Approvisionnement
La ville d’Angers joue le jeu du bio en restauration scolaire
La mairie d’Angers a pris à bras-le-corps les objectifs de montée en gamme de la loi Alimentation dans la restauration scolaire. Le mouvement a été lancé dès 2006 par le collège Jean Monnet qui tourne aujourd’hui à 50 % de produits bios, en valeur.
« La montée en gamme de la restauration collective de la ville d’Angers est notre préoccupation depuis plus de cinq ans », affirme Benoît Pilet, président de l’Établissement public angevin de restauration collective (Eparc) et adjoint au maire. Avec la préparation quotidienne de 13 500 repas pour la restauration scolaire, l’établissement public utilisait 16,5 % de produits biologiques en 2018, ce qui équivaut à un volume de 184 tonnes, soit 2 fois plus qu’en 2013 (8 %). « On frôlera les 19 % d’ici à 2019 pour atteindre la barre des 20 % pour 2020. Nous utilisons du bio dans la mesure du possible, mais notre priorité est avant tout d’utiliser des produits locaux », assure Benoît Pilet.
L’Eparc utilise aujourd’hui 34 % de produits locaux en volume, représentant 48 % en valeur. L’établissement compte y consacrer 50 % de son budget d’ici à l’an prochain.
L’un des enjeux primordiaux de cette montée en gamme est de ne pas trop augmenter les prix des repas. « Nous augmentons légèrement les prix tous les ans en fonction de l’inflation, mais nous pouvons absorber le surcoût grâce à une subvention de la ville d’Angers de 1,6 million d’euros à l’année. Elle nous permet d’assurer une bonne rémunération aux producteurs », souligne Benoît Pilet.
Pour un repas qui revient à 5,76 euros à l’Eparc, une famille paye entre 0,72 euro et 5,07 euros en fonction de ses revenus. La société a référencé une cinquantaine de producteurs locaux dont certains se sont regroupés en coopérative. « C’est nous qui les avons incités à se regrouper. Notre objectif est de travailler avec les producteurs et de les accompagner, notamment pour ceux qui veulent se convertir en bio », témoigne Benoît Pilet.
Le facteur limitant est le manque de production bio
L’Eparc propose un panel large de produits biologiques : des fruits et légumes, du bœuf, des filets de dinde, du poulet et des yaourts. Le reste des produits carnés est labellisé majoritairement Bleu-Blanc-Cœur et/ou label Rouge. Le poisson est labellisé MSC. « Pour faire du 100 % bio, le facteur limitant est le manque de production, estime Benoît Pilet, ce n’est même pas une question de coût. Pour y arriver, il faudrait qu’on double nos approvisionnements en bio, ce qui paraît très compliqué. Ceci dit, quand je suis arrivé en 2014, j’étais loin de m’imaginer qu’on en arriverait là. »
Pour développer la consommation de fruits chez les jeunes enfants en garderie, l’Eparc propose aussi des fruits de saison bios qui sont distribués tous les jeudis auprès de 4 000 enfants.
Un mouvement lancé par le collège Jean Monnet
La cuisine du collège Jean Monnet, servant entre 580 et 600 repas au quotidien, n’a pas attendu l’incitation législative pour réussir à intégrer dans ses repas des produits locaux et/ou labellisés. Et ce, dès 2006, « alors qu’il n’y avait pas encore le tapage médiatique d’aujourd’hui sur le local et le bio », raconte Nicolas Thurault, chef de cuisine au collège Jean Monnet entre 2002 et mars 2019, les responsables du collège et les représentants des parents d’élève lui ayant « laissé carte blanche ». « Enfants et parents nous donnaient d’excellents retours, alors j’ai pu faire ce que j’ai voulu. Je suis allé démarcher des producteurs locaux avec mon bâton de pèlerin en m’imposant de ne pas dépasser 200 kilomètres à la ronde autour du collège. J’ai eu le soutien de la chambre d’agriculture qui a permis de mettre la démarche en musique », explique-t-il.
J’ai eu le soutien de la chambre d’agriculture
Au total, 50 % du budget sont consacrés à des aliments bios en 2019, intégrant entre autres 90 % des produits laitiers, 90 % de la volaille ou encore 30 % de la viande bovine. « Les autres viandes étaient certifiées au moins en label Rouge. Nous n’achetions aucune viande conventionnelle, c’était mon cahier des charges », précise-t-il.
À l’exception de la banane, les fruits provenaient tous d’exploitations agricoles situées à 20 kilomètres au maximum du collège. « Nous avons de la chance. En Maine-et-Loire, nous pouvons nous permettre ce genre de démarche que ne pourraient pas réaliser des établissements de certaines autres régions », ajoute Nicolas Thurault. La cuisine du collège compte au total 27 fournisseurs différents, dont 12 en bio et 5 en label Rouge.
Absorber les surcoûts
L’enjeu était là aussi d’absorber les surcoûts de la montée en gamme. Chaque repas coûtait 1,95 euro de matière première pour un prix de 3,55 euros pour les familles des collégiens. « Cela représentait un surcoût de 0,15 euro par repas que le collège avait les moyens d’absorber. L’établissement dispose de logements sociaux qu’aucun employé n’occupait et qui étaient donc loués à des particuliers. Cela leur faisait une rentrée d’argent importante », indique Nicolas Thurault.
Conséquence : le collège Jean Monnet a été le premier en France à rejoindre la démarche Mon restau responsable, porté par la Fondation Nicolas Hulot et le réseau Restau’co, peu après sa création en juin 2017. Ce qui a donné des idées au reste de la restauration collective de la ville.
L’équipe de cuisine a également modifié certaines pratiques en adoptant une cuisson évolutive basse température pour diminuer les pertes et limiter le surcoût. « Par exemple, en cuisant normalement 80 kg de viande conventionnelle, il y aura 30 % de perte. Avec la méthode évolutive basse température, nous ne faisions cuire que 60 kg, pour des pertes de 15 % seulement », explique Nicolas Thurault qui a quitté son poste au collège. Car, selon lui, sa vision de la gestion du restaurant scolaire ne collait plus aux attentes des responsables de l’établissement.
L’exemple d’Angers s’étend à tout l’Anjou
Quatorze structures, représentant 77 restaurants de collectivité, servant près de 16 000 repas par jour ont rejoint conjointement la démarche Mon restau responsable pour améliorer la qualité des repas (avec des produits locaux, bios…). Des restaurants de CHU, du Crous, de crèches, etc. sont concernés. Une volonté qui va de pair avec celle de la ville d’Angers de construire une nouvelle cuisine pour l’Établissement public angevin de restauration collective (Eparc). Les repas confectionnés seraient à destination des collectivités de la banlieue plus ou moins éloignée d’Angers. « La mobilisation de la restauration collective est un levier essentiel pour faire évoluer les pratiques sur toute la chaîne alimentaire en agissant de l’approvisionnement à la lutte contre le gaspillage », a déclaré Arnaud Leroy, président de l’Ademe, partenaire financier de la démarche Mon restau responsable. Les engagements de ces structures sont variés concernant l’approvisionnement en produits biologiques, allant du respect stricto sensu de la loi (20 %) jusqu’à une volonté d’introduire 45 % de produits bios locaux pour le collège Jean Zay.