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La viande de veau est frappée par la crise

Production et consommation de veaux de boucherie sont en chute libre. La filière veau sous la mère est particulièrement dans la tourmente. Néanmoins, la restauration commerciale reste un débouché important.

« On estime à -16 % la chute des volumes vendus en grande distribution et boucherie traditionnelle, à fin septembre, contre -8 % pour l’ensemble des viandes de boucherie fraîches », selon Gilles Gauthier.
« On estime à -16 % la chute des volumes vendus en grande distribution et boucherie traditionnelle, à fin septembre, contre -8 % pour l’ensemble des viandes de boucherie fraîches », selon Gilles Gauthier.
© Interbev Bravo le veau

Alors que les températures automnales devraient redonner envie de mijoter des blanquettes, « je vais être honnête, les informations sur la consommation ne sont pas bonnes », déclare Gilles Gauthier, président de la section veau d’Interbev. « Nous souffrons depuis plusieurs mois. L’été n’est jamais propice, mais avec les températures très élevées que l’on a eues, les ventes ont été particulièrement catastrophiques. On s’attendait à du mieux à la rentrée, mais la reprise a été très tardive. L’ambiance est vraiment morose », poursuit-il.

Le président avance des chiffres alarmants : « On estime à -16 % la chute des volumes vendus en grande distribution et en boucherie traditionnelle, à fin septembre, contre une baisse de 8 % pour l’ensemble des viandes de boucherie fraîches. » Les prix au consommateur ont relativement moins progressé pour le veau que pour beaucoup d’autres produits carnés. Mais le veau de boucherie est la référence la plus chère du rayon et pâtit donc des arbitrages des ménages.

La production de veaux de boucherie recule

Les coûts de production se sont envolés cette année. Pour les éleveurs, il s’agit de l’électricité et du gaz, explique Gilles Gauthier : « Les coûts de l’énergie pèsent lourd sur les élevages qui consomment beaucoup pour la préparation de l’aliment lacté. »

Pour les intégrateurs, c’est l’aliment d’engraissement qui a atteint des sommets. Dans ce contexte, on assiste à un nouveau recul de la production. « On pourrait limiter la baisse de la production à -6 ou -7 % », juge-t-il, rappelant que les abattages de veaux de boucherie ne cessent de reculer en France.

En vingt ans, ils ont baissé de plus de 37 %, selon les données d'Agreste. « On ne sera pas surchargé de veaux dans les prochains mois, jusqu’à fin février au moins, conclut le président. Le marché est donc potentiellement à l’équilibre, entre chute des achats des ménages et recul de la production, ce qui laisse présager d’un maintien correct des prix entrée abattoir. »

Le veau sous label en péril

Si les abattages de veaux de boucherie, dits industriels, reculent, ceux de veaux sous la mère et autres labels sont en chute libre. « Au moment où je vous parle, on estime que la production de veaux sous la mère pourrait baisser de 20 à 30 % dans les deux départements clés que sont la Corrèze et la Dordogne, c’est très inquiétant. » Car cette production traditionnelle, d’excellence même, souffre fortement de la conjoncture.

« La production de veaux sous la mère pourrait baisser de 20 à 30 % », Gilles Gauthier, président de la section veau d’Interbev.

D’un côté, la baisse de la consommation, de l’autre, la flambée des coûts de production, et voilà les producteurs pris en étau. « Depuis quatre à cinq mois, nous subissons les effets dévastateurs de la guerre en Ukraine, les coûts alimentaires ont explosé, affichant +40 % », résume Gilles Gauthier. Or les prix de vente des animaux ne suivent pas. « Depuis mars, il manque, suivant les catégories, de 1 à 1,50 euro, voire 2 euros du kilogramme carcasse pour certains veaux », expliquait Gilbert Delmond, éleveur de veaux en Corrèze et président d’Elvea 19, à nos confrères de Réussir Bovins Viande.

« Il faut bien comprendre que le veau sous la mère est l’une des productions les plus contraignantes, les plus exigeantes pour l’éleveur. Dans ce contexte, ils n’ont pas pu faire autrement que de relâcher les animaux au pré pour en faire des broutards », regrette Gilles Gauthier. Ces animaux manqueront sur les étals début 2023. Et le veau sous la mère devrait se raréfier. « C’est un adage, mais quand on arrête l’engraissement, il est rare qu’on s’y remette. De nombreux éleveurs ont plus de soixante ans, ils ne reprendront pas. En revanche, il y a encore des jeunes qui vont continuer à faire ce produit d’excellence, ancré dans la culture et la gastronomie française, mais il leur faudra un prix correct ! s’emporte le président. On espère juguler la baisse entre 10 et 15 % au bilan. »

L’importance de la restauration commerciale

« Il y a quand même des vraies bonnes nouvelles, [comme] le fait que la restauration commerciale nous reste fidèle », se réjouit-il. Près d’un cinquième du veau consommé en France l’est en restauration commerciale, et ce débouché permet aussi un bon équilibre carcasse dans la filière, valorisant des pièces moins achetées par les ménages. « Il est très important pour nous de ne pas nous couper de cette cible prioritaire, c’est un axe de communication important, nous avons déjà commencé des travaux importants avec Metro et Promocash », indique Gilles Gauthier.

La communication est cruciale en cette période de crise, mais comme les budgets dépendent des abattages, « il faut réfléchir au plus urgent et se concentrer sur nos points forts », conclut-il. D’autant qu’inciter les restaurateurs à faire figurer le veau dans les menus ne peut que profiter à la France.

Il est loin le temps où les Pays-Bas arrosaient l’Europe de leur viande plus compétitive. « Les Pays-Bas ont redressé leur production après deux années de Covid-19, sans pour autant retrouver les volumes de 2019 », rapporte l’Institut de l’élevage, mais les contraintes environnementales de plus en plus drastiques limitent toute croissance de la production néerlandaise de veaux de boucherie. « La production est devenue très fragile aux Pays-Bas », constate le président de la section veau d’Interbev.

Le prix de l’aliment veau s’éloigne des records, mais reste élevé

L’année 2022 est celle de tous les records pour l’indice des matières premières entrant dans la fabrication des aliments d’allaitement (Imfal), calculé et publié par Les Marchés depuis une trentaine d’années. Les prix des poudres de lait ont commencé à se renchérir il y a plus d’un an, comme ceux des poudres de lactosérum. La guerre en Ukraine a donné un nouveau coup avec la flambée des matières grasses végétales. Comme les prix de l’aliment fibreux n’étaient pas en reste, aucun ajustement de formule n’a permis aux intégrateurs de limiter les frais. L’indice Imfal atteignait ainsi un record, à près de 220 points en avril, contre 133 points en 2021 et 99 points en 2019. Depuis, les prix des poudres de lait se sont tassés, comme ceux du lactosérum, conséquence du retrait de la Chine, beaucoup moins aux achats pour le moment. Les prix des huiles aussi se sont tassés, tout en restant hauts. Mais dans l’ensemble, les coûts alimentaires restent très élevés et de nature à inciter les engraisseurs à la plus grande prudence. D’autant plus que l’évolution des coûts de production est incertaine et qu’il est difficile de savoir combien coûtera l’engraissement d’un veau mis en place aujourd’hui et quelle sera l’ambiance commerciale à l’heure de sa sortie.

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