Livre
5 questions à Guillaume Coudray, auteur de Nitrites dans la charcuterie : le scandale
Guillaume Coudray est journaliste d’investigation. Il s’intéresse depuis plusieurs années à l’utilisation des additifs nitrés dans la charcuterie et milite pour leur interdiction. Il vient de publier son second livre sur le sujet.
Guillaume Coudray est journaliste d’investigation. Il s’intéresse depuis plusieurs années à l’utilisation des additifs nitrés dans la charcuterie et milite pour leur interdiction. Il vient de publier son second livre sur le sujet.
Vous avez écrit Cochonneries, comment la charcuterie est devenue un poison ? en 2017, qu’est ce qui a changé depuis ?
Guillaume Coudray : J’avais écrit le premier livre pour révéler le scandale, donner les détails de l’utilisation des additifs nitrés dans la charcuterie, je concluais par un appel, un cri du cœur, pour que les artisans et industriels arrêtent avec les nitrites et reviennent à la charcuterie française comme on a su le faire pendant des millénaires – les Gaulois envoyaient des jambons crus à Rome ! Et donc, depuis, j’ai eu cette grande joie de voir qu’aujourd’hui, en magasin, on trouve du jambon de Bayonne sans nitrates, sans nitrites ! Il y a un vrai changement au niveau de l’offre, le groupe Aoste a fait passer une partie de sa gamme en « sans conservateurs », c’est le cas des saucissons Cochonou, la Cooperl propose des produits sans nitrites, sous ses marques Brocéliande et Montagne Noire. Tout a beaucoup bougé, même chez Aldi et Lidl on trouve du jambon cuit et cru sans nitrites ! Le changement a commencé et il n’y aura pas de retour en arrière.
Pourquoi un deuxième livre ?
G. C. : Parce que c’est la situation actuelle est inacceptable, les industriels savent faire sans nitrite, peuvent faire sans, ils le prouvent chaque jour, et pourtant il n’y a aucune avancée réglementaire. La caractère cancérogène des additifs nitrés a été démontré, l’avis de l’Anses de juillet 2022 le confirme, il y a un lien entre consommation de charcuteries contenant des additifs nitrés et cancers du colon et du rectum. Depuis, une étude de l’Inserm sur la cohorte Nutrinet-Santé fait même le lien avec des pathologies cardiaques et indique des possibles risques accrus de développer un diabète de type 2. C’est un vrai sujet de santé public et le gouvernement ne fait rien. Il a promis un plan d’action à la suite de l’avis de l’Anses. Autour de la table, les industriels, les fabricants d’additifs, mais les représentants des consommateurs ont tout juste été audités !
Il faut donc légiférer selon vous ?
G. C. : Bien sûr qu’il faut légiférer, sans cela c’est inégal et injuste ! Le député Richard Ramos a raison quand il parle d’alimentation à deux vitesses. D’un côté les consommateurs informés, qui peuvent payer un peu plus, de l’autre les autres. Or ce sont les consommateurs les plus modestes, les catégories sociales les moins favorisées, qui consomment le plus de charcuterie ! C’est de l’injustice alimentaire, c’est très déprimant. Dans mon livre, j’évoque aussi un scandale dans le scandale, le cas du bio. Suivant la réglementation européenne, les additifs nitrés ne doivent pas être employés s’il y a une alternative ; puisqu’il y a deux gammes, c’est qu’il y a bel et bien une alternative, mais l’Inao laisse faire !
Qu’est-ce que vous voudriez dire aux industriels de la charcuterie ?
G. C. : De quoi avez-vous peur ? Vous avez tous les outils à disposition pour vous passer des nitrates et nitrites ! Il faut arrêter d’écouter les vendeurs d’additifs ! On nous disait que les nitrites étaient indispensables à cause des risques de botulisme, mais c’est une maladie à déclaration obligatoire or aucun cas n’a été déclaré à la suite d’une consommation de charcuteries industrielles sans nitrite dans le dernier rapport de l’institut Pasteur alors que des millions de tranches ont été vendues !
Si demain, une loi interdit les nitrites, vous faîtes quoi ?
G. C. : Champagne et un grand plateau de jambon de Bayonne ! Je commence à en avoir marre de ce sujet, je ne comptais pas passer ma vie à en parler, j’ai juste commencé à tirer un fil y a quelques années, sans imaginer que j’allais y passer 15 ans… J’espère avec ce livre remettre le sujet dans le débat public, qu’on comprenne qui est complice de ce statu quo. Et s’il le faut, j’en écrirai un troisième !