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​Marchés alimentaires mondiaux : qu’attendre de 2023 ?

Après une flambée inédite début 2022, Rabobank s’attend à une poursuite du tassement des prix des principales matières premières agricoles, dans une situation économique incertaine.

Les prix de la plupart des matières premières devraient se tasser à court terme, non grâce à un retour de l'offre, mais faute de demandes, selon Rabobank.
Les prix de la plupart des matières premières devraient se tasser à court terme, non grâce à un retour de l'offre, mais faute de demandes, selon Rabobank.
© Virginie Pinson

Après une flambée inédite début 2022, Rabobank s’attend à une poursuite du tassement des prix des principales matières premières agricoles, dans une situation économique incertaine.

Quand les prix des produits agricoles flambent, on peut s’attendre généralement à une hausse de la production. Mais actuellement les opportunités sont réduites : dérèglement climatique, flambée des coûts de production, terres fertiles inexploitables en Ukraine. La détente des prix observée au second semestre n’est donc pas vraiment à mettre sur le compte de l’offre, même si le corridor humanitaire organisé pour l’export de céréales a joué un rôle. Elle est plutôt liée à une pression sur la demande « et cette faiblesse devrait se prolonger tout au long de l’année 2023 », jugent les analystes de la Rabobank dans leur rapport annuel sur les matières premières. Car les perspectives économiques sont plutôt sombres et la menace d’une récession plane, ce qui limiterait la demande pour l’énergie et les produits non essentiels, comme le café et le cacao.

Un temps accablant pour la production

Depuis trois ans, le phénomène climatique de La Niña a pesé fortement sur les marchés mondiaux. Plusieurs États américains sont en proie à une sévère sécheresse, tout comme l’Argentine et le Brésil, ce qui a plombé les récoltes de soja, maïs, blé, sucre et café notamment. Les rendements en Argentine pour 2022-2023 devraient être pénalisés par le phénomène. Aux États-Unis, les semis de blé d’hiver ont pris un peu de retard, faute d’eau. Au Brésil, en revanche, pour l’heure, les conditions climatiques sont favorables. L’Australie et l’Inde ont reçu cette année de fortes pluies qui pourraient être propices aux prochaines récoltes.

Du côté de l’Europe, c’est le dérèglement climatique qui menace l’agriculture. Selon la Commission, le tiers du territoire communautaire était en état inquiétant face au manque d’eau en septembre et plus du quart en état d’alerte. L’Espagne, la France, l’Italie, l’Allemagne et la Hongrie sont les plus touchées. Le stress thermique a aussi pénalisé les productions animales.

Vers une récession en 2023 ?

La Rabobank s’attend à une croissance économique mondiale de 2 % en 2023, mais avec de nombreux pays en récession. Les prévisions sont d’ailleurs à une décroissance (-0,9 %) dans la zone euro. Car face à l’envolée des prix de l’énergie, le Vieux Continent devra réduire sa consommation, qu’elle soit industrielle ou domestique. L’économie américaine devrait mieux résister dans un premier temps, puis entrer à son tour en récession au second semestre, notamment, car la politique de la Fed (banque centrale des États-Unis), si elle contribue à limiter l’inflation, se traduit par un dollar fort qui va limiter le potentiel à l’export.

Blé, café, bovins, ces prix qui devraient rester élevés

Anticiper l’évolution des prix des matières premières agricoles reste un jeu hasardeux puisqu’ils sont, par nature, volatils et dépendants de circonstances parfois imprévisibles, parfois juste probables, précisent les analystes, qui s’attellent donc à calculer une fourchette de prix potentiels.

Et pour le blé, le plus probable c’est un maintien des prix à un niveau plutôt élevé, bien qu’inférieur à celui du printemps 2022. L’offre est attendue serrée, entre risque climatique et prévisions météo, mais la récession, de nature à limiter la demande, pourrait cantonner toute envolée tarifaire. Les analystes s’attendent à un marché encore déficitaire l’an prochain, tout comme en 2024. En café, les prix devraient résister dans un premier temps, même si l’offre est attendue plus large après une année de manque.

À plus long terme, l’activité de torréfaction, notamment en Europe, risque d’être pénalisée par un ralentissement de la demande à cause de la crise économique. On retrouve la même ambivalence sur le marché de la viande bovine, si l’offre est mesurée, la tenue de la demande est très incertaine.

Après des mois de ralentissement, la production laitière semble se ressaisir chez les principaux exportateurs. De quoi anticiper un possible tassement des cours, d’autant plus qu’en Europe, la demande est incertaine et que la situation de la Chine, peu aux achats, est préoccupante. En porc, la production devrait rester modérée, mais la demande est attendue limitée, d’autant plus que le contexte économique pourrait pousser les ménages à se tourner vers la volaille.

Le maïs rejoint les rangs des matières premières, dont les prix devraient se tasser en 2023, tout en restant au-dessus de leurs niveaux de 2021. L’offre reste attendue modérée, les stocks sont vides, les productions américaines et européennes ont souffert de la sécheresse, et l’envolée des coûts de production est décourageante. Néanmoins, la demande marque aussi le pas, à cause de l’inflation et de la grippe aviaire.

Une baisse claire des prix des huiles végétales

C’est sur les huiles que la baisse des prix est attendue plus nette, après un début 2022 marqué par la pénurie liée à la guerre en Ukraine. Le retour à la normale, amorcé au second semestre, devrait se produire l’an prochain. L’huile de soja devrait renouer avec ses niveaux d’avant l’invasion russe, et l’huile de palme devrait même repasser sous ses prix de 2021, chutant de 30 % sur un an, dans un contexte de fort retour de l’offre, dopée par la Malaisie et l’Indonésie.

Néanmoins, sur la prochaine campagne, la croissance des récoltes devrait nettement ralentir, les niveaux de prix élevés des engrais décourageant les producteurs, ce qui promet une baisse des rendements. Sur l’ensemble des huiles végétales, la demande devrait progresser moins vite que l’offre, d’autant plus que Rabobank ne s’attend pas à une flambée de l’utilisation en tant que biocarburant.

En sucre, l’incertitude règne. En effet, l’Inde a rejoint le Brésil au rang de premier producteur mondial. Or, les prévisions quant à la production indienne sont peu fiables, car cette dernière est le fait d’une multitude de petits exploitants et le gouvernement revoit régulièrement sa politique export. La mousson a été favorable cette année, ce qui laisse augurer une récolte de cannes en hausse. Néanmoins, le pays pourrait développer la production d’éthanol aux dépens du sucre. Toujours est-il que les analystes de Rabobank misent sur une seconde année de léger surplus mondial de sucre.

Brésil et Thaïlande devraient produire davantage. À l’inverse, l’Union européenne va voir ses volumes diminuer, en répercussion, notamment, de la sécheresse de cet été. De plus, les sucreries tentent de traiter davantage de volumes le plus tôt possible pour limiter leur exposition à la flambée des prix du gaz, ce qui limite les rendements.

Beaucoup de volatilité et d’incertitudes dans ces prévisions qui doivent être lues avec prudence, l’actualité de ces dernières années ayant prouvé qu’il est difficile de prévoir ce qui fera le marché de demain. « Rappelez-vous cependant que la volatilité des prix n’est pas intrinsèquement mauvaise, la volatilité, ce sont des opportunités », peut-on lire néanmoins dans le rapport.

à retenir

La demande en alimentation animale devrait reculer sur 2022-2023 pour la première fois en dix ans, plombée par le maïs et le blé, tandis que les tourteaux résistent.

en chiffre

Fin 2023, les prix de l’huile de palme en Malaisie pourraient être 2 fois moins élevés que leur record du deuxième trimestre 2022

En 2022, les prix flambent

Guerre en Ukraine, climat défavorable au Brésil et aux États-Unis, sécheresse critique en Europe et manque de conteneurs ont conduit les prix des matières premières agricoles à s’envoler au premier semestre 2022. Depuis la tension s’est calmée, avec une accalmie de la demande en Chine, en crise des suites de sa politique zéro-Covid, et de l’Union européenne, qui doit gérer la flambée des cours de l’énergie.

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