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Volaille française : les trois erreurs stratégiques que pointe la Cour des Comptes 

La consommation de volaille décolle depuis 20 ans mais la filière n’en profite pas, c’est l’importation qui alimente la hausse de la demande. D’après la Cour des comptes, plusieurs erreurs stratégiques ont contribué à situation ubuesque.   

Pour la Cour des Comptes au moins trois raisons expliquent l'effondrement de la filière volaille en France au cours de ces deux dernières décennies.
© Pascal Le Douarin pour Réussir

Comment la France, grand producteur de volaille, n’a pas su aligner sa production à la consommation qui a augmenté de 54 % entre 1999 et 2022 pour atteindre 1,1912 Mtec !vcm ? C'est ce que cherche à comprendre la Cour des Comptes dans un rapport paru le 3 septembre. La juridiction financière estime que trois erreurs de stratégie ont miné la filière française au point de la rendre dépendante des importations. Ces dernières qui représentaient moins de 200 000 tec par an à la fin des années 1990 ont grimpé au point de dépasser les 850 000 tec par an en 2023.  

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Une stratégie de montée en gamme critiquée  

La France se démarque de ses concurrents par une stratégie de montée en gamme initiée dans les années 1980. La France s’enorgueillit de la diversité de ses espèces ainsi que par ses différentes productions sous signe de qualité. Cependant, ces besoins ne correspondent pas à la demande sur le marché aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est la restauration hors domicile (RHD) qui est moteur de la consommation de volaille en France. Et en RHD, les acheteurs sont plus regardant sur le coût matière. A ce jeu, le poulet importé, moins cher, gagne. Aujourd’hui, si plus d’un poulet sur deux est importé en France, c’est en raison du poids considérable de la RHD qui ne consommait que 7 % des volumes de volaille en 2005, soit 95 000 tec contre 25 % aujourd’hui.   

La France dépend de la volaille du nord-est de l’Europe 

L'Union européenne (UE) est de loin notre principal fournisseur (94 %). Les Pays-Bas et la Belgique, dans les années 2000, puis la Pologne courant 2010, ont modernisé leurs outils d’abattage, de découpe et de transformation. Dans les grands abattoirs français, la capacité est de 300 à 550 000 poulets par semaine tandis qu’elle peut s’étendre jusqu’à 750 000 poulets dans certaines unités polonaises. Par ailleurs, la capacité est en hausse chez nos principaux concurrents européens depuis 20 ans alors qu’en France elle a reculé de 9 % entre 2003-2005 et 2019-2021. Au même moment, les tonnages abattus ont bondi de 178 % en Pologne.   

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En Pologne filière volaille agressive 

Un outil moderne leur a permis de multiplier leurs exportations, notamment vers la France. C'est d’autant plus préoccupant que nos importations au départ de la Pologne se sont fortement intensifiées (+ 2 722 %) ces vingt dernières années. La Pologne a modernisé son outillage et dans le même temps, des grands groupes européens se sont constitués par concentrations et rachats, voire externalisation dans des structures de transformation.  

Lire aussi : Volaille : la stratégie de conquête de la Pologne

A pareille époque en France, les exploitations agricoles disposant d’un atelier volaille de chair (au moins 20 animaux) en métropole (hors Corse) ont dégringolé de 25 700 en 2010 à 15 000 unités, soit- 41 %.  

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Les pays-tiers, tant décriés, représentent seulement 6 % des flux directs vers la France. A eux trois, le Brésil, la Thaïlande et l’Ukraine ne représentent que 2 % des importations françaises.  

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Un net déficit de compétitivité de la volaille française 

Cette différence s’accentue au moment de l’abattage. “Le déficit de compétitivité prix est porté à 0,47 €/kg de poids carcasse avec le Brésil, ou encore 0,09 €/kg de poids carcasse avec l’Allemagne”, déplore la Cour des comptes. “L’ensemble des ratios de coûts rapportés au poids de viande produite sont dégradés par un poids vif moyen de volaille produite en France inférieur à tous ses concurrents internationaux”, fustige la Cour des comptes. En France, il est de 1,9 kg en 2017 contre 2,3 kg en Pologne et  2,48 kg en Ukraine.  

L’Anvol justifie cette caractéristique “par une production historiquement tournée vers la vente en grande distribution, en demande de poulets prêts à cuire ou de découpes d’un poids adapté aux attentes du consommateur”, déplore la juridiction financière. Toutefois, la tendance évolue avec un poids en hausse de 8 % entre 2020 et 2022. “Si cette évolution se confirme, elle pourra avoir un effet favorable sur la compétitivité prix de la production française en plus de correspondre aux attentes du marché de la RHD et de la transformation”, se montre optimiste la Cour des comptes.   

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Une filière délaissée par l’Union européenne et l’Etat français  

“Hormis les mécanismes de soutien à l’export, en vigueur jusqu’en 2013, la viande de volaille n’a jamais fait partie des productions aidées par la politique agricole commune (PAC)”, tranche la Cour des comptes. La filière française a bénéficié jusqu'en 2013 des systèmes d’aides à l’exportations, dites “restitutions”. Sa réduction puis son arrêt total l’a fragilisé. La balance commerciale s’est effondrée et est devenue négative dès 2014. Elle était pourtant largement excédentaire au début des années 2000 (plus de 1 milliard d’euros). Les exportations ont été divisées de moitié en une décennie vers le Moyen-Orient.  

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Aujourd'hui, la France exporte majoritairement des carcasses entières congelées ou fraîches (30 % des volumes) vers le Moyen-Orient. Les bas-morceaux sont destinées à l’Afrique et représentent 20 %. Les abats cuits ou frais en préparation comptent pour 18 % des envois français.   

L'intégration dans les dispositifs de soutien directe de la PAC n’a pas fait office de substitution bien que le secteur bénéficie indirectement des destinées aux grandes cultures compte tenu du poids important de l’alimentation animale dans la production.  

L’Etat peu généreux avec la filière volaille 

L'Etat, il ne s’est pas montré plus généreux, toujours selon la juridiction financière car ”sur la période [grippe aviaire], la filière volaille de chair a, par ailleurs, été peu soutenue par l’Etat qui ne dispose pas encore de politique publique dédiée en dépit des enjeux alimentaires associés”. Les aides, environ 40 M€, n’ont concerné que les plus petites unités, n’ont porté que sur la modernisation des abattoirs dans le cadre de différents plans successifs de soutien à l’investissement dont un grand plan d’investissement.  

“La Cour des comptes estime que, pour aboutir à un plan cohérent pour la filière, ce processus appelle une clarification de la position de l’État, des régions et des professionnels sur les nombreux enjeux auxquels elle doit faire face. Une fois ces choix stratégiques arbitrés, les moyens à mobiliser devront alors être adaptés”. La juridiction financière recommande de “construire avec les professionnels de la filière un outil statistique permettant de suivre l’évolution de la production de volailles de chair et les performances économiques et environnementales des exploitations d’élevage et de la filière dans ses diverses composantes”.   

L’obligation de l’affichage de l’origine tarde   

L’affichage de l’origine des viandes ne s’applique pas toujours aux viandes non préemballées destinées à la restauration, alors que c’est dans ce débouché que l’importation explose. Dans le segment du détail l’origine France domine. Les importations sont estimées à 15 % en moyenne et 23 % pour le poulet standard. En revanche en RHD (y compris la boulangerie, viennoiseries et pâtisserie, dans l’industrie et la rôtisserie, l’importation domine, en particulier pour la gamme standard. La Cour des comptes suggère de “porter auprès des autorités européennes l’extension de l’obligation d’étiquetage du pays d’origine des viandes aux produits transformés à base de viande et la pérennisation de l’étiquetage de l’origine des viandes de volailles dans la restauration hors domicile”.  

Lire aussi : Origine des viandes : les filières dénoncent des trous dans la raquette réglementaire

La grippe aviaire n’arrange rien   

Le quatrième épisode de grippe aviaire a entraîné une perte de 346 millions d’euros pour les élevages selon une évaluation de l’Itavi. Les pertes sont chiffrées à 290 M€ du côté des abatteurs (hors pertes de marchés à l’exportations). Pour le secteur du maillon sélection accouvages, elles sont estimées à plus de 130 M€ dont 40 M€ à l’export. Les fabricants d'aliment ont vu leur perte de chiffres d’affaires évaluée à 430 M€.   

Lire aussi : Carte interactive - Un troisième foyer de grippe aviaire en Bretagne

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