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Produits laitiers
Sodiaal : « devenir le premier producteur européen de lait infantile bio »

Jorge Boucas, directeur général de Sodiaal, revient pour Les Marchés Hebdo sur l’année 2018 du groupe coopératif laitier et nous parle des projets de développement lancés à l’horizon 2021.

Jorge Boucas quittera la direction générale du groupe Sodiaal le 28 février 2023.
© Sodiaal

Les Marchés Hebdo : L’année 2018 a été tumultueuse pour Sodiaal. Quel bilan faites-vous ?

Jorge Boucas : 2018 a été une année difficile pour tous les industriels laitiers face à des marchés compliqués. Nous n’étions pas en crise comme en 2016 avec des chutes de cours brutaux et des prix du lait bas, mais les marchés étaient tendus. Les cotations des produits laitiers ont baissé, sauf le beurre qui a connu de fortes progressions. Les industriels se sont retrouvés entre un prix du lait en hausse et des cours mondiaux en baisse. Dans ce contexte-là, Sodiaal ne s’en est pas trop mal sorti, avec des résultats quasiment stables. C’est aussi grâce aux économies réalisées. 2018 a été la première année de mise en place de notre plan de transformation Value. Le plan de performance a déjà permis de dégager 20 millions d’euros d’économies sur les charges opérationnelles et a ainsi limité l’effet des marchés baissiers sur le résultat de la coopérative. Et nous verrons les fruits de ces efforts dans les résultats dans trois prochaines années, et dès 2019. Nous gardons le cap des 150 millions d’euros de gains de performance en quatre ans.

LMH : Votre exercice a également été marqué par votre déconvenue avec Synutra et l’affaire Lactalis. Y a-t-il eu des conséquences sur vos résultats et vos activités ?

J. B. : Dans notre plan de transformation, il y a tout un volet sur le lancement de nouveaux projets. Fin 2017, nous avions annoncé notre volonté de développer notre activité de lait infantile à partir de Nutribio. Mais face à des capacités de production totalement saturées, nous avions l’ambition de créer une nouvelle usine. Et en parallèle, Synutra s’est retrouvé dans une situation compliquée à Carhaix, du fait de ses difficultés à faire tourner le site. Cela a été difficile pour Sodiaal aussi.

Les difficultés de Synutra étaient uniquement opérationnelles

LMH : Vous n’étiez pas impliqué dans la gestion du site de Carhaix ?

J. B. : Nous avons accompagné Synutra dans la conception, le design de l’usine. Nous avons aussi apporté des savoir-faire techniques. Mais dans le management et la gestion quotidienne, nous n’étions pas impliqués. Synutra a dû recruter 350 personnes, les former, mettre en route l’usine et la faire monter à des niveaux de performance standard. Il a été dit que les difficultés de Synutra étaient liées aux débouchés sur le marché chinois. Mais nous sommes bien placés, pour savoir que ce n’était pas le marché chinois qui était en cause. Les difficultés de Synutra étaient uniquement opérationnelles. Maintenant, nous avons stabilisé et amélioré le fonctionnement. Cela n’a pas eu d’effets, ni négatifs ni positifs, sur nos résultats. En 2019, en revanche, nous en verrons des effets positifs sur nos comptes, puisque nous avons désormais accès à des capacités de production supplémentaires.

LMH : Qu’en est-il pour la crise sanitaire dans le lait infantile ?

J. B. : Cette crise sanitaire a affecté toute la filière laitière française. Fin 2017-début 2018, nous avons lancé un audit sur tous nos sites de nutrition infantile. Cela s’est traduit par des évolutions dans nos usines, par des plans de contrôle renforcés. Nous avons prélevé davantage d’échantillons qu’auparavant. Nous avons élevé tous nos standards, en matière d’équipements, de qualification des équipes, etc.

LMH : Vous avez déjà esquissé le début d’une réponse, pouvez-vous nous repréciser où vous en êtes dans le déploiement de votre plan Value ?

J. B. : Nous sommes en ligne avec nos ambitions concernant le plan de performance et d’économies, comme je vous le disais. Mais nous avons aussi lancé des projets de développement. Concernant la nutrition infantile, une de nos priorités est le développement de nos marchés en Asie et au Moyen-Orient. Nous voulons aussi progresser dans le bio. Notre ambition est de devenir le premier producteur européen de lait infantile bio. Notre site de Montauban a été organisé pour cela. Nous y avons notamment investi dans une nouvelle ligne de conditionnement et dans les équipements de séchage. Le site est quasiment neuf. Toute notre production de lait infantile biologique est réalisée à Montauban. Par ailleurs, nous allons lancer au cours du second semestre 2019 notre marque Nactalia dans les magasins spécialisés biologiques. Cette marque existe sur les marchés internationaux, elle va arriver en France.

Au sein de notre activité fromagère, nous avons vingt-deux AOP et spécialités fromagères que nous voulons développer, en relançant notamment nos marques de terroir. Nous allons beaucoup plus insister sur ce qui différencie ces productions fromagères, en communiquant davantage sur les valeurs locales. Nous voulons relancer notre marque de Roquefort, La Pastourelle ou encore notre bleu d’Auvergne fabriquée à Saint-Flour. Une force commerciale a été reconstituée, et nous allons le faire sur tous les terroirs où nous sommes présents, en Brie, en Comté, etc. Avant nos productions fromagères étaient très valorisés sous marques de distributeurs, nous voulons remettre nos produits en avant.

Le potentiel de notre activité AOP et terroir n’était pas totalement exploité

LMH : C’est pour cette raison que vous avez créé une direction générale regroupant l’ensemble de vos activités fromages AOP et de terroirs et recruté Daniel Tirat (ancien directeur général de Bjorg Bonneterre et Cie) ? L’activité était-elle endormie ?

J. B. : Je dirais que le potentiel de notre activité AOP et terroir n’était pas totalement exploité. On veut réorganiser le pôle et le développer en ayant une approche plus locale. Nous avons une collection de petites laiteries sur tout le territoire. L’idée est de centraliser un peu les choses. Daniel Tirat a cette responsabilité-là.

LMH : Comment se terminent les négociations pour les MDD ?

J. B. : Pour les marques, les négociations se sont plutôt bien passées. Nous sommes assez satisfaits des accords. Sur les marques de distributeurs, tous les dossiers ne sont pas terminés, avec des discussions plus difficiles. Le bilan sera globalement moins bon que sur les marques nationales.

LMH : Quelles perspectives pour Sodiaal pour la fin d’année ?

J. B. : Concernant le prix du lait payé aux producteurs, nous sommes sur une hausse de 5 à 10 euros les 1 000 litres supplémentaires. C’est en partie la résultante des états généraux de l’alimentation et de la meilleure tenue des cours mondiaux. On retrouve un peu plus un équilibre entre l’offre et la demande en lait au niveau mondial. Concernant les résultats, nous serons en croissance. 2019 devrait être meilleure qu’en 2018 avec une progression de nos résultats.

Trois années consécutives de baisse de résultat courant

En 2018, le groupe Sodiaal a enregistré un résultat courant consolidé de 12,7 millions d’euros, en baisse par rapport à 2017 et 2016, pour un chiffre d’affaires en légère baisse à 5,045 milliards d’euros (vs 5,1 Mrds en 2017). Sodiaal espère en 2019 sortir de trois années de baisse consécutives de son résultat courant consolidé (24 M€ en 2016 et 16,7 M€ en 2017). En 2018, son activité lait, crème, beurre a particulièrement tiré les résultats du groupe vers le bas. Cette activité a enregistré un chiffre d’affaires de 1,304 milliard d’euros, pour une perte nette courante de 35 millions d’euros. Hormis les ingrédients qui affichent l’équilibre, toutes ses autres activités ont été profitables : +13 M€ pour les fromages, +11 M€ pour la nutrition, +15 M€ pour les produits frais et surgelés et +7 M€ pour les activités amonts et holdings.

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