Modernisation
Pourquoi la digitalisation de la chaîne alimentaire va s’accélérer
Selon les acteurs de l’économie numérique en agroalimentaire, le confinement a révélé de plus grands besoins des entreprises en gestion et transmission des données. En premier lieu, les données produits. Enquête.
Selon les acteurs de l’économie numérique en agroalimentaire, le confinement a révélé de plus grands besoins des entreprises en gestion et transmission des données. En premier lieu, les données produits. Enquête.
« La séquence du Covid-19 a été à la fois un accélérateur de transformation digitale et le révélateur de la capacité des acteurs traditionnels à s’adapter aux nouvelles exigences des consommateurs nées de la crise sanitaire », commente Marc Lolivier, délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) dans un communiqué commun avec Nielsen. La Fevad et Nielsen détaillent la flambée des achats de précaution en ligne. La première semaine post-confinement (terminée le 17 mai) n’a pas effacé la croissance acquise, puisque le « commerce online » était encore en progression de 66 % (voir graphique page ci-après).
Offre limitée au drive
Pas moins de 7,4 millions d’acheteurs sont venus récupérer leurs courses au drive au cours du premier mois de confinement, contre 5 millions l’an dernier pendant le même mois. Mais certains consommateurs ont témoigné de leur abandon du canal entre le 7 et le 11 mai, parce que l’offre était limitée ou que leurs courses étaient incomplètes (d’après une enquête Nielsen PanelViews). Les mêmes causes d’abandon ont été données pour la livraison à domicile.
C’est une accélération de cinq ans des processus digitaux
La digitalisation du commerce alimentaire va profiter de cette période inédite, pense Florence Di Nicola, responsable du marketing d’Alkemics, plateforme de partage numérique sur les produits qui accompagne la Feef dans la digitalisation des fournisseurs de la GMS. « C’est une accélération de cinq ans des processus digitaux qui s’étaient enclenchés auparavant entre industriels et distributeurs », estime-t-elle.
Des processus en place ont permis à des distributeurs de répondre rapidement à la demande. « Trois distributeurs nous ont sollicités pour répertorier des produits de petits producteurs. Partager des fiches-produits, référencer d’un clic et passer commande ; sans digitalisation, c’était impossible », commente Florence Di Nicola.
GS1 France optimiste
L’organisme de normalisation numérique GS1 France a constaté une hausse des adhésions et demandes de codes produits pendant le confinement. La digitalisation fait partie des motifs invoqués. Paul Bounaud, responsable du pôle agriculture, alimentation et distribution, en attend une hausse des transmissions de données produits – les informations obligatoires du règlement Inco – dans la base Code Online Food que GS1 France a lancée l’automne dernier.
Au dernier bilan datant de début juin, 2 300 entreprises, essentiellement des marques, utilisaient Code Online Food, et la base comptait 24 000 codes. Les entreprises y entrent leurs données par un système automatique ou manuellement, via un portail Internet. Au-delà de l’engouement pour la digitalisation, Code Online Food attend une forte augmentation du nombre de références pour deux raisons : l’adhésion d’un distributeur et de ses 4 000 références (dont le nom n’est pas encore communiqué) et l’acceptation de grands groupes comme Kellogg’s, Savencia, Materne et Mont-Blanc (Mom), Findus, Panzani, Barilla.
GS1 France encourage aussi des initiatives en faveur de la transparence des modes de production, de plus en plus demandée. En étant notamment associé à la coopérative Terrena dans la construction d’une « plateforme collaborative de traçabilité » depuis la production agricole.
Besoin d’investir selon l’Ania
Un autre enseignement est donné par les bouleversements des chaînes d’approvisionnement. Les industriels et grossistes dotés de systèmes de relation avec leurs fournisseurs de matières premières ou les transporteurs ont été plus réactifs. Ces systèmes reposent sur l’échange de données informatisées (EDI). « Des clients qui étaient réticents à l’EDI ont découvert l’intérêt d’avoir un système informatique ouvert, qui permet aussi aux collaborateurs de travailler à distance », commente Philippe Chavanel, consultant avant-vente en agroalimentaire de l’éditeur informatique Akanea.
L’accélération de la digitalisation se fait ressentir à chaque maillon de la chaîne : approvisionnement, production et commercialisation. L’Association nationale des industries alimentaires (Ania) y voit le besoin des industriels dans l’exploitation et valorisation des données de production, la traçabilité des produits, l’inter-connectivité hommes-machines, etc. L’Ania a sondé trois fois ses industries adhérentes depuis le début du confinement. Le dernier sondage fait ressortir un besoin criant d’investissements à court et moyen terme.
Stéphane Dahmani, directeur économie de l’Ania, craint que TPI et PMI, ayant le plus besoin de digitalisation, ne soient les plus affaiblies par la crise. Elles auraient besoin, selon lui, d’un accompagnement de sortie de crise et d’une incitation fiscale à l’investissement digital.