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« Le vrai chocolat coûtera significativement plus cher »

Grain de Sail est une PME bretonne spécialisée dans le chocolat et le café bio à faible impact climatique grâce à un transport par bateau à voile. Comment l’entreprise, en croissance, s’adapte-t-elle à la flambée des prix des matières premières agricoles ? Au contexte géopolitique ? Vers quoi s’oriente le marché du chocolat en France ? Entretien avec Stefan Gallard, son directeur marketing.

Stefan Gallard
Pour Stefan Gallard, de Grain de Sail, la flambée des prix du cacao va s'accompagner d'un repositionnement de l'offre en chocolat en GMS
© Grain de Sail

Les Marchés : Le marché du cacao a flambé des derniers mois, que se passe-t-il ?

Stefan Gallard : Les aléas climatiques engendrent des baisses de rendements des cacaoyers depuis trois ans. Les producteurs sont confrontés à des sécheresses, puis des pluies intenses ravageuses. L’humidité et la chaleur sont favorables au développement des maladies. Les deux premières années, les stocks ont fait tampon. Mais ils ont fondu, ils sont actuellement de 3 à 6 mois, du flux tendu.

Le principal problème, c’est le manque de disponibilité en cacao bio.

Le marché du cacao qui était historiquement stable, à 2 500 – 3 000 dollars la tonne, a bondi jusqu’à 12 000 dollars la tonne ! Actuellement on est aux environs de 8 000 dollars /tonne, il y a un peu moins de spéculation et les fondamentaux reprennent leur place. Cette hausse des prix permet néanmoins aux producteurs de vivre dignement, ce qui n’était pas le cas historiquement. 

Comment Grain de Sail gère ses approvisionnements en cacao malgré cette crise ?

S. G. : Le principal problème, c’est le manque de disponibilité en cacao bio. D’autant plus que vu la flambée des prix du conventionnel, certains producteurs peuvent arrêter de se faire certifier, car ce sont des démarches perçues comme contraignantes. Nous avons été contraints d’élargir nos approvisionnements au-delà de nos zones historiques que sont la République dominicaine et le Pérou : l’Équateur, le Panama, le Costa Rica. 

On achète des petites quantités, on reste à l’affût. 

Mais du coup, ce sont des achats en spot ; loin de notre démarche de création de filière. On achète des petites quantités, on reste à l’affût. Mais nous ne faisons pas de compromis sur notre cahier des charges, qui reste très strict sur la qualité, la traçabilité et le bio. 

Et quelle stratégie face à cette hausse des coûts de production ?

S. G. : Cette flambée des prix du cacao a un impact sur notre trésorerie. Nous avons passé une première hausse des prix en 2024, c’est possible dans le cadre Egalim puisque le cacao est une matière première agricole. Depuis, il y en a eu d’autres. Nous ne répercutons pas la totalité, on rogne sur nos marges. Nous n’avons ni touché à nos recettes, ni aux grammages. 

Quelles sont les conséquences sur les achats de chocolat des ménages ?

S. G. : Nous venons d’avoir une bonne surprise. Sur le premier trimestre 2025, nos ventes étaient bonnes, malgré la hausse des prix ! En 2024, notre chiffre d’affaires a bondi de 30 %, certes en lien avec la hausse des prix, mais aussi grâce à une hausse des volumes.

Si la demande ne baisse pas, les prix devraient rester élevés ! 

Plus largement, on s’attendait à un impact sur l’ensemble de la catégorie chocolat, mais la demande résiste. Les consommateurs sont prêts à payer plus pour du chocolat. C’est une bonne nouvelle… même si le revers de la médaille, c’est que si la demande ne baisse pas, les prix devraient rester élevés ! 

Lire aussi : Pâques 2024 : les Français n’ont pas boudé le chocolat   

A plus long terme, comment s’adapter à un marché du cacao toujours plus volatil ?

S. G. : Jusqu’ici, l’offre la moins chère n’était pas si bas-de-gamme, et l’écart, en GMS, avec les produits haut-de-gamme n’était pas élevé. Le marché du chocolat va se polariser. On verra des produits avec davantage de matière grasse et un taux de cacao qui baisse. Certains vont développer des arômes chocolat, qui n’étaient pas rentables jusqu’ici. On assiste à l’essor de la « cacaotech », avec aussi du cacao de culture. Tout ça pour s’affranchir de la volatilité, maîtriser ses approvisionnements et ses coûts. 

On craint de voir arriver des « goût chocolaté » et « chocolat sans cacao ». 

Au risque de perdre le sens du produit. Le cacao est un produit agricole, avec des bonnes et des mauvaises années. Il faut lui redonner de la noblesse, il est produit par des agriculteurs soumis aux mêmes aléas qu’en France ! Charge à nous de proposer de bons produits, car le vrai chocolat coûtera significativement plus cher.

Nous sommes néanmoins inquiets sur un point ; la législation sur les dénominations, on craint de voir arriver des « goût chocolaté » et « chocolat sans cacao ». 

Nous devons apprendre au consommateur à accepter les aléas d’approvisionnement. 

Vous proposez aussi une gamme de café, comment gérez-vous vos approvisionnements ?

S. G. : Sur le café aussi les prix se sont enflammés, c’est plus récent. Mais le café a toujours été plus volatil. Il y a actuellement des mauvaises récoltes de robusta au Vietnam, et d’arabica au Brésil. La coïncidence a conduit à la panique et la spéculation. Nous verrons si c’est structurel ou conjoncturel. Nous avons eu des ruptures sur certaines origines. Nous devons apprendre au consommateur à accepter les aléas d’approvisionnement. 

Lire aussi : Café : La Chine en consomme davantage, l’offre va-t-elle manquer dans l’UE ?

Grain de Sail, c’est aussi le nom de vos voiliers qui transportent, de manière décarbonée, cacao et café vers la France. Le trajet aller passe vers les États-Unis, quelles sont les conséquences de la guerre commerciale ?

S. G. : Sur notre départ pour New York par bateau du 5 avril, il nous manquait un tiers du chargement… car les importateurs de vins se sont mis en retrait des achats en attendant. Une taxe à 200 % sur les vins européens, c’est un embargo. Une taxe à 25 %, on a déjà connu, ça ralentit les choses mais ne tue pas le marché. 

Nous avons la conviction que notre approche et la bonne

Pour nous, c’est compliqué, les vins et spiritueux sont nos clients historiques, un marché porteur, demandeur du transport par voilier.  À voir comment seront taxés parfums et maroquinerie, produits que nous transportons aussi vers les États-Unis sur nos voiliers. Ces aléas climatiques, économiques et politiques qu’on ne contrôle pas, c’est beaucoup de stress, mais nous avons la conviction que notre approche et la bonne !

 

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