Les exploitations fragilisées par trois ans de crise

L’étude présentée le mardi 4 juillet par l’Institut de l'élevage (Idele) a porté sur l’analyse des comptes de trésorerie de 673 exploitations laitières de l’ouest de la France, représentatives de la filière, à partir des données de différentes sources comptables. Trois ans de prix bas les ont fragilisées au point que 50 % d’entre elles présentent une trésorerie globale nette (ou fonds de roulement) négative. Les écarts de revenus se creusent.
Pendant que le quart supérieur des exploitations étudiées affiche 37 676 euros de revenus par unité de main-d’œuvre par an, le quart inférieur mange son pain noir avec 2 685 euros de revenus annuels. « Il faut noter qu’avant 2014, le tiers de ces exploitations se trouvait déjà en trésorerie négative », indique Benoît Rubin, auteur de l’étude en tant qu’économiste des exploitations, rappelant ainsi qu’elles ne s’étaient pas relevées de la précédente crise laitière de 2009.
La crise apparue en 2015, « plus violente et plus dure encore » révèle « des difficultés structurelles », poursuit-il.
Niveau d’immobilisation en capital de 500 à 700 €/1 000 l
La chute du prix du lait a précipité dans la crise des exploitations déjà en tension depuis l’érosion des aides de la Pac et de la flambée du prix des intrants à la fin des années 2000. L’agrandissement des structures d’exploitations, passées en moyenne de 440 000 litres en 2007 à 550 000 litres de lait en 2015, a généré des besoins d’investissements. Le capital s’est substitué au travail et son amortissement a réduit le revenu disponible par litre de lait.
L’étude a confirmé le fait que les entrants dans la production laitière sont frappés plus durement. « En situation de croisière, le niveau des immobilisations en capital représente entre 500 et 700 euros pour 1 000 litres. Il se situe dans une fourchette de 1 000 à 1 500 euros pour ceux qui investissent, voire beaucoup plus », explique Benoît Rubin.
Il est nécessaire de recalibrer les projets d’investissements
L’économiste de l’Idele suggère quelques pistes pour retrouver de la marge – mieux valoriser les produits en aval avant de viser le volume, être plus efficients économiquement – et des solutions. Lesquelles ? « Il est nécessaire de recalibrer les projets d’investissements, tout en cherchant de nouvelles formes de financement », répond Benoît Rubin.
Dans d’autres pays laitiers, où la crise frappe aussi durement, il existe des mécanismes mis en place par tous les acteurs de la filière, parfois avec l’assentiment de l’État pour que la chute des prix n’incombe pas qu’au seul maillon de la production. « En Irlande par exemple a été mis en place un tunnel de prix qui fixe des seuils bas et hauts pour limiter la volatilité des prix pour l’éleveur et le transformateur. Si le prix décroche trop une année, les banques reportent en fin d’amortissement la perception des annuités d’emprunt », précise-t-il. Dans la période actuelle qualifiée par Benoît Rubin de « vraie bascule », il est plus que jamais nécessaire d’instaurer de nouvelles relations entre les maillons de la filière et d’inventer de nouveaux outils.