Les protéines végétales à la conquête d’usages multiples
De l’état brut à celui d’ingrédient fonctionnel, les usages des protéines végétales ont devant elles de grands potentiels de valeur ajoutée dans l’alimentation humaine, et des champs du possible inexplorés.
La plupart des grandes cultures sont sources de protéines végétales. Ce sont les légumineuses (soja, pois, pois chiche, lentille, haricots variés, féverole, lupin, lin) dont la plupart peuvent se consommer brutes en alimentation humaine, les graines oléagineuses (soja, colza, tournesol), qu’on triture pour obtenir de l’huile et du tourteau protéique, un coproduit servant essentiellement en nutrition animale (mais aussi bientôt en alimentation humaine grâce à l’association d’Avril et de DSM), et enfin les céréales, comme le blé dont on extrait le gluten ou le riz. Leurs usages en alimentation humaine sont variés.
En graines entières
Les conditionneurs et préparateurs de légumes secs sont Soufflet Alimentaire (marque Vivien Paille), en cours d’acquisition par le groupe Avril, la Ciacam, premier importateur de pois chiches, Sabarot et son emblématique lentille verte AOP du Puy, Bonduelle, d’aucy, Olvac et son emblématique Mogette IGP de Vendée, Atlantique Alimentaire, spécialiste du surgelé du groupe coopératif Cavac, qui vient de faire démarrer une ligne de cuisson de légumineuses.
En farine native
Les pâtes, snacks, purées ou autres préparations aux légumes secs sont déjà très visibles. Ce sont « les utilisations explicites. Les utilisations implicites de farines natives vont tirer parti des propriétés fonctionnelles des différentes légumineuses et de l’absence de gluten, dans une recherche de clean label », explique Stéphane Picolo, directeur commercial de Vegedry, qui a pu constater l’intérêt des services de R & D au dernier CFIA. Exemple : Le Pain des fleurs d’Ekibio. « Les utilisations implicites devraient se développer en France à l’image des marchés du Benelux et anglo-saxons », pense-t-il. Les fabricants majeurs sont peu nombreux. C’est l’usine Soufflet de Valencienne, le meunier Celnat, Sabarot, et depuis septembre 2021 Vegedry, filiale commune entre la coopérative Arterris et la Ciacam, qui transforme exclusivement des légumes secs cultivés en France. AIT Ingredients (Groupe Soufflet) commercialise des assemblages de farines de blé et de légumineuses.
Pour l’enrichissement protéique à fin nutritionnelle
Les concentrats de protéines végétales et les isolats, pouvant atteindre 85 % de protéine, entrent de plus en plus dans la nutrition sportive, la supplémentation pour seniors, les substituts de repas ou les préparations vegan. La demande est telle que Vegedry en produira d’ici à cet hiver, grâce aux financements du Plan de structuration des filières de protéines végétales.
Imitant des produits animaux
Des concentrats de protéines végétales texturés par extrusion peuvent servir de substrat à des faux fromages, obtenus par exemple sous l’action de ferments lactiques, ou à des imitations de viande ou poisson, en association ou non avec des levures. Les recettes des ingrédients de type carné se simplifient grâce au procédé d’extrusion humide (par opposition au procédé déjà ancien d’extrusion sèche). « L’extrusion humide donne directement de la simili viande », vante Denis Chéreau, directeur général de l’institut des protéines végétales Improve. Ainsi, Tereos commercialise sous sa marque Épi & Co des ingrédients de simili viandes blanches à base de gluten et de pois chiche. Denis Chéreau signale qu’un brevet Improve protège « un isolat de pois neutre en goût, de couleur claire, fonctionnel, servant à fabriquer des meat analogues de deuxième génération et des lacto-remplaceurs ». « Roquette produit des protéines texturées et des isolats de pois. Nos protéines texturées entrent dans la composition de saucisses ou steaks ; c’est ce qui tire le marché », indique Cécile Duputel, responsable de la communication pour les protéines végétales du groupe.
Dans des aliments hybrides
De plus en plus de produits – desserts et boissons lactés, burgers, spécialités fromagères – mêlent des protéines animales et végétales. Ceux-ci peuvent intégrer des protéines texturées ou de simples concentrats ou isolats de légumineuses, et faire intervenir des ferments.
Dans des aliments à inventer
Denis Chéreau invite les industriels de l’agroalimentaire à inventer des aliments n’existant pas encore, comme a été inventé le surimi par exemple, mais à base de protéines végétales.
Des ingrédients fonctionnels
Des farines natives de légumineuses aux isolats, les protéines végétales ont de nombreuses propriétés fonctionnelles : émulsifiantes, texturantes, gélifiantes, liantes, etc. Les grands industriels français sont Limagrain, Roquette, Tereos.
Nutrition humaine contre alimentation animale et exportation
Les bilans établis aujourd’hui par FranceAgriMer pour les grandes cultures oléagineuses et protéagineuses se limitent aux grandes filières d’alimentation animale. L’alimentation humaine occupe une place mineure dans les bilans (ici simplifiés) du soja (en majeure partie importé), du pois protéagineux et de la féverole. D’autant plus que l’autoconsommation en élevage n’est pas représentée (elle est supérieure à la consommation de pois par les fabricants d’aliments pour animaux en pois et six fois supérieure à celle-ci en féverole). L’exportation prend une part importante, au profit notamment de la pisciculture norvégienne et de la consommation humaine de féveroles en Égypte, d’après un bilan de 2019-2020 établi par l’interprofession des huiles et protéines végétales Univia. À noter que l’utilisation du pois en alimentation humaine est majoritairement le fait de Roquette (à hauteur de 90 000 tonnes).