Organisation de producteurs
OP et laiterie n’utilisent pas les mêmes indicateurs
Constituée il y a deux ans, la fédération France OP Lait a encore du pain sur la planche pour que les organisations de producteurs fassent accepter leur prix à leur laiterie. Son président, Denis Berranger, fait le point.
Les Marchés Hebdo : Deux ans après la constitution de France OP Lait, où en sont les organisations de producteurs laitières ?
Denis Berranger : Nées au début des années 2010, les OP laitières ont vu leur rôle renforcé à l’issue de la loi Egalim. Des contrats de livraison sont fixés sur plusieurs années, auxquels on ajoute chaque année un accord-cadre qui fixe un prix. Ce sont ces accords-cadres qu’il faut faire progresser pour parvenir à la construction de prix « marche en avant », du producteur au consommateur, qui intègrent le coût de production des éleveurs. Le problème, c’est que les OP et leur laiterie ne s’appuient pas sur les mêmes indicateurs dans leurs négociations commerciales. Les laiteries continuent de s’appuyer sur des indicateurs Cniel (référence au prix allemand, valeur des prix en beurre-poudre sur les marchés internationaux, etc.) qui n’ont pas la même approche de coût de production que ceux utilisés par les éleveurs. Et à la fin, il y a toujours un écart entre le prix demandé par les OP et le prix proposé par la laiterie.
LMH : Les transformateurs font souvent part de l’impossibilité de passer des hausses de prix des produits transformés auprès de la grande distribution.
D. B. : Il y a eu des hausses acceptées depuis deux ans par les enseignes de la grande distribution. D’abord sur les marques nationales, puis sur les marques de distributeurs. Aujourd’hui, dans le contexte Covid, quelle sera la position de la grande distribution dans les prochaines négociations tarifaires ? N’aura-t-elle pas tendance à demander des baisses de prix ? C’est à ce moment-là que nous verrons si la loi Egalim constitue un rempart solide.
France OP Lait a saisi le médiateur
LMH : Y a-t-il des discussions pour rapprocher OP et laiteries ?
D. B. : France OP Lait a saisi le médiateur (des relations commerciales agricoles, NDLR) en avril dernier pour parvenir à rapprocher les OP et leur laiterie. Nous avons bon espoir d’y parvenir dans quelques semaines. De leur côté, certaines OP ont fait de même. Peut-être faudra-t-il demander l’appui de Bercy pour veiller à la bonne application de la loi. En revanche, aucune OP n’a saisi le tribunal de commerce.
Il faudra que les OP puissent réguler la production
LMH : Que peut apporter la prochaine Pac pour les OP ?
D. B. : En fonction du choix de la France, les OP pourraient avoir accès aux programmes opérationnels (3 % du budget de la Pac), jusqu’à présent réservés, notamment, au secteur des fruits et légumes. Ces programmes opérationnels pourraient donner plus de poids à l’amont en aidant les éleveurs des OP à moderniser leur exploitation, par exemple. L’idée de l’Europe, c’est de financer le renforcement du maillon producteur plutôt que de payer en période de crise. Dans ce cas, il faudra que les OP puissent réguler la production. C’est un sujet important qui démontrera l’efficacité des organisations de producteurs, demain.
France OP Lait : un syndicat, pas une AOP
France OP Lait compte actuellement dans ses rangs vingt organisations de producteurs qui comptent 6 500 producteurs pour une production de 3 milliards de litres de lait, en conventionnel et en bio. La fédération regroupe le tiers des 65 OP françaises qui réalisent 45 % de la production laitière. Les 55 % restant sont détenues par des coopératives qui ne possèdent pas l’agrément d’OP. France OP Lait agit comme un syndicat professionnel et non comme une association d’organisations de producteurs. En tant que syndicat professionnel, ses missions consistent à accompagner, représenter, promouvoir et défendre les OP pour qu’elles deviennent « des partenaires efficaces et constructifs d’une filière laitière pérenne et responsable », dit-elle.