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Porc, produits laitiers, cognac, le point sur la guerre commerciale que mène la Chine à l’UE

Alors que l’Union européenne a dans son viseur les véhicules électriques chinois, à chaque nouvelle avancée de l’enquête, la Chine réplique. C’est le secteur agro-alimentaire qui sert de moyen de pression au géant asiatique, suscitant l’inquiétude de la filière cognac, l’appréhension dans la viande tandis que les effets sur le marché des produits laitiers pourraient être plus mesurés. 

"An intense standoff between two business figures, one representing China (holding a red flag with a yellow star) and the other representing the European Union (holding a blue flag with yellow stars), in front of a background showing global trade routes and shipping containers."
La Chine exerce des représailles commerciales sur les filières agricoles de l'UE
© Généré par l'IA

Le 21 août, c’est la filière laitière qui a connu les conséquences du mécontentement chinois. Pékin a annoncé lancer une enquête sur les subventions perçues par une vingtaine de pays européens, dont la France, y compris dans le cadre de la PAC pour sa production laitière. « Tout sera fait par la filière laitière pour répondre au mieux aux questions des autorités chinoises » nous assure le Cniel, attendant d’avoir davantage d’informations. 

« Tout sera fait par la filière laitière pour répondre au mieux aux questions des autorités chinoises »

Les rumeurs propagées par Pékin étaient insistantes depuis le mois de juin et la procédure n’est plus une surprise puisque c’est le cognac, qui, le premier, en avait fait les frais début janvier. 

Quel calendrier pour les enquêtes chinoises contre les filières alimentaires européennes ?

Dans le cadre du cognac, l’enquête lancée par la Chine le 5 janvier dernier ne portait pas sur les subventions mais sur un possible dumping. Tous les brandies (eaux-de-vie de vin) européens exportés vers la Chine sont concernés, en France il s’agit du cognac et de l’armagnac. Les opérateurs ont tout d’abord dû répondre à des questionnaires adressés par le ministère chinois du Commerce. Ils attendent maintenant la visite des enquêteurs chinois. Des entités appartenant à Rémy Cointreau, Pernord Ricard et LVMH ont été reçues le 17 juillet à Pékin pour une audience à leur demande. L’enquête peut durer plus d’un an, et comprendre à un moment la mise en place de droits de douane provisoires. Une procédure qui devrait être la même pour la filière laitière, estime-t-on au Cniel. L’enquête sur les produits laitiers devrait se terminer avant le 21 août 2025, mais pourrait être prolongée de six mois en cas de circonstances spéciales précise Pékin.

Où en est l’enquête anti-dumping sur le porc ?

Lundi 17 juin dernier, c’était la filière qui apprenait du ministre du Commerce chinois le lancement d’une enquête anti-dumping sur la viande porcine. L’Espagne, les Pays-Bas, le Danemark et la France sont concernés. Le danois Danish Krone, le néerlandais Vion Boxtel et l’espagnol Litera Meat sont les premières entreprises sur lesquelles la Chine enquête.

Quelles conséquences sur les marchés agricoles visés par la Chine ?

Ces mesures de guerre commerciale n’ont pas du tout les mêmes effets selon les secteurs concernés.

« De très vives inquiétudes » pour le cognac 

La filière cognac faisait part de ses « très vives inquiétudes » fin mai. Il faut dire que la Chine représente le quart des exportations totales de cognac. Du côté de l’armagnac, Olivier Goujon le directeur du bureau interprofessionnel rappelait dans un communiqué que « la Chine est aujourd’hui le deuxième marché à l’exportation de l’Armagnac en valeur et le troisième en volume ».

« la Chine est aujourd’hui le deuxième marché à l’exportation de l’Armagnac en valeur et le troisième en volume »

En porc, le marché européen peut être déstabilisé

La Chine a beaucoup donné le ton sur le marché européen du porc. Lorsque ses importations se sont envolées car son cheptel avait été décimé par la peste porcine africaine, les prix du porc dans l’UE avaient flambé. Depuis plusieurs mois au contraire elle n’est plus aux achats et le marché est bien plus morose. Ainsi, entre 2020 et 2024, les importations chinoises de produits du porc ont chuté de 64 %. Selon les prévisions de l’USDA, la Chine ne devrait importer que 1,5 million de tonnes de produits du porc en 2024, 21 % de moins que l’an dernier et un plus bas depuis 2019. Les exportateurs cherchent donc des alternatives et de nouveaux clients ; notamment les Philippines, le Japon et la Corée du Sud, sans que cela ne compense ce recul. De quoi tendre le marché mondial. Au niveau européen, la baisse des achats de la Chine s’est déjà traduite par un report des viandes espagnoles surnuméraires sur le marché communautaire, alimentant en partie la pression sur les prix.

La filière laitière française se veut rassurante

La Chine est un partenaire commercial important pour les fabricants français de poudre de lait infantile, même si les envois reculent dans le sillage de la baisse de la natalité chinoise et d'une confiance retrouvée des consommateurs locaux pour les produits chinois.

Or ces produits ne sont pas concernés par l’enquête, comme toutes les poudres de lait et de lactosérum nous affirme le Cniel. C’est cette dernière qui est d’ailleurs le fer de lance des exportations françaises de produits laitiers vers la Chine avec 17 064 tonnes au premier semestre (+3,9 %), selon les données des douanes rapportées par FranceAgriMer. C’est notre troisième client derrière les Pays-Bas et l’Indonésie.

Lait, beurre, crème et fromage dans le viseur

Néanmoins le lait liquide est dans le viseur de Pékin, or les ventes françaises reprenaient des couleurs (+54 % au premier semestre). Il est possible que certains importateurs chinois aient anticipé les sanctions, avec des envois qui se sont envolés en juin (+121 %). Ce sont des envois sous forme de briquettes majoritairement. La Chine a aussi importé 664 t de crème française au premier semestre (+79 %) et 3 868 tonnes de beurre (+48 %). Néanmoins le marché de la matière grasse laitière étant sous tension, un arrêt des exportations vers la Chine ne devrait pas conduire à un effondrement des prix. Sont concernés les fromages frais, râpés, persillés et fondus notamment. Le Roquefort est dans la liste. La Chine est le huitième marché pour les exportations de fromage de l’UE, loin derrière le Royaume-Uni et les États-Unis. Au premier trimestre 2024, les principaux exportateurs de fromage vers la Chine étaient l’Italie (3 768 tonnes), le Danemark (2 627 tonnes), les Pays-Bas (2166 tonnes) et la France (2 041 tonnes) selon Eurostat. Au niveau français on peut noter les envois de fromages fondus (2 091 tonnes, +14,2 %).

6 codes douaniers sont donc dans le viseur :

  • 04015000 - Lait et crème dépassant 10 % de MG
    04061000 - Fromage frais
    04062000 - Fromage râpé
    04063000 - Fromage transformé mais non râpé
    04064000 - Fromage à pâte persillée
    04069000 - Fromages, sauf frais

Selon les données d'importation rapportées par l'Administration générale des douanes de la République populaire de Chine (GACC), relayées par l'USDA, les importations provenant de toutes les origines (c’est-à-dire les fournisseurs de l'UE et non-UE) des codes SH mentionnés ont augmenté de 1 milliard de dollars en 2019 à 2 milliards de dollars en 2024. La part de marché occupée par les produits de l'UE pour ces produits spécifiques variait de 28 à 34 % de l'ensemble des importations de la Chine.

Pourquoi la Chine cible-t-elle l’Union européenne ?

Sous réserve de l’aval des 27, à partir d’octobre, Bruxelles pourrait appliquer, pour 5 ans, des droits de douanes allant jusqu’à 38 % en remplacement des taxes provisoires décidées début juillet. C’est cette annonce qui a déclenché les représailles sur le lait. L’UE est divisée sur le sujet, avec une vive opposition de Berlin, tandis que le Danemarl, l'Espagne et les Pays-Bas sont plutôt favorables à ces sanctions. Les véhicules électriques chinois représentent 22% du marché européen, contre 3% il y a trois ans, selon les estimations du secteur, rapporte la presse automobile, mentionnant les autres conflits commerciaux en cours entre l’UE et la chine : batterie, éoliennes, panneaux solaires, pour lesquels, juge la Commission, Pékin subventionne ses industriels et pratique du dumping dans l’UE. Et encore une fois les filières alimentaires pourraient subir des sanctions commerciales qui n'ont aucun rapport avec leurs produits.

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