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Bovins
Chine : dernière ligne droite pour la viande bovine française

L’ouverture du marché chinois à la viande bovine française semble se faire au pas de course. Les attentes des opérateurs sont immenses face à ce marché majeur.

Optimisme, admiration pour le travail de l’administration française, il est rare de rencontrer une telle ambiance lorsque des professionnels de la viande se réunissent. Et pourtant, c’était le cas pendant la présentation de Carole Ly, cheffe de la mission des affaires européennes et internationales à FranceAgriMer, à l’occasion de la conférence consacrée au marché mondial de la viande bovine par l’Institut de l’élevage (Idele) le 31 mai à Paris.

L’ouverture du marché chinois a connu une « accélération supersonique », explique Carole Ly, à la suite de la visite d’état du président Emmanuel Macron en janvier. L’embargo sur la viande française a été levé le 3 mars 2017. Selon la procédure habituelle, le commerce avec la Chine n’aurait débuté qu’au mieux en 2020, les audits, protocoles d’accord, inspections et publications sur les listes chinoises prenant quatre à cinq ans en moyenne. Mais un protocole d’accord devrait être signé mi-juin, à l’occasion de la visite en Chine d’Édouard Philippe, Premier ministre. L’objectif affiché est celui d’une ouverture au 14 juillet 2018. Sept abattoirs français sont candidats à l’agrément, ainsi que deux ateliers de découpe et deux entrepôts.

Les abats seront a priori exclus du champ de l’accord, qui concernerait seulement les viandes congelée et réfrigérée ainsi que le haché 100 % muscle. Néanmoins, Carole Ly estime qu’il sera probablement possible d’envoyer du gras, des membranes et des tendons, « souvent inclus dans la définition de la viande en plus des muscles ». Ces morceaux correspondent particulièrement aux habitudes de consommation chinoise et y sont bien mieux valorisés qu’en France.

Nous avons dû créer une nouvelle équipe, de 52 personnes pour le commerce

Pour faciliter les futures relations commerciales, Carole Ly annonce qu’une école chinoise sera mise en place à l’automne, afin que les exportateurs français soient mieux au fait des réglementations et coutumes chinoises.

Pour les opérateurs français, qui n’étaient plus habitués à travailler avec les pays tiers après plus d’une décennie d’embargo, le challenge est important. « Nous avons dû créer une nouvelle équipe, de 52 personnes pour le commerce, l’administration des ventes et la qualité, et rappeler certains spécialistes partis à la retraite ! » explique Marc Feunteun, directeur export chez SVA Jean Rozé.

Un commerce plus simple via les nouvelles routes de la soie

Depuis 2016, des liaisons ferroviaires relient la Chine à l’Allemagne en douze jours, par le plus long chemin ferroviaire du monde dont la longueur dépasse 10 000 km. Pour les exportateurs de viandes bovines, cet itinéraire présente de nombreux avantages. Rapide, en comparaison avec le fret maritime, le rail va permettre l’exportation de viande réfrigérée, bien mieux valorisée que la viande congelée.

Les coûts de transport seront nettement inférieurs à ceux payés par les exportateurs de viande réfrigérée de l’Océanie, qui sont obligés de recourir à l’aviation. La viande européenne sera donc compétitive. De plus, ces routes offrent un accès aux provinces du nord et de l’ouest de la Chine, qui sont, par leur culture, les plus consommatrices de viande bovine. Ces provinces sont aussi en plein développement économique, au contraire des zones côtières aux marchés plus matures. Elles sont par ailleurs moins accessibles, la concurrence y sera probablement moins rude.

Le quart de la consommation est importé

La consommation de viande bovine continue de progresser en Chine, malgré le ralentissement de la croissance économique. L’urbanisation, le développement des classes moyennes et supérieures et celui du e-commerce ont profité au secteur, selon l’Idele.

L’ensemble Chine continentale/Hong Kong a importé, au total, 2,2 millions de tonnes équivalent carcasse (téc) en 2017, selon les estimations de Jean-Marc Chaumet, chef de projet à l’Idele, qui évalue à 800 000 téc les importations « grises » (officiellement non autorisées) en provenance de l’Inde. Cela représente 23 % de la consommation chinoise. Les importations chinoises de viande bovine ont bondi de 14 % entre 2016 et 2017.

Les transformateurs ont subi une hausse de 3 % des cours des bovins vifs alors que le prix à la consommation évoluait peu, ils se sont donc tournés vers l’importation. Les deux tiers de la viande bovine importée proviennent d’Amérique du Sud. Les volumes accédant à la Chine via Hong Kong se réduisent ; ils étaient 80 % en 2012, ils ne sont plus que 37 % en 2017, car la Chine a ouvert son marché à quatorze pays, dont l’Irlande et la Hongrie (viande congelée).

Seuls l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande sont autorisés à envoyer de la viande réfrigérée. Néanmoins, les envois américains sont limités par les exigences chinoises (sans hormone, sans ractopamine, sans complément alimentaire, traçabilité avec un numéro à usage unique). Les États-Unis sont aussi soumis à des droits de douane de 12 % à 25 %, contre 8 % à 17 % pour l’Australie et 0 % pour la Nouvelle-Zélande. Les envois américains représentent moins de 1 % des volumes achetés par la Chine continentale au second semestre 2017. Les exportateurs américains continuent de passer par Hong Kong. Mais le passage de la frontière en contrebande est un surcoût important, de l’ordre de 40 %.

L’Asie, des marchés encore fermés

Seul le Vietnam est véritablement ouvert à la viande bovine française, et les débuts sont encourageants. Pour Hong Kong et les Philippines, les échanges sont limités aux abats. La Thaïlande pourrait s’y ouvrir rapidement. Le bilan vers le Japon est plus mitigé, puisque même si l’embargo est levé et les certificats sanitaires signés, les échanges sont au point mort. En effet, les animaux doivent avoir moins de 30 mois. Les Japonais, eux, recherchent de la viande persillée, ce qui ne correspond pas du tout à la viande des jeunes bovins français. De plus, les taxes sont élevées, malgré leur récente diminution. Les accords de libre-échange entre la Nouvelle-Zélande et le Japon vont contribuer à limiter la compétitivité française. Le marché de la Corée du Sud reste quant à lui fermé, les négociations sont en cours depuis 18 ans et l’embargo n’est toujours pas levé. Si la France peut exporter, en théorie, vers l’Indonésie, ce pays exige des outils uniquement consacrés à l’abattage hallal. Ce qui est incompatible avec la nécessité de satisfaire aussi le marché français, notamment la GMS et donc empêche le commerce. Le marché malaisien, encore fermé, répond aux mêmes exigences.

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