Occitanie
Viande bio : « On ne peut pas tout passer en haché »
Les éleveurs de bovins à viande bio d’Occitanie déplorent une perte de valeur importante en raison du manque de développement et d’organisation de l’aval. Les transformateurs et distributeurs doivent notamment accélérer leur adaptation à cette nouvelle donne, selon Mathieu Maury, le 1er vice-président d’Interbio Occitanie et représentant de Bio Occitanie.
Les Marchés Hebdo : Concrètement, quelle est la situation ?
Mathieu Maury : Les bovins sont un enjeu phare pour notre filière viande bio en Occitanie. Certains exploitants élèvent des broutards en bio, puis voient leurs bêtes partir en Italie ou en Espagne pour être finalement vendues en viande conventionnelle. Il y a une perte de valeur importante pour l’exploitant ! La vache de réforme s’écoule bien : il y a de la demande de l’aval pour produire des steaks hachés bios. Mais nous avons plus de difficultés avec les bêtes plus nobles… On ne peut pas tout passer en haché ! La filière bovine est donc une priorité, mais il y a un manque pour tous les types d’élevage. Pour les ovins, les petits ruminants, la problématique est également réelle.
LMH : D’où vient le problème, selon vous ?
M. M. : En priorité de l’aval : les acteurs régionaux les plus importants ne sont pas encore assez tournés vers le bio. Les transformateurs de viande issue de l’agriculture conventionnelle n’ont pas encore réellement changé leurs habitudes. Les grossistes en viande font un peu de bio, mais n’ont pas pris le pli. Et du côté de la distribution, les points de vente spécialisés, comme les Biocoop, La Vie claire, etc. ne sont pas encore assez gros pour qu’un dispositif efficace soit en place.
Il faut trouver des débouchés petit à petit
LMH : Pourquoi cette filière n’est-elle pas encore structurée ?
M. M. : Nous sommes juste en dessous de la masse critique, en nombre d’éleveurs, où l’on peut mettre en place une vraie filière. D’un côté, il faudrait un peu plus de nouvelles conversions pour mieux organiser et structurer notre secteur, mais de l’autre, la situation actuelle n’incite pas les éleveurs à passer en bio. C’est un cercle vicieux. Nous espérons que la réorientation d’une partie des aides de la Pac vers le bio va amener de nouvelles installations ou conversions, et que la donne va ainsi changer. C’est un enjeu important. Il y a une forte demande de viandes bios, et l’offre doit rattraper son retard. À l’heure actuelle, le consommateur se tourne vers du local pour trouver du qualitatif.
LMH : Quels sont vos moyens d’action ?
M. M. : Au niveau régional, on vient d’entamer un travail, et avec la création d’Interbio Occitanie, nous nous mettons en ordre de marche. Nous avons invité tous les partenaires pour faire le point. Nous allons aussi faire des préconisations pour être appuyés par l’État et la Région. Avec le circuit de RHD, les établissements de restauration collective comme avec les grossistes, il faut trouver des débouchés petit à petit. Les choses vont dans le bon sens.
« Le fonctionnement actuel n’est pas satisfaisant »
En Ariège, il élève des bovins de race gasconne estampillés AB depuis plus d’une dizaine d’années. Dans ce département qui regroupe plus de 20 % du cheptel de bovins allaitants d’Occitanie, Frédéric Cluzon, du Civam Bio 09, regrette lui aussi le manque de développement de la filière bio sur les circuits longs, où il écoule 70 % de ses bêtes. Ses broutards sont engraissés à l’étranger – où les pratiques ne sont pas toujours conformes à la certification bio – avant que « la carcasse ne revienne en France, en conventionnel », affirme-t-il. « Le fonctionnement actuel de la filière viande bio n’est pas satisfaisant. On ne peut pas copier-coller le système de production conventionnelle à la production bio, il faut que les différents acteurs en aient conscience », souligne l’éleveur.