La filière BVP française s’exporte particulièrement bien. Quels sont les produits qui rencontrent le plus de succès hors de nos frontières ?
Didier Boudy - Ce sont les produits de viennoiserie-pâtisserie qui s’exportent le mieux, et plus particulièrement les produits haut de gamme, car les croissants basiques sont maintenant fabriqués un peu partout dans le monde. Les entreprises françaises vendent des produits type croissant haut de gamme pur beurre. L’Europe est de loin la première clientèle de la filière boulangerie-viennoiserie-pâtisserie française, avec en tête le Royaume-Uni. Si la France est le pays le plus visité au monde, sa gastronomie fait partie des facteurs expliquant ce succès. Le petit-déjeuner de type baguette croissant café fait partie des rituels des touristes. Les entreprises françaises exportatrices leur proposent ainsi de retrouver chez eux les mêmes produits qu’ils ont connus en France.
L’export représente pour la filière boulangerie-viennoiserie-pâtisserie française 2 milliards d’euros, soit un quart de son chiffre d’affaires total. Les entreprises permettent de mieux valoriser leurs produits que sur le marché national. Bridor réalise la moitié de son chiffre d’affaires à l’export par exemple. Chez nous, à Mademoiselle Desserts, nous exportons aussi énormément. Neuhauser joue carrément la carte du poulbot. L’image de la France est très importante. En revanche, le pain ne s’exporte pas très bien. Sa texture aérée fait qu’il prend de la place, rendant le prix de son transport au kilo très élevé et donc peu intéressant.
À la tête de Mademoiselle Desserts depuis 2009, Didier Boudy a été trésorier de la Feb pendant de nombreuses années avant d’en être élu président en septembre 2021 par le comité directeur de la fédération. Il a succédé à Sébastien Touflet, directeur général de Touflet Boulanger, qui a occupé le poste pendant quatre ans.
Quelles sont les conséquences de l’inflation généralisée sur les ventes à l’export ?
D.B. - Entre la crise sanitaire, les variations de devises, et maintenant l’inflation, le marché européen de la boulangerie-pâtisserie est vite perturbé. Les hausses des prix des matières premières nuisent actuellement à la compétitivité de nos produits. Les prix des produits français ont déjà augmenté de 30 % et seront amenés à grimper encore pour faire passer les nouvelles hausses à venir sur la farine, le sucre et surtout l’énergie. Mais certains importateurs locaux n’accepteront pas toutes les hausses de tarifs.
Les discussions sont particulièrement difficiles sur les viennoiseries pur beurre. Quelques acheteurs ont déjà arrêté d’acheter nos produits, mais heureusement, ce n’est pas le cas de la majorité. Même les prix du chocolat ont décollé à la suite des arrêts de lignes de production de Ferrero à cause des contaminations à la salmonelle qui a entraîné un énorme manque de disponibilités. Exporter n’est pas un long fleuve tranquille en ce moment. Mais de nombreux acheteurs entendent raison. Après tout, l’inflation n’est pas qu’en France et touche toute l’Europe, et même le monde.
En quoi les hausses du prix des énergies inquiètent la filière française ?
D.B. - Les hausses des prix de l’énergie pourraient être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Nous exportons des produits surgelés. Cette surgélation a un vrai coût. Nous attendons de voir comment les prix vont être plafonnés et comment les mesures annoncées par Élisabeth Borne vont concrètement se mettre en place sur le terrain. Il faut que ça aille vite. Les nouveaux contrats en électricité se comptent en dizaine de millions d’euros. Si les acheteurs n’acceptent pas les hausses, les répercussions seront terribles pour les entreprises. Certaines seront contraintes de réduire la voilure. Du côté de Mademoiselle Desserts, comme au sein de beaucoup d’entreprises, nous avons déjà des plans en cours et nous nous tenons prêts pour l’évolution de la situation. Il nous faut anticiper pour ne pas prendre de décisions au dernier moment.