OP dans le secteur laitier : un bilan mitigé ?

Le conseil spécialisé « filières laitières » de FranceAgriMer s’est penché le 27 juin dernier sur une étude de l’Institut de l’élevage relative aux contrats laitiers en 2016*. Outre un minutieux panorama sur l’historique et le contenu contrasté des contrats laitiers,tant en ce qui concerne les volumes que les prix, et une analyse des différents types de relation entre livreurs et collecteurs, les auteurs de l’étude établissent une typologie des organisations de producteurs (OP) dans le secteur laitier et en dressent un bilan. Avec 62 000 producteurs en 2015 pour quelques centaines de transformateurs (dont dix absorbent près des trois quarts de la collecte) et cinq distributeurs assurant 90 % des achats des ménages, le regroupement de l’offre apparaît en effet comme une nécessité.
Deux types d’OP sont reconnus dans le secteur laitier : les OP non commerciales, qui ont un pouvoir de représentation de leurs membres et de négociation collective du contrat en leur nom sous couvert d’un mandat et sans transfert de propriété du lait ; et les OP commerciales, sous forme de coopératives ou de statuts juridiques variés, qui sont propriétaires du lait de leurs adhérents, qu’elles commercialisent. Ces OP, ou leurs associations, peuvent en outre avoir un caractère soit vertical, lorsqu’elles regroupent les producteurs livrant à une même laiterie, soit horizontal, lorsqu’elles traitent avec plusieurs laiteries d’un même groupe ou de groupes différents.
L’étude de l’Idele, qui rappelle ces distinctions, relève que, hors coopératives, 58 des 62 OP reconnues fin août 2016 sont des OP non commerciales, dont 43 à caractère vertical ou « mono-acheteur », et que, pour la plupart, elles sont de taille modeste (la moitié réunit sur dérogation moins de 200 producteurs). Seule la moitié des éleveurs livrant à une laiterie privée, soit environ 14 500 producteurs, seraient membres d’une OP agréée, et quelques-unes d’entre elles seulement compteraient plus de 500 adhérents (de 1 400 pour la plus grande à une quinzaine pour la plus petite).
Des OP « massivement » verticales
Les auteurs expliquent le caractère « massivement » vertical des OP du secteur qui sont liées à une seule laiterie par une mise en œuvre de la contractualisation historiquement prématurée par rapport à la constitution des organisations, mais également par l’attachement historique des éleveurs à leur laiterie. Ils soulignent que de nombreuses OP verticales peuvent ainsi coexister pour un même groupe laitier, voire se faire concurrence, au détriment de la puissance de négociation, les laiteries pouvant user de cette dispersion pour diviser les producteurs. Quant à la transversalité, qui ouvre la possibilité de négocier avec plusieurs entreprises, voire avec plusieurs laiteries d’un même groupe, elle serait peu recherchée par les producteurs, sans doute pour les mêmes motifs, alors qu’elle pourrait constituer un atout dans la négociation.
La négociation collective du prix sous-utilisée
La faculté ouverte spécifiquement au secteur du lait de négocier collectivement le prix, même en l’absence de transfert de propriété, semble ainsi sous-utilisée. Au point que le conseil spécialisé de FranceAgriMer a estimé nécessaire de poursuivre une massification de l’offre par la constitution de coopératives de collecte avec transfert de propriété pour une maîtrise collective des volumes et des prix. Or, cette faculté est enviée par de nombreux autres secteurs, à commencer par celui des fruits et légumes, et avait fait l’objet de l’amendement Dantin au règlement Omnibus relatif aux organisations de négociation, amendement aujourd’hui écarté.
Il ne faudrait cependant pas tirer de conclusions hâtives en transposant l’expérience laitière aux autres secteurs : les facteurs historiques et sociologiques rappelés par l’étude ne se retrouvent pas dans les autres filières.
* « Contrats laitiers, état des lieux en 2016 », in Économie de l’élevage n° 474, décembre 2016, publication de l’Idele.
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