La RSE, investissement gagnant pour la charcuterie Leforgeais
La charcuterie Leforgeais, située à Saint-Laurent-de-Cuves dans la Manche (50), a remporté deux trophées de l’agroalimentaire 2024, décernés par l’Area Normandie, pour ses bonnes pratiques.
La charcuterie Leforgeais, située à Saint-Laurent-de-Cuves dans la Manche (50), a remporté deux trophées de l’agroalimentaire 2024, décernés par l’Area Normandie, pour ses bonnes pratiques.
Fin 2021, Olivier Leforgeais passe commande de deux premiers trackers photovoltaïques, des gros poteaux sur lesquels sont posés des panneaux solaires qui s’inclinent et tournent pour être toujours exposés de manière optimale. « Poser des panneaux sur des toitures, il y a un risque d’incendie, et l’avantage du tracker, c’est qu’il entre en production dès le matin, sur une plus large amplitude horaire », explique le dirigeant de la charcuterie qui porte son nom, près de Villedieu-les-Poêles dans la Manche. Quelques mois plus tard, les prix de l’énergie flambent dans le sillage des blindés russes en Ukraine. Le retour sur investissement, initialement calculé à 22 ans, passe à 7 ans ! De quoi l’inciter à en installer trois nouveaux, dans un champ en contrebas. La facture totale s’élève à 300 000 euros (60 000 euros par tracker), les travaux ont été rapides et les vaches laitières de l’éleveur voisin paissent tranquillement, visiblement indifférentes aux nouvelles installations.
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« Le tracker, ce n’est qu'un début ; il faut aller plus loin »
L’entreprise a bénéficié du dispositif Impulsion environnement de la Région Normandie, avec une aide de 50 000 euros à la clé (25 % des dépenses, aide plafonnée à 50 000 €). « Notre budget électricité 2023 était de 120 000 euros. Pour 2024, lorsque nous avons dû renouveler le contrat, il est passé à 260 000 euros ! Nous ne sommes autonomes qu’a 20 %, mais c’est toujours ça de moins qui flambe », constate le dirigeant. Mais « le tracker, ce n'est qu'un début ; il faut aller plus loin », avance Olivier Leforgeais.
Pour lui, il faut que les agriculteurs, qui disposent de toitures où installer des panneaux ou veulent construire des bâtiments, discutent directement avec les entreprises du secteur. Son but, l’autoconsommation collective. En zone rurale, le périmètre de ces opérations est de 20 kilomètres. « Avec le club des entreprises de Brécey, nous avons déjà commencé à réfléchir. Mon voisin a une toiture photovoltaïque sur son bâtiment agricole, Enedis lui rachète 12 ct/kWh. Moi je l’achète 27. On aurait mieux fait de s’entendre sur un prix intermédiaire, gagnant-gagnant », argue-t-il. L’objectif, stabiliser le prix pour 10 ans des heures pleines pour le consommateur et permettre aux producteurs photovoltaïques de valoriser davantage leurs électrons. « Il nous reste la partie juridique, mettre en place une personne morale organisatrice (PMO) », explique le chef d’entreprise.
Jouer sur sa marque employeur
S’ils ne sont que 32 à faire tourner l’entreprise – dont 29 dans les ateliers de production –, ce petit nombre n’a pas incité le dirigeant à oublier l’aspect social de la RSE. « L’esprit est familial. Depuis 2019, l’intéressement prend en compte des critères objectifs comme les économies d’eau et d’énergie, la qualité, mais aussi des critères subjectifs, comme la cohésion, l’entraide, l’intégration des nouveaux arrivants, les propositions constructives à nos réunions hebdomadaires », explique le bouillonnant Normand. Le turn-over, ça coûte une blinde, moi je veux garder les gens. »
En cette année d’inflation, les bas coefficients ont été augmentés de 14 %, « donc on a augmenté tout le monde pareil, on ne veut pas qu’ils s’en aillent ! » affirme celui qui est pourtant localisé dans une zone de plein-emploi. L’entreprise vient d’ailleurs de faire réaliser une dizaine de petites vidéos dans lesquelles les collaborateurs s’expriment sur leur métier. « Ils peuvent ainsi montrer leur travail quotidien à leur famille, à leurs amis, depuis leur smartphone. Ils sont les meilleurs ambassadeurs de notre marque employeur », se réjouit Olivier Leforgeais.
Dans son bureau et sur la façade du bâtiment, de belles photographies professionnelles prises sur le vif lors de la fabrication mettent à l’honneur les employés. Cette mise en valeur des employés lui a valu un prix, celui des « ressources humaines » aux trophées de l’Agroalimentaire normand organisés par l’Area Normandie, qui a complété celui portant sur la « performance énergétique ».
Des pratiques RSE qui permettent la rentabilité
« On vend du pâté, pas du caviar ; on ne peut pas se permettre de faire tout ça si ce n’est pas pour maîtriser nos coûts sur le long terme », assène le dirigeant. Car la charcuterie vend ses produits traditionnels à une quarantaine de grossistes qui revendent à leur tour, notamment aux bouchers-charcutiers. « Notre prix de vente est multiplié par trois au consommateur, donc il faut le garder serré », complète le patron. « Dans un marché mature, dans un secteur en recul cette année, on a fait notre meilleur mois d’octobre ! On a moins augmenté les prix que nos concurrents, grâce à nos efforts sur l’énergie, à l’implication de nos salariés que l’on sait garder, tous les efforts RSE sont payants », souligne-t-il.
L’entreprise s’est récemment de nouveau agrandie, avec du potentiel pour encore développer la production, tout en gardant les recettes traditionnelles des parents d’Olivier Leforgeais qu’il compte bien transmettre à son fils Nathan, aujourd’hui responsable du développement commercial.
La charcuterie Leforgeais, une charcuterie traditionnelle
La gamme proposée par Leforgeais représente bien la tradition de la charcuterie française. Jambonneaux, jambons, pâtés, tripes à la mode de Caen, boudins noirs et blancs… une quinzaine de recettes destinées aux bouchers-charcutiers qui faute de place ou de main-d’œuvre ne peuvent plus tout fabriquer eux-mêmes. « On fait aussi des oreilles, c’est un marché de niche, mais c’est stratégique, car beaucoup n’en font plus. Les clients qui en veulent passent par nous et commandent les autres recettes », précise le dirigeant. L’entreprise achète sa viande de porc auprès d’Abera à Saint-Brice-en-Coglès (Ille-et-Vilaine), Danish Crown (Sarthe) et Vallégrain (Sarthe), « toujours du porc frais, jamais de congelé, c’est ça le secret de la qualité », tranche Olivier Leforgeais.