Marché de gros
À Rungis, le Covid-19 souffle le chaud et le froid
Après une première semaine chaotique, les grossistes tentaient de redéployer leurs activités. Sans aucune certitude sur l’avenir de leurs débouchés à moyen terme. Reportage.
Après une première semaine chaotique, les grossistes tentaient de redéployer leurs activités. Sans aucune certitude sur l’avenir de leurs débouchés à moyen terme. Reportage.
L’activité du marché de Rungis a connu une semaine chaotique à la suite des annonces successives de fermeture des commerces « non indispensables » comme les restaurants le 14 mars, puis de confinement de la population, le 16. « Du jour au lendemain, notre activité s’est concentrée sur la clientèle des bouchers-charcutiers traiteurs et, dans une moindre mesure, de la grande distribution qui cherchait à compléter ses approvisionnements », expliquait vendredi 20 mars Gino Catena, le patron d’Avigros, principal grossiste du pavillon de la volaille de Rungis. « Du point de vue des volumes, ça a été le yoyo, entre mardi et mercredi où les ventes ont grimpé de 30 % à 40 % sous l’effet de la panique et le jeudi où les commandes se sont brusquement arrêtées », observe le commerçant au milieu d’allées encombrées de colis en attente d’acheteurs.
On navigue aujourd’hui à vue
« Les bouchers ont très bien travaillé avant que les mesures de confinement ne dissuadent les consommateurs de se déplacer », confirme de son côté Cyril Guiraudou, responsable commercial de LAG Rungis, sous le pavillon de la viande. « On navigue aujourd’hui à vue, sans aucune référence comparable dans le passé », soupire-t-il. Selon Gino Catena, tout devait se jouer mardi 24. « C’est là qu’on connaîtra l’orientation du marché et qu’on saura si l’on s’est trompé dans nos approvisionnements ».
Les spécialistes de la RHD à l’arrêt
Les craintes de contamination semblaient avoir eu pour effet de favoriser la livraison par les grossistes sur l’enlèvement sur place. En témoignaient notamment sous les pavillons des fruits et légumes les palettes prêtes à partir dans les allées. Les primeurs qui avaient fait le déplacement semblaient encore peu sensibles aux mesures de « distanciation sociale ». Les conditions sanitaires ont été renforcées par la Semmaris depuis le week-end dernier avec la mise en place de sas sanitaires à l’entrée des pavillons et la fermeture des aires de vente.
La fermeture des restaurants a frappé de plein fouet les nombreux grossistes spécialisés dans la desserte de ce secteur, comme Metzger Frères ou Bovendis dans la viande. « Nous avons dû adapter notre activité en arrêtant brutalement la restauration commerciale, en développant nos ventes pour accompagner la distribution et en ajustant nos opérations à l’exportation », expliquait lundi à son réseau Nicolas Fiastre, directeur régional à Terreazur Île-de-France (Groupe Pomona). L’entreprise, qui a emménagé il y a une semaine dans un nouvel entrepôt, disait déjà préparer « l’après » au sein de ses nouvelles installations.
En attendant, certains tâchent de trouver provisoirement de nouveaux débouchés. C’est le cas des Vergers Saint-Eustache, primeur spécialisé dans la restauration gastronomique. Le grossiste a lancé un service de livraison de paniers mixtes fruits et légumes, destiné au grand public, pour Paris et l’Île-de-France. Un panier vendu 20 euros pour 14 kilogrammes de fruits et légumes, avec livraison gratuite.
Coup de froid sur les marchés de plein air
Après la perte du débouché de la restauration, la fermeture des marchés de plein air annoncée par Édouard Philippe lundi 23 mars « sauf dérogation du préfet à la demande du maire » constitue un nouveau coup dur pour les producteurs, artisans et grossistes. « Nous ne capitulons pas », a pourtant assuré le lendemain matin Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, annonçant que le syndicat agricole allait mettre en place des guides de bonnes pratiques « pour que toutes les conditions soient respectées ». Une position soutenue par la Fédération des fromagers de France qui s’est dite prête à collaborer avec les agriculteurs. De leur côté, des grossistes réfléchissaient déjà aux moyens de donner des marchandises et demandaient le relèvement du dispositif fiscal qui limite les dons à 0,5 % du chiffre d'affaires.