il y a un risque potentiel de voir arriver des morceaux nobles de viande qui vont concurrencer notre production, à des prix défiant toute concurrence. On ne veut pas être la variable d’ajustement.

Créons l’exception agroculturelle

LMH : Quid de l’accord avec les États-Unis réglant le vieux conflit sur le bœuf aux hormones ?

D. L. : On augmente le contingent issu du panel hormones, alors qu’en face nous avons un président américain qui menace de taxer le vin. Soyons cohérents. On n’a pas besoin de cette viande. Nous avons créé l’exception culturelle dans les échanges, créons l’exception agroculturelle ! Ce ne serait pas faire preuve de protectionnisme. Il faut aussi une cohérence avec ce qu’attend le consommateur, c’est-à-dire une viande tracée, de qualité.

Un risque potentiel de décapitalisation

LMH : Ces questions de commerce international interviennent alors que la France doit faire face à la sécheresse. Comment se porte l’élevage bovin en cette rentrée ?

D. L. : Il ne se porte pas bien. La sécheresse va renchérir le coût de production avec un risque potentiel de décapitalisation. Cet afflux de marchandises va entraîner une baisse des prix, alors que l’on cherche à les augmenter. C’est une situation très difficile qu’il va falloir gérer. Les quelques dispositifs mis en place ne sont pas suffisants, on a attaqué les stocks d’hiver en juillet, ce sera difficile à l’automne.

La consommation ne dévisse pas

LMH : Les anti-viandes ne lâchent pas de lest, et les sociétés produisant des substituts de viande montent en pression. Sentez-vous déjà un effet sur la consommation française ?

D. L. : Les données du panel Kantar donnent des achats des ménages en baisse de 0,5 % de janvier à mai, mais la consommation par bilan affiche une progression en volume de 1,55 % entre 2017 et 2018. Cela montre que la consommation ne dévisse pas et, qu’en revanche, la viande en RHD ne cesse de progresser, avec +6 % entre 2014 et 2017. On consomme de plus en plus en élaborés (à 57 %) et sous forme de steak haché (45 % des volumes consommés). La viande dans les plats préparés représente 12 % des volumes. C’est un changement de consommation.

Le mouvement anti-viandes ne prend pas des volumes extraordinaires. Par ailleurs notre campagne de communication « Aimez la viande, mangez-en mieux », signée « Naturellement flexitariens », a été bien comprise. On en fera une troisième vague au mois d’octobre.

Beaucoup de choses ont été faites sur les volets sociétal et économique.

LMH : Comment mieux valoriser le mode d’élevage français auprès des consommateurs ?

D. L. : Un des enjeux définis lors des Egalim est d’arriver à 80 % de viande française dans la restauration hors domicile en 2023. Aujourd’hui, nous sommes à moins de 40 %. Il y a un aspect d’engagement des décideurs dans les collectivités, d’où le travail fait par nos comités régionaux pour que l’on n’oppose pas toujours la notion de prix du repas. Pour que l’on travaille sur la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Vers une extension de l’accord label Rouge

Interbev a conclu avant l’été un accord interprofessionnel pour rendre obligatoire la contractualisation sur le label Rouge, avec l’objectif que 40 % de l’offre, soit en label Rouge d’ici à 2023. « C’est ambitieux mais réaliste, car beaucoup de races sont éligibles. Par ailleurs, nous avons révisé les conditions de production commune en inscrivant l’interdiction des OGM dans le label Rouge et 80 % d’autonomie alimentaire », annonce Dominique Langlois, président d’Interbev. L’accord devrait bientôt être étendu, « c’est une question de semaines », poursuit-il. La contractualisation sera alors obligatoire avec des volumes et des indicateurs de coûts de production. « Sur les indicateurs, la méthodologie est actée avec la définition de la méthode en ligne. Ils portent sur les coûts de production. On les a envoyés au ministère », précise le président d’Interbev.

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