Réglementation
Les filières alimentaires accueillent fraîchement le projet de loi Climat
Issu de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi Climat et Résilience examiné actuellement par l’Assemblée nationale en commission touche les filières alimentaires à travers divers articles. Les organisations professionnelles émettent des réserves sur les différentes mesures.
Issu de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi Climat et Résilience examiné actuellement par l’Assemblée nationale en commission touche les filières alimentaires à travers divers articles. Les organisations professionnelles émettent des réserves sur les différentes mesures.
La semaine dernière, les députés ont commencé en commission spéciale l’examen du projet de loi Climat et Résilience. 5 000 amendements ont été déposés sur ce texte de 69 articles inspirés par les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. « Il ne s’agit plus seulement d’embarquer 150 citoyens dans la transition écologique, mais 67 millions de Françaises et de Français. […] Je sais que nous partageons toutes et tous ici le même sens de l’urgence. […] L’urgence d’incarner l’écologie au quotidien, dans la vie des Françaises et des Français », a déclaré Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, le 8 mars devant la commission spéciale.
Score-carbone, vrac, prospectus…
De fait, ce texte touche de nombreux domaines du quotidien des Français. Parmi les mesures susceptibles d’affecter les acteurs de la chaîne alimentaire : la mise en place obligatoire d’un affichage de score-carbone à destination des consommateurs, la réduction des prospectus, la restriction de la distribution des échantillons, l’objectif de consacrer 20 % de la surface de vente au vrac dans les commerces de plus de 400 m2, à compter de 2030, ou encore la possible obligation de consigne pour recyclage du verre à partir de 2025. À noter aussi, l’évolution vers la suppression de l’avantage fiscal sur la taxation du gazole pour le transport de marchandises d’ici à 2030.
Le chapitre V « Se nourrir » (voir graphique), prévoit plusieurs mesures, dont l’expérimentation dans les collectivités locales volontaires d’un menu végétarien quotidien et l’extension en 2025 à la restauration collective privée de l’obligation d’utiliser 50 % de produits durables et 20 % bio.
Les entreprises ont besoin de mesures pragmatiques, efficaces et cohérentes
Mais qu’en pensent les organisations professionnelles alimentaires ? « Les entreprises de l’alimentation sont engagées, de longue date, dans la transformation durable de leurs modèles de production, afin de préserver l’environnement et les ressources naturelles », exprime l’Ania. Pour autant, l’association rencontre les élus, en leur rappelant que « les entreprises ont besoin de mesures pragmatiques, efficaces et cohérentes avec les dispositions déjà entrées en vigueur très récemment, telles que la loi relative à l’économie circulaire et la loi Egalim et compatibles avec la réglementation européenne ».
Tout vouloir normaliser nuirait à l’esprit entrepreneurial
« Nous soutenons la volonté de ce projet de loi de sortir d’un modèle qui a montré ses limites par ses externalités négatives en matière de destruction d’emplois, de pollution, de surconsommation et de gaspillage. Néanmoins, il ne faut pas aboutir à l’extrémité inverse de tout vouloir normaliser, ce qui nuirait à l’esprit entrepreneurial des PME pour innover et créer de la valeur », commente, pour sa part, Dominique Amirault, président de la Feef. Il défend notamment l’idée que les PME ont encore besoin des prospectus pour promouvoir leurs produits et d’animations et dégustations en magasins. Et ce, d'autant plus qu’elles sont déjà contraintes par Egalim dans leurs promotions.
Du côté des coopératives, la vigilance porte notamment sur l’affichage environnemental : « Il est nécessaire de garder un caractère volontaire, car l’analyse de cycle de vie n’est pas suffisamment aboutie sur la question de la captation du carbone par le sol », explique notamment Dominique Chargé, président de La Coopération agricole. Et de se féliciter de l’adoption en commission de l’amendement de la députée LREM Aurore Bergé qui stipule que « dans le cas des produits agricoles, sylvicoles et alimentaires, l’affichage prend en compte les externalités environnementales des systèmes de production évaluées scientifiquement ». Une position partagée par les opérateurs de la viande (Interbev, Culture Viande notamment).
L’enjeu de la captation carbone par le sol
Concernant les mesures liées à la restauration collective, Sylvie Dauriat, présidente de Restau’co, préconise que « l’expérimentation en cours du repas végétarien hebdomadaire (imposée par Egalim, NDLR) soit menée à son terme », soulignant que les équipes de cuisine ont besoin de temps pour « tester et adapter les recettes », à base de protéines végétales. « L’alternative quotidienne pose un souci technique aux cuisines centrales en liaison chaude », pointe-t-elle par ailleurs. Ce qui concerne beaucoup de communes de taille moyenne organisées avec un menu unique.
Un point de vue là aussi partagé par la filière viande bovine qui milite par ailleurs pour l’adoption d’amendements proposant de fixer aux restaurants collectifs publics un objectif spécifique d’approvisionnement en viandes locales et/ou durables, en instaurant des critères liés à la distance parcourue par les viandes, en taux d’autonomie de l’exploitation ou encore en durée minimale de pâturage pour la viande bovine. L’objectif : profiter de l’introduction de plats végétariens pour faire monter en gamme les approvisionnements en viande dans la restauration collective.
Quelle place pour le commerce équitable ?
L’article 66 du projet de loi Climat et Résilience prévoit d’enrichir la définition légale du commerce équitable, en y intégrant la nécessité de flécher les investissements vers des modes de production durables. Une mesure dont se félicite Commerce équitable France qui demande toutefois aux parlementaires d’aller plus loin. La plateforme regroupant les acteurs français du commerce équitable formule ainsi quatre propositions, dont l’élargissement au commerce équitable de la liste éligible aux 50 % d’alimentation durable que doit atteindre la restauration collective. Une recommandation soutenue par Restau’co. Commerce équitable France préconise aussi l’instauration d’une TVA réduite pour les produits issus du commerce équitable.