Performance environnementale
Le transport routier poursuit sa mise au vert
Les engagements collectifs et individuels des entreprises de transport routier en matière environnementale se sont multipliés depuis dix ans. La question est devenue un élément de différenciation stratégique pour les opérateurs de logistique. Ce sujet a été proposé par Michel Biero, directeur exécutif achats et marketing de Lidl France, rédacteur en chef invité des Marchés Hebdo.
La mise au vert des transporteurs routiers est une préoccupation de longue date des pouvoirs publics et des entreprises elles-mêmes. Une première démarche collective de réduction volontaire des émissions de CO2 a été lancée il y a tout juste dix ans par le ministère de l’Écologie et l’Ademe, dans la foulée du Grenelle de l’environnement. La charte d’engagements volontaires de réduction des émissions de CO2 visait à obtenir des entreprises de transport pour compte d’autrui et aux entreprises et chargeurs ayant une flotte en compte propre un engagement sur trois ans dans un plan d’actions concrètes et personnalisées en vue de diminuer leur consommation de carburant : diagnostic CO2, définition d’indicateurs de performance environnementale, plan d’actions…
Le programme a connu un grand succès. Alors que l’objectif était de 3 000 entreprises sensibilisées, 5 500 l’ont été et près de 1 600 ont été accompagnées. La démarche arrivant à son terme fin 2017, l’Ademe et les organisations professionnelles ont pris le relais, avec un programme plus large, Eve, qui doit durer jusqu’à fin 2020. Le champ d’action a été élargi à l’ensemble des acteurs professionnels du transport et de la logistique (transporteurs, commissionnaires et chargeurs) en s’appuyant sur différents dispositifs d’engagement volontaire.
Flux de transport et nouveaux matériels
Les principaux opérateurs de la logistique du froid, en particulier, ont pris conscience que l’amélioration de leur performance environnementale constituait d’ores et déjà un facteur essentiel de différenciation et devait donc être insérée au cœur de leur stratégie. « C’est parce que nous avons conscience que nous sommes une partie du problème que nous savons aussi que nous sommes une partie de la solution », résume un dirigeant d’une entreprise du secteur.
Nous sommes une partie de la solution
Leader du secteur du transport frigorifique en France, Stef affiche sa volonté de réduire son empreinte carbone notamment par la mise en place de nouveaux modes d’organisation et l’expérimentation de technologies alternatives moins polluantes. « Dans un certain nombre de villes en France, nous déployons de nouvelles solutions de livraison (tricycles, porteurs GNC, triporteur-test à assistance électrique…, ndlr) afin de réduire nos émissions et promouvoir un transport sans bruit », indique Stef.
Pour limiter sa consommation de carburant et sa production de gaz à effet de serre, les conducteurs sont formés à l’écoconduite et à la gestion du froid dans les camions et l’entreprise joue sur « la massification des flux de transport et l’utilisation de nouveaux matériels » pour diminuer ses besoins en énergie fossile. 80 % de ses véhicules répondent à la norme antipollution Euro 6. Côté production de froid, Stef a déployé 70 véhicules équipés en cryogénie à l’azote systèmes cryogéniques à l’azote, fonctionnant sans moteur et ne génère pas de nuisances sonores. « Pour limiter la consommation de carburant, nous testons depuis dix ans différents prototypes et modèles de véhicules hybrides ou 100 % électriques », précise encore Stef.
L’heure des énergies alternatives a sonné
Son concurrent STG n’est pas en reste. Le transporteur a installé des génératrices électriques pour la production du froid sur différents véhicules, l’énergie produite par le moteur permettant de produire le froid au lieu d’un moteur diesel. Côté motorisation, l’entreprise familiale bretonne a fait l’acquisition de véhicules GNV (gaz naturel pour véhicule), dédiés à la livraison en zone urbaine en région parisienne, pour son agence STG-GMT à Orly.
Le challenger Delanchy a détaillé cette année ses engagements dans son premier rapport RSE de l’entreprise. Parmi les initiatives notables, le transporteur spécialisé dans le frais s’est porté acquéreur auprès de Renault Trucks d’un prototype de camion frigorifique de livraison urbaine de 13 tonnes tout électrique, dont il a participé à la conception. Le véhicule, équipé d’une caisse frigo alimentée directement par les batteries du véhicule, sans émissions sonores ni polluantes, effectue la liaison entre le marché de Corbas et les halles de Lyon. Le parc sera étendu à partir de 2019. Concernant les véhicules longue distance, Delanchy a converti la quasi-totalité de sa flotte (900 véhicules en propre) aux normes Euro 5 et Euro 6, dont les deux tiers en Euro 6.
Du côté des véhicules utilitaires enfin, le virage vers l’électrique semble désormais bien engagé, en tout cas pour les flottes captives. Le salon des véhicules commerciaux de Hanovre en septembre, a ouvert les yeux des derniers sceptiques sur la conversion en cours. Après le Renault Master ZE, lancé voici quelques mois, Volkswagen Utilitaires a présenté pas moins de cinq nouveaux véhicules entièrement électriques dont le e-Transporter ou le e-Caddy, versions zéro émission des actuels véhicules thermiques. De son côté, Mercedes a levé le voile sur le e-Sprinter, version 100 % électrique du tout nouveau Sprinter.
Le Grand Paris s’empare de la logistique métropolitaine
Une trentaine de collectivités locales et d’acteurs privés de la logistique urbaine (parmi lesquels le marché de Rungis, la Fédération nationale du transport routier ou encore la Confédération générale de l’alimentation en détail) ont signé un pacte pour une logistique métropolitaine sous l’égide de la métropole du Grand Paris, qui rassemble la capitale et 130 communes des petite et grande couronnes. « Il n’existe pas d’autorité organisatrice du transport de marchandises à l’instar de ce qui prévaut pour le transport de personnes », justifie Patrick Ollier, le président de la métropole du Grand Paris, qui détient le record européen du trafic routier. Selon lui, le Grand Paris « constitue une échelle de gouvernance permettant de répondre aux défis logistiques qui se renforceront d’ici à 2020 », parmi lesquels le chantier du Grand Paris Express, la croissance du e-commerce et la revitalisation des centres-villes. Un groupe de travail planche sur quatre axes prioritaires : optimiser les flux et les livraisons ; favoriser la transition des flottes vers des véhicules à faible émission ; valoriser l’intégration des fonctions logistiques dans l’urbanisme et les projets d’aménagement ; sensibiliser le consommateur.
L’avis de Michel Biero
« Le contrôle des émissions de dioxyde de carbone et l’usage d’énergies alternatives sont aujourd’hui indispensables pour assurer la maîtrise de l’efficacité énergétique des acteurs de la logistique et du transport. La limitation des gaz à effet de serre doit aussi donner lieu à des réflexions organisationnelles de l’ensemble des partenaires comme l’optimisation des plans de livraisons afin de limiter le nombre de kilomètres, la gestion des taux de remplissage des camions en fonction des volumes ou encore la limitation des retours à vide. Chez Lidl, nos camions circulent ainsi à 94 % de remplissage (objectif 96 % pour 2022). Nous travaillons également sur une réduction de 15 % de distance parcourue sur cinq ans. Enfin, nous tablons sur 80 % de camions silencieux dans les grandes villes à l’horizon 2022. »