Comment répondre à l’érosion du bio qui inquiète le secteur ?
Sylvain Ferry - Il faut savoir tout d’abord que
l’essoufflement du bio est à relativiser, la croissance est seulement moins forte. Il y a, cela dit, quelques pistes sur lesquelles nous devons travailler pour répondre aux nouvelles demandes des consommateurs et, ainsi, retrouver plus de dynamisme. Pour défendre l’agriculture bio, il faut rehausser sa singularité, c’est-à-dire en améliorer la qualité par rapport aux produits conventionnels. Nous devons également mieux communiquer sur ce que nous faisons. Le consommateur demande aujourd’hui de la cohérence, et c’est à nous de lui amener des preuves que l’agriculture bio est bonne pour l’environnement et pour sa santé. S’il n’y a pas de preuves, il n’y a pas de cohérence.
Aujourd’hui, deux catégories connaissent particulièrement un essoufflement dans le bio : le non alimentaire, avec les produits de parfumerie et d’hygiène ainsi que le vrac. C’est à nous de faire revenir le consommateur en lui montrant tous les avantages environnementaux de ces produits.
Après 24 années passées au sein du groupe Carrefour, Sylvain Ferry a été nommé en novembre 2020 à la tête de Biocoop. L’enseigne spécialisée a réalisé 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2021, en baisse de 1 % sur un an. En 2020, la société avait connu une croissance de 16,6 % par rapport à 2019, avec un chiffre d’affaires de 1,62 milliard d’euros.
Quelles pistes sont étudiées pour que le bio puisse renforcer sa singularité par rapport au conventionnel ?
S. F. - Au travers de notre entreprise, nous travaillons trois axes majoritaires avec des solutions concrètes pour accélérer la transition écologique, développer une économie sociale et solidaire, et renforcer la qualité des produits alimentaires pour un secteur bio exigeant. Le premier de ces axes passe par la relocalisation de la production en France.
Pour notre marque Biocoop, nous avons développé des filières françaises de graines de moutarde, alors 90 % de ce que nous trouvons en France est importé du Canada, mais aussi une filière cornichons au lieu de les importer d’Inde, une filière lentilles corail (trop souvent venue de Turquie). Nous produisons aussi dorénavant de la farine de sarrasin française, à l’heure où la majorité des références vendues dans les magasins français est issue d’importations de Pologne, mais aussi des fraises pour les confitures, produites habituellement dans les pays de l’Est.
L’économie sociale et solidaire passe par un meilleur partage de la valeur, sans opposer agriculture et environnement. Pour cela, nous travaillons la double labellisation bio et commerce équitable, avec notre objectif d’atteindre 30 % de notre offre totale certifiée Équitable d’ici à 2025, contre 27 % actuellement. Aujourd’hui, l’ensemble de nos références de café, tablettes de chocolat et de bananes sont bio et équitables. Une très large majorité des fruits et légumes français est doublement labellisée. Ce fut un travail de longue haleine.
Enfin, pour notre troisième axe, nous avons lancé une démarche de retrait de tous les additifs alimentaires de nos produits, marqueurs de l’ultra-transformation. Par exemple, notre offre de charcuterie ne contient aujourd’hui plus de sel nitrité.
Quelles sont les conséquences de l’inflation générale pour Biocoop ?
S.F. -
Nous sommes touchés par les hausses des prix, comme tout le monde. Nous travaillons avec tous nos fournisseurs pour que tout le monde trouve une juste valeur en fonction des coûts de production. Chaque sociétaire rogne sur ses marges pour que l’impact soit minime au niveau des prix pour le consommateur. Nous continuons à respecter les différents maillons de la chaîne en fonction des aléas de l’inflation, mais notre modèle coopératif nous permet d’être collectif et serein.