Artisans
Les bouchers non indemnes de l’épidémie
Les bouchers, charcutiers et traiteurs vivent de façon contrastée les effets du confinement sur leur commerce. Les bouchers veulent jouer la carte de la proximité conjointement avec les éleveurs.
Les bouchers, charcutiers et traiteurs vivent de façon contrastée les effets du confinement sur leur commerce. Les bouchers veulent jouer la carte de la proximité conjointement avec les éleveurs.
Boucher du marché dans une grande ville ou d’une zone touristique, charcutier alsacien près de la frontière allemande, traiteur de réceptions ou boucher à l’écart de tout autre commerce de bouche : ces artisans sont à l’arrêt imposé ou espèrent une trop faible clientèle – de riverains, de frontaliers ou de touristes – pour ouvrir avant le déconfinement. « En revanche, les artisans de gros bourgs, environnés de commerces, travaillent plutôt mieux », témoigne Jacqueline Riedinger Balzer, présidente de la Fédération régionale des bouchers charcutiers traiteurs d’Alsace. Également présidente de la Confédération internationale de la boucherie et de la charcuterie (CIBC), elle recueille des observations similaires de la part de ses collègues européens.
Jacqueline Riedinger Balzer témoigne de la livraison des clients isolés (65 % des artisans interrogés par la CFBCT). Elle fait part aussi de l’envol de la distribution automatique en casier réfrigéré, en faisant elle-même l’expérience depuis six mois. « J’avais peur d’avoir fait une erreur, maintenant ça explose », témoigne l’entrepreneuse alsacienne.
Très vite après, ils ont acheté de quoi préparer de bons repas
Jean-Jacques Pineau, fondateur des boucheries du Bœuf tricolore, pense avoir gagné un peu plus de clientèle des grandes surfaces. Les spacieuses boucheries avaient immédiatement mis en place le dispositif de sécurité : banderole autour de l’étal, une entrée et une sortie, pas plus de cinq clients à la fois, sacs en plastique gratuits en remplacement des sacs personnels, parois de plexiglas en caisse. Une opération a « fait venir du monde, assure-t-il, avec 30 % de réduction aux soignants, et une prise en charge prioritaire ». Jean-Jacques Pineau a distingué deux périodes depuis le confinement : « les deux premières semaines, les clients ont fait du volume. Très vite après, ils ont acheté de quoi préparer de bons repas ». « Nous maintenons la promotion d’une pièce noble en fin de semaine », précise-t-il.
Lien gagnant-gagnant avec les éleveurs
Jean-François Guihard, président de la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT), voudrait voir se poursuivre la dynamique de ces dernières années : quelque 2 % par an de salariés en plus. « Mais les entreprises déjà fragiles vont avoir du mal à se remettre du confinement », craint-il. « Il faut sortir des sentiers battus. Le consommateur va demander encore plus de proximité », interpelle-t-il. Il salue l’initiative de la fédération bretonne d’avoir lancé la marque Bouch & Breizh. Jean-François Guihard tient en particulier à valoriser le lien direct entre éleveurs et bouchers. « Un lien gagnant-gagnant, sur lequel on pourra communiquer, et une signature, plaide-t-il, parce que le label Rouge ne convient pas à tous. »
Froissé par le manque de considération de la Fédération nationale bovine (FNB) dans le contexte du coronavirus, le président des bouchers se rassure en voyant le dialogue se rétablir. « Nous avons intérêt à travailler ensemble », insiste-t-il. Jean-François Guihard n’est pas opposé à la vente directe de l’élevage. « Nous souhaitons faire respecter les mêmes droits et les mêmes devoirs », déclare-t-il cependant.