CONSOMMATION HORS DOMICILE
Qu’attendre de la reprise en restauration commerciale ?
Les consommateurs sont au rendez-vous pour la reprise pleine de promesses de la restauration. Mais de nombreuses inconnues entourent sa montée en puissance.
« C’est reparti très fort » ; « tous les signaux sont au vert » ; « c’est une émeute ! » La réouverture de la restauration en France enchante les acteurs du secteur qui ne cachent pas leur joie. Les terrasses ont ouvert de nouveau le 19 mai, tandis que les salles intérieures des restaurants peuvent accueillir des clients depuis le 9 juin. « En trente ans de Gira, je n’ai jamais vu ça ! Les gens font la queue pour s’installer en terrasse ! » s’exclame Bernard Boutboul, président du Gira.
« La place de la restauration a été mise en lumière, car elle a manqué à tout le monde ! C’est le point positif de cette crise », ajoute Frédérique Lehoux, directrice générale de Geco Food Service. « Il ne faut toutefois pas oublier que 60 % des restaurants n’ont pas de terrasses. La reprise va s’étaler sur six à huit semaines », précise Pascal Peltier, directeur général de Metro France, à l’occasion des Sirha Food Talks.
Nous avons besoin de fluidité
Avec l’arrivée des beaux jours, les consommateurs répondent présents partout en France. « Si nous continuons sur ce rythme, l’année 2021 sur sept mois sera meilleure que l’année 2019 dans sa globalité, estime Bernard Boutboul. Nos prévisions tablent sur une croissance entre le 9 juin et le 31 décembre 2021, entre +15 % et +20 % par rapport au 9 juin-31 décembre 2019. »
Le Gira mise sur une relance qui s’amplifiera d’autant plus en 2022 avec une prévision de croissance à deux chiffres sur l’année. Autre point positif : « Nous n’avons jamais autant dialogué au sein de notre propre filière, entre les différents maillons afin de s’assurer qu’il n’y ait pas de goulot d’étranglement dans l’approvisionnement. Nous avons besoin de fluidité », souligne Frédérique Lehoux.
L’horizon s’annonce plein de promesses pour la restauration, d’autant plus que les réservations touristiques en France pour l’été 2021 affichent +30,7 % par rapport à 2019, selon une étude réalisée sur PAPVacances.fr. Les acteurs de la restauration restent néanmoins vigilants sur plusieurs points.
Une crise de croissance à prévoir
« La restauration va vivre une crise de croissance », avertit Bernard Boutboul. Alors que les consommateurs affluent, les restaurateurs voient entre 20 et 50 % de leurs effectifs placés en chômage partiel ne pas vouloir revenir. « Les établissements s’attendent, par ailleurs, à une augmentation des prix des produits agroalimentaires de leurs fournisseurs. Cette hausse est normale, car en amont, les PME et TPE agroalimentaires ont aussi le droit de se refaire une santé économique », explique-t-il.
« Pour l’instant, nous n’observons pas d’inflation sur les prix, indique de son côté Pascal Peltier. Nous sommes, en revanche, inquiets quant à un éventuel manque de quantité. » C’est déjà le cas au niveau des côtes de bœuf, des entrecôtes et des bavettes d’aloyau, pour lesquelles « un manque se manifeste au niveau français et européen », alerte Jérôme Tondusson, directeur de Plainemaison, spécialiste de la viande bovine pour la restauration commerciale.
De nombreux établissements ont, par ailleurs, profité de la crise pour réorienter leurs approvisionnements auprès d’acteurs français, notamment au niveau des viandes. « La restauration chaînée va consacrer une bonne partie de sa carte à du bœuf français », assure Jérôme Tondusson. Certaines productions risquent, quant à elles, de rencontrer des pénuries d’emballage d’ici à cet été.
Dans un autre temps, les entreprises qui avaient réussi à réorienter une partie de leurs volumes vers la grande distribution procèdent à une nouvelle bascule vers la restauration. La montée en puissance de la restauration est remplie d’inconnues : Comment les entreprises fournissant la restauration vont sortir de la crise ? À quand la fin de l’effet boom de la reprise ? etc. Un rebond de l’épidémie en France avec une nouvelle fermeture de certains territoires pourrait encore être possible.
De nouveaux canaux pérennisés
La vente à emporter s’est développée en 2020 avec la crise, multipliant ses ventes par plus de 2,5. « Avec la réouverture, ce canal sera vraisemblablement moins utilisé que lorsque la restauration était fermée, mais les consommateurs y auront plus recours qu’en 2019 », selon Frédérique Lehoux. En revanche, la livraison partage bien plus les acteurs. « En 2020, la livraison n’a augmenté que de 35 %, c’est une hausse très faible, alors que nous étions fermés. Il faut faire attention au prisme des grandes agglomérations. Mais depuis le 19 mai, les livraisons se sont de nouveau écroulées », souligne Bernard Boutboul, précisant « ne pas croire aux "dark kitchens" ». « Je pense que les "dark kitchens" vont rester, mais dans quelles proportions ? » s’interroge Frédérique Lehoux.