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« La fermentation est une grande technologie verte aux pouvoirs infinis », selon Christine M’Rini Puel, directrice R&D de Lesaffre.

Christine M'Rini Puel est directrice R&D du groupe Lesaffre.
Christine M'Rini Puel est directrice R&D du groupe Lesaffre.
© Lesaffre

Arrivée début 2022 chez Lesaffre pour diriger la R&D, Christine M’Rini Puel partage avec le géant de la levure l’idée que la fermentation est une des réponses au défi de l’alimentation saine au niveau mondial.

À l’origine médecin-chercheur, Christine M’Rini Puel était depuis 2019 vice-présidente en recherche et innovation à Danone, pour tous les sujets santé et science de la division nutrition spécialisée (laits infantiles et nutrition médicalisée et spécialisée). Elle occupe maintenant un poste stratégique chez Lesaffre.

Historiquement, Lesaffre fournit des levures aux boulangers et industriels de la boulangerie. Où en est cette activité, et d'autres sont-elles en expansion ?

Christine M’Rini Puel - Nous travaillons avec des levures, des bactéries et aussi des phages. Les activités commerciales de Lesaffre reposent aux deux tiers sur son historique de développement de levures à destination de la boulangerie. Cette activité se maintiendra forcément, puisque le pain est un aliment relativement durable ; il ne coûte pas cher, il est naturel, source de nutriments et de calories que l’on peut qualifier de « vertes », comparées à d’autres sources alimentaires. Lesaffre concentre également ses efforts sur des activités complémentaires, comme la santé humaine, animale et végétale, ou encore les biotechnologies industrielles avec la recherche sur les bioéthanols de seconde génération. Nous produisons également des arômes, comme la vanilline ou des ferments à bénéfice organoleptique pour la brasserie. Le séchage à façon de levures et de bactéries fait aussi partie de nos activités.

Quelles sont les perspectives fermentaires dans l’agroalimentaire ?

C. M. - Le pouvoir de la fermentation est infini. À travers elle, on peut fabriquer des protéines très spécifiques qui atteignent un profil en acides aminés et/ou une biodisponibilité, lorsqu’elles sont absorbées par le corps humain, identiques à des protéines animales. La fermentation permet également de fabriquer, outre des protéines, des molécules hautement spécifiques et à haute valeur ajoutée, comme les oligosaccharides contenus habituellement dans le lait maternel. Le lait maternel humain en contient un millier, dont les bénéfices vont de la défense anti-infectieuse au développement du cerveau ou le bien-être digestif du nourrisson. La fermentation permet aujourd’hui d’en fabriquer une quinzaine, dont cinq produites à grande échelle et commercialisées. Produire des souches et des molécules à grande échelle est un savoir-faire d’excellence de Lesaffre qui dispose dans ses usines des cuves de fermentation qui peuvent aller jusqu’à 220 000 litres.

Comment la France et l’Union européenne peuvent-elles aider le développement de cette technologie ?

C. M. - En France, il existe des initiatives ambitieuses, comme « Ferments du futur » à laquelle Lesaffre est associée et qui exploite le grand potentiel français fermentaire et de recherche sur le sujet et ses atouts en matière de bioproduction. Un des enjeux majeurs auxquels la France et l’Europe doivent faire face reste toutefois l’approvisionnement en matières premières, pour lequel elles sont aujourd’hui encore dépendantes d’autres pays. Enfin, je dirais que la matière grise est aussi un enjeu : je pense notamment à la place des femmes dans les filières d’ingénierie et/ou bio-ingénierie qui vont contribuer au développement de ces technologies. Travailler à développer un procédé de plus en plus durable, économe, circulaire et qui révèle le potentiel du vivant avec des répercussions possibles dans des applications aussi diverses que la santé humaine, animale et végétale, le remplacement d’énergie fossile et autres, devrait permettre d’attirer les jeunes générations, dont les jeunes filles, avides de recherche de sens et d'effets positifs. Il faut les y encourager.

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