Agroalimentaire
« Des entreprises sont en très grande difficulté », selon l’Ania
Si nombre d’usines agroalimentaires sont passées aux 3x8 et au travail le week-end pour nourrir les Français confinés durant la crise liée au Covid-19, 70 % des industriels ont perdu du chiffre d’affaires et sont confrontés à des hausses de coûts, selon le dernier baromètre de l’Ania. Explications de sa directrice générale, Catherine Chapalain.
Si nombre d’usines agroalimentaires sont passées aux 3x8 et au travail le week-end pour nourrir les Français confinés durant la crise liée au Covid-19, 70 % des industriels ont perdu du chiffre d’affaires et sont confrontés à des hausses de coûts, selon le dernier baromètre de l’Ania. Explications de sa directrice générale, Catherine Chapalain.
« Contrairement aux idées reçues, si l’agroalimentaire a mieux répondu à la crise du Covid-19 que d’autres secteurs, des entreprises du secteur sont en très grande difficulté et, pour elles, nous sommes maintenant dans la phase critique », explique Catherine Chapalain, directrice générale de l’Association nationale de l’alimentaire (Ania). Durant la période de confinement, avec la fermeture des écoles, des restaurants et des rayons traditionnels dans les grandes surfaces, les industries agroalimentaires (IAA) ont globalement perdu 22 % de chiffre d’affaires, selon le dernier baromètre * de l’Ania, issu des réponses de 600 entreprises de toutes tailles, tous secteurs et tous territoires, interrogées du 4 au 7 mai 2020 sur leurs difficultés et besoins à court et moyen terme.
En détail, 68 % des entreprises prévoient une baisse de chiffre d’affaires de mars à mai, contre seulement 16 % s’attendant à une hausse. Et pour 22 % d’entre elles, la baisse devrait même être supérieure à 50 %. « Ce sont les TPE-PME fournissant la restauration hors domicile ou le rayon traditionnel qui souffrent le plus », précise Catherine Chapalain. Selon le baromètre, quand 40 % des grandes entreprises déclarent avoir enregistré une baisse de chiffre d’affaires durant la période de confinement, ce taux atteint 52 % pour les ETI, 69 % pour les PME et 82 % pour les TPE.
Les entreprises se sont mobilisées quoi qu’il en coûte
Les conséquences de la crise sanitaire sont relativement plus fortes pour les boissons (secteur dans lequel les entreprises annoncent -37 % de chiffre d’affaires) et l’épicerie sucrée (fabrication de cacao, sucre et confiserie, -36 %). Des différences s’affichent aussi selon les régions avec une baisse de chiffre d’affaires plus importante en Centre-Val de Loire (-37 %), Bourgogne Franche-Comté (-34 %) et Normandie (-33 %) qu’en Occitanie (-2 %), Paca (-7 %), Pays de la Loire (-7 %) ou encore en Auvergne Rhône-Alpes (-16 %).
« On a vécu un premier temps, celui de l’urgence, d’une brutalité assez incroyable où les entreprises du secteur et les salariés se sont mobilisés quoi qu’il en coûte pour nourrir les Français au prix de grands sacrifices, en répondant parfois à des commandes multipliées par 4 ou 5 grâce à l’organisation de la production en 3x8, au travail le week-end, malgré des problèmes liés aux matières premières, aux matériaux et aux transports », rappelle Catherine Chapalain. Et de préciser : « nous sommes maintenant dans un deuxième temps, celui du soutien aux entreprises en difficulté, il faut les accompagner au mieux ».
Des surcoûts de l’ordre de 8 %
Et ce, d’autant plus qu’alors que « l’inflation sur les produits alimentaires transformés est actuellement très modérée », selon l’Ania, « les entreprises de l’alimentation encaissent des surcoûts non négligeables ». D’après le baromètre de l’association, près de 80 % des entreprises sont concernées par une hausse de prix des intrants, avec une hausse moyenne de 8 % avancée par les entreprises. Les entreprises évoquent des surcoûts liés (dans l’ordre des plus forts aux moins forts) : aux équipements de protection ; à la maintenance et au nettoyage ; au transport ; au personnel ; aux prix des matières premières.
Pour les PME et secteurs les plus touchés, l’Ania réclame un plan de soutien avec la poursuite des mesures de chômage partiel jusqu’en septembre et la reconduction du système de prêt garanti par l’état. « Il faut sensibiliser les entreprises TPE et PME à tous les dispositifs existants, et nous demandons la bienveillance des services déconcertés », avance Catherine Chapalain. La directrice générale de l’Ania indique que l’association reçoit une bonne écoute de la part du gouvernement et notamment de Bercy qui après une réunion quotidienne durant la crise (« pour voir comment nourrir les Français ») organise encore deux réunions par semaine avec la filière agroalimentaire. « Bruno Le Maire est très présent », tient à souligner Catherine Chapalain.
Il faut un suivi pour que les entreprises ne tombent pas
« Il faut un suivi pour que les entreprises ne tombent pas », poursuit-elle, sachant que l’Ania ne s’attend pas à un retour à une activité « normale » avant la fin de l’année. Durant cette phase 2, l’association réclame aussi un accompagnement des entreprises pour la transition écologique et numérique et la modernisation des sites. Deux tiers des entreprises, ayant répondu au baromètre, affirment avoir annulé des projets d’investissement depuis la crise et 64 % déclarent avoir besoin de subvention pour les réactiver. 70 % des industriels formulent des besoins d’investir dans la modernisation de leurs équipements numériques ou la décarbonation de leur production.
« Viendra ensuite un troisième temps pour reconstruire une filière compétitive à l’export », énonce Catherine Chapalain.
Décalage de la loi Économie circulaire demandé
Dans un courrier du 3 avril 2020 dévoilé par Le Canard enchaîné, le Medef demandait à la ministre de l’Environnement Élisabeth Borne « un moratoire sur la préparation de nouvelles dispositions énergétiques et environnementales, notamment celles élaborées en application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ». Membre du Medef, l’Ania est favorable à un décalage de l’application de la loi, en particulier de la responsabilité élargie du producteur (REP) annoncée pour la restauration en 2021. Elle demande que la consultation qui devait débuter en mars pour la rédaction des décrets concernant le recyclage et la réduction des déchets par exemple, puisse avoir lieu sereinement. « On ne remet pas en cause cette loi, on demande un simple décalage », assure Catherine Chapalain, directrice générale de l’Ania.