La filière foie gras s’expose aux journées du patrimoine
Ouvrir les portes, montrer les bons gestes, de l’élevage à la transformation du canard à foie gras. Les frères Dupouy, éleveurs gaveurs, et Maison Lafitte donnent rendez-vous au public les 19 et 20 septembre.
Ouvrir les portes, montrer les bons gestes, de l’élevage à la transformation du canard à foie gras. Les frères Dupouy, éleveurs gaveurs, et Maison Lafitte donnent rendez-vous au public les 19 et 20 septembre.
Hervé et Emmanuel Dupouy, deux frères éleveurs de canards à foie gras dans les Landes pour Labeyrie, montreront pour la première fois tout leur savoir-faire lors des prochaines journées du patrimoine. Le gavage, pratique la plus contestée, ne fera pas exception. Les visiteurs entreront par petits groupes dans les bâtiments, afin de maintenir le calme que nécessite cette opération. Emmanuel en a fait la démonstration le 10 septembre devant des journalistes invités par le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog) : assis au sol au centre d’un des parcs, il saisit du bras un des canards massés d’un côté du parc, bloque chaque patte sous ses jambes, glisse l’embuc dans son cou, déclenche le dépôt de la pâtée de maïs dans le jabot et le relâche de l’autre côté du parc. Un enchaînement de gestes fluides, précis, de quelques secondes.
La routine n’empêche pas d’ajuster la ration en fonction de la saison et des températures, et de réduire celle d’individus plus petits. Les deux frères expliqueront au public comment les canards sont préparés à bien supporter le gavage. Outre la gloutonnerie propre aux palmipèdes migrateurs, c’est le résultat de la prise unique d’un seul gros repas quotidien pendant les jours qui précèdent ; de sorte que le jabot se dilate suffisamment. Dans différents petits bâtiments d’engraissement des frères Dupouy, les canards sous label Rouge séjournent 10 à 12 jours par bandes successives de 1 650 canards.
3 minutes d’engraissement dans 90 jours de vie
Les frères leur font prendre deux repas quotidiens en début et fin de journée, une tâche de 4 heures par jour pour chacun. Ce que veulent montrer les éleveurs au public : des poussins dans un bâtiment confortable, des canards libres de circuler entre leur bâtiment paillé et leur parcours arboré dans le beau paysage de Chalosse, une alimentation locale et des précautions sanitaires qui dispensent d’antibiotiques, des bâtiments bien équipés de taille réduite. Ils souligneront que le temps de gavage en claustration (mais au frais et sous lumière naturelle) représente 3 minutes à peine d’une vie de 90 jours. Les frères Dupouy prévoient d’accueillir une centaine de visiteurs le samedi 19 septembre, avec l’aide de quinze collègues pour faire déguster et discuter.
Des dizaines de mains expertes à Maison Lafitte
La centenaire Maison Lafitte landaise se prépare aussi à accueillir le public. Il ne s’agit pas d’ouvrir tous les ateliers, mais d’exposer son savoir-faire artisanal, du tri des foies gras crus à la finition des cuisses confites sous label Rouge. Les journalistes invités le 10 septembre ont eu la chance de voir opérer des dizaines de mains expertes : celles qui, d’un glissement du pouce au creux des lobes frais, déterminent si le foie tiendra bien à la cuisson en conserve (20 à 30 % des besoins de l’entreprise) ou à la cuisson plus douce du foie gras mi-cuit ; les mains chirurgiennes qui recherchent et tirent les veines de la pointe d’un petit couteau ; les mains qui saupoudrent l’assaisonnement – uniquement du sel, du poivre et quatre épices pour le foie label Rouge –, jusqu’aux mains qui parent l’extrémité de l’os des cuisses confites. Les visiteurs verront comment choisir et préparer leur foie gras cru.
On utilise tout dans le canard
« On utilise tout dans le canard », aime rappeler Stéphanie Berniolles, responsable de la qualité et de la sécurité, 22 ans d’ancienneté dans l’entreprise. Maison Lafitte vend les magrets en frais, transforme les cuisses et manchons en confits, fabrique des saucisses, prépare des pâtés, vend les pattes et les langues en Asie, fait des fonds de sauce et bouillons des carcasses, vend les plumes aux fabricants de duvets et doudounes. La cadence d’abattage est très lente, souligne la responsable – 950 à 1 000 canards abattus par heure – et est encore divisée par deux sur la chaîne de désossage.
Les douze opérateurs de cette chaîne prennent le temps d’évaluer chaque découpe dont ils sont responsables ; ils l’accrochent et un dispositif numérique répartit les différentes découpes en bout de chaîne. « Nous n’investissons que pour l’ergonomie », fait-elle savoir. Michel Fruchet, président du Cifog, assistait à la visite de presse. « Ça n’existe pas le foie gras industriel », a-t-il commenté.
Efforts et succès de Lafitte à l’exportation
Maison Lafitte a suivi de près sa première livraison en Chine, en août de cette année : 300 kg de foies gras surgelés par avion. L’entreprise importatrice va tester les restaurateurs et vraisemblablement refaire une ou deux commandes. Maison Laffite envisage d’expédier par bateau différents produits en Chine. Le Japon est sa principale destination. « La cuisine japonaise s’est emparée du foie gras. Les chefs veulent des gros foies, de 700 grammes, qui ont le plus de goût. Ils le cuisent peu et en font des associations simples », admire Fabien Chevalier, directeur général de Maison Lafitte en fin gourmet. L’Espagne est suivie du Royaume-Uni, de la Suisse, de l’Italie, de la Nouvelle-Zélande et du Chili. Les États-Unis, dont « l’agrément est le plus dur au monde », selon le directeur général, seraient venus réaliser un audit début 2020, après plus de quatre ans d’efforts. Maison Lafitte réalise 14 % de son chiffre d’affaires à l’exportation.