Diplômé de l’Institut commercial supérieur de Paris et de l’université de Reading au Royaume-Uni en management, Olivier Clanchin est entré au sein de l’entreprise Triballat Noyal en 1993 pour en prendre la présidence en 2005 et la rebaptiser Olga en mars 2022.
Comment définiriez-vous une filière durable ?
Olivier Clanchin – Une filière durable est, selon moi, une filière coconstruite avec une logique de proximité, de lien, autour d’une réflexion partagée où chacun comprend les motivations et les intérêts des parties prenantes. Une filière durable se construit dans un temps long avec une notion de création de valeur jusqu’au consommateur pour une rémunération juste de tous les acteurs de la filière.
Olga a été à l’origine de nombreuses premières filières dans les produits laitiers bio en 1975, le chanvre, le soja sans OGM… Quel a été l’élément déclencheur ?
O. C. – Aujourd’hui, nous avons vingt-cinq filières. Le point de départ est l’agriculture bio, un engagement pris par mes parents en 1975 après avoir rencontré un agriculteur, André Colet. Il a expliqué à mon père qu’il ne consommait pas sa production qui recevait un certain nombre de traitements. La question s’est posée de savoir comment on pouvait recréer du lien, nouer des échanges avec le consommateur. Nous avons une croyance forte à Olga, on peut faire d’une contrainte une opportunité. Nous avons ouvert la filière du soja sans OGM, à l’époque de la vache folle. Je me souviens encore de la une de Libération : « Alerte au soja fou ». Nous avons mené un travail de fond, mis en place des cahiers des charges pour garantir un soja sans OGM. Autre exemple : les légumineuses. Aujourd’hui, elles sont tellement mises en avant pour leurs qualités nutritionnelles et agronomiques, mais une bonne partie de notre consommation est importée. Nous travaillons à mettre en place d’autres filières de végétaux.
Historiquement, nous sommes une entreprise laitière. Quand il y a eu la contrainte de la fin des quotas laitiers, nous avons développé une filière de lait de chèvre en Bretagne. Nous avons travaillé sur la génétique, l’alimentation… pour avoir un lait de chèvre de qualité qui fait le succès aujourd’hui de notre marque Petit Billy. L’importance d’une filière réside aussi finalement dans la qualité des produits commercialisés.
N’est-ce pas aussi une manière de sécuriser vos approvisionnements ?
O. C. – Une sécurité mais aussi une responsabilité. Aujourd’hui, c’est très compliqué dans le domaine du bio. Avec des conversions de deux ans, il faut anticiper les marchés. Et quand il y a un coup d’arrêt, c’est très difficile.
Comment gérez-vous la baisse du marché bio, ajoutée à l’inflation ?
O. C. – C’est très compliqué. Nos fournisseurs demandent des hausses, aussi bien dans l’emballage que dans l’énergie, que nous sommes obligés d’accepter, sinon on ne produit plus. La loi Egalim 2 a remis un peu de création de valeur pour l’amont agricole et il en avait besoin, mais pour l’agroalimentaire, le constat est difficile, car les autres matières premières non agricoles ont été mises de côté. Nous avons néanmoins passé des hausses en 2022 et on va devoir logiquement en repasser en 2023. Mais il y a une perte de marge très pénalisante pour faire face aux grandes mutations qui nous attendent. On se pose toujours la question de niveau de création de valeur dans cet environnement qui est en train de bouger. Le consommateur a eu l’habitude d’avoir des produits de très grande qualité à des prix très faibles. Il va y avoir une nécessité de se réinventer en bonne intelligence collective. Nous avons travaillé à notre vision stratégique à moyen et long terme, en anticipant certaines trajectoires, notamment pour répondre aux défis du climat, et porté notre feuille de route régénérative à travers la convention des entreprises pour le climat. Nous préférons les propositions fertiles aux oppositions stériles.