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Signe de qualité
Comment renforcer la protection des AOP laitières

Le jugement rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en faveur de la protection de l’AOP Morbier donne de l’espoir à d’autres appellations. Leur protection reste un leitmotiv pour la filière.

Morbier
Christophe Fouquin - stock.adobe.com

L’affaire dite du « Morbier » fait des émules et donne de l’espoir à l’ensemble des appellations d’origine protégée. Un arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de protéger l’apparence et la forme de cette appellation. Ce n’est plus seulement la dénomination ou l’emballage de l’AOP qui sont protégés mais l’aspect du produit lui-même. L’affaire a commencé en 2013 quand le Syndicat interprofessionnel de défense du fromage morbier a assigné la Société fromagère du Livradois devant le tribunal de grande instance de Paris. Selon le syndicat, le fabricant auvergnat en commercialisant un fromage « Montboissié du Haut Livradois » reprenant l’apparence visuelle du morbier (une raie noire horizontale) portait atteinte à l’AOP et « commettait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ». Son action a été rejetée par la justice, décision confirmée en 2017 par la cour d’appel de Paris. Le syndicat s’est alors pourvu en cassation.

L’apparence compte

La Cour de cassation a décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne, qui par son arrêt de décembre, apporte des éléments favorables à l’AOP Morbier. « Les AOP sont protégées en tant qu’elles désignent un produit qui présente certaines qualités ou certaines caractéristiques. Ainsi, l’AOP et le produit couvert par celle-ci sont intimement liés. Dès lors, il ne saurait être exclu que la reproduction de la forme ou de l’apparence d’un produit couvert par une dénomination enregistrée, sans que cette dénomination figure ni sur le produit en cause ni sur son emballage, puisse entrer dans le champ d’application des articles 13, paragraphe 1, sous d) des règlements nos 510/2006 et 1151/2012 (qui contiennent une énumération graduée d’agissements interdits, NDLR). Tel sera le cas si cette reproduction est susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit en cause », écrit la CJUE dans un communiqué publié fin décembre 2020.

La justice française doit statuer sur l’AOP Morbier

La CJUE n’ayant pas le pouvoir de trancher sur le litige national, c’est désormais à la justice française, en l’occurrence la Cour de cassation, de rendre son verdict et de se prononcer sur l’application de cette décision. « Il faut que l’État français aille dans le sens de la CJUE. On ne voit pas comment la France pourrait dire l’inverse de la Cour européenne », considère Claude Vermot-Desroches, président de la commission protection du Conseil national des appellations d’origine laitières (Cnaol). Pour lui, la décision européenne est un pilier et fera jurisprudence pour tous les autres cas similaires. Similaire signifie qu’il va falloir prouver qu’il y a une véritable ressemblance avec un fromage sous AOP, comme « le talon concave (en creux) du beaufort », et que cette similitude porte à confusion pour les consommateurs.

Les opérateurs des AOP ne sont pas parfaits

Cette question de la protection des AOP est au cœur des défis menés par le Cnaol pour cette année 2021. La commission protection a été créée en son sein en 2019 pour assurer ce travail titanesque. Car selon le Cnaol, ce sont « près de neuf produits sur dix qui sont confrontés à des usurpations, des copies ou du parasitisme ». « En chèvre, par exemple, il y a souvent l’original et la copie. Et parfois, c’est le même opérateur qui fait les deux. Les opérateurs des AOP ne sont pas parfaits. Au sein même d’un organisme de défense et de gestion (ODG), certains n’ont pas les pieds propres, estime Claude Vermot Desroches, mais les ODG n’ont pas forcément les moyens de se battre. » Pour lui, « l’État français n’a pas su protéger suffisamment ses AOP ».

Une commission protection au Cnaol

Dans cette optique d’aider les ODG, la commission de protection a d’abord mené un travail d’enquête auprès des différentes appellations afin de connaître l’ampleur des « parasitages ». « Toutes ont un problème de parasitage », indique le président de la commission. À la suite de cette revue de détail, va être créé un guide pratique afin de donner aux ODG, les plus petites particulièrement, des pistes d’actions possibles. « Les ODG n’ont souvent pas le temps ni les moyens de se défendre. Ce guide pratique va leur dire ce qu’ils peuvent mettre en place pour agir », précise-t-il.

Parallèlement, le Cnaol demande aux pouvoirs publics des mesures dissuasives pour lutter efficacement contre ces copies. Selon les ODG des produits sous indication géographique, les coûts directs liés aux conseils d’avocats ou aux interventions en justice peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros. Et toutes n’ont pas les moyens humains ou financiers du camembert de Normandie, du comté ou encore du morbier.

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