« Le marché des AOP laitières est solide, grâce à notre cadre collectif »
Touchées par l’inflation et le changement climatiques, les AOP laitières n’en restent pas moins combatives. Au Salon du Fromage, le Cnaol brosse le tableau des difficultés de la filière mais se projette, cherchant à renforcer l'attractivité des AOP, qui se veulent plus durables.
Touchées par l’inflation et le changement climatiques, les AOP laitières n’en restent pas moins combatives. Au Salon du Fromage, le Cnaol brosse le tableau des difficultés de la filière mais se projette, cherchant à renforcer l'attractivité des AOP, qui se veulent plus durables.
« Les volumes vendus de produits laitiers sous AOP ont reculé en 2022, entre le choc de l’inflation et les perturbations liées au changement climatique, mais il ne faut pas occulter la belle progression sur 10 ans », relativise Romain Le Texier, directeur d’études économiques du CNIEL.
Tonnages commercialisés en 2022 | Variation sur 1 ans | Variation sur 10 ans | |
Fromages | 206 838 t | -2% | 9% |
Beurres | 38 836 t | -2% | 19% |
Crèmes | 8 102 t | -4% | 67% |
Les marges de la distribution plus fortes sur les produits AOP
Le prix moyen d’achat des fromages AOP a progressé de 15 % en deux ans, « c’est moins que les fromages non-AOP, dont les prix ont progressé de 21 %, mais en valeur absolue, le prix des portions de 500 g de certains fromages atteint des niveaux qui pèsent sur les actes d’achat » constate le directeur d’étude. En effet, le prix moyen des fromages AOP s’affichait à 17,7 €/kg en 2022 contre 11,1 €/kg pour les fromages non-AOP. « Nous sommes pénalisés par les marges des distributeurs, qu’ils calculent en pourcentage et sont donc plus élevées en valeur absolue sur les AOP », regrette Sébastien Breton, délégué général du Cnaol, organisme qui regroupe les 51 AOP laitières françaises. A noter que contrairement au bio, les fromages AOP n’ont pas connu de chute des assortiments « il n’y a pas de suroffre au rayon fromage », explique Sébastien Breton.
« Nous sommes pénalisés par les marges des distributeurs »
Tous les foyers consomment des produits laitiers AOP
95 % des foyers français ont acheté de l’AOP en 2023, selon une étude Kantar relayée par le Cniel. Les hypers et supermarchés restent les lieux privilégiés d’achat, mais les AOP sont représentées dans une grande diversité de circuits, allant du discount à la fromagerie. Les plus gros acheteurs d’AOP sont les ménages de plus de 65 ans, aisés, les foyers de 1 à 2 personnes, surtout en centre-Est et région parisienne. A noter une forte proportion de « consom’acteurs ». « Même si le pouvoir d’achat est la clé, on remarque que même les foyers modestes sont près de 90 % à avoir acheté des AOP en 2023, mais moins souvent et sur des volumes moins importants que les ménages plus aisés », explique Romain Le Texier.
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« La vente directe se maintient bien en revanche », nuance Sébastien Breton.
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Une production en AOP contrôlée, pour limiter les déséquilibres
Si les volumes commercialisés en AOP ont reculé en 2022, et probablement en 2023, il n’y a pourtant pas de phénomène de stocks. « Le marché des AOP laitières est solide, grâce à notre cadre collectif », justifie le délégué général du Cnaol. En effet, les AOP disposent des outils économiques que sont l’observatoire de marché et les règles de régulation de l’offre. « Une dizaine d’appellations les utilise. Par exemple le reblochon, un fromage d’affinage court et dont la consommation est très sensible à la météo. Au printemps, pour limiter l’écart offre demande, les volumes sont définis pour chaque opérateur » détaille Sébastien Breton. C’est d’ailleurs le choix qu’a fait le Comté, qui a diminué les droits à produire sur la campagne 2023/2024. « C’est vertueux, il n’y a pas de surstocks, ni de promotions qui dégradent la chaîne de valeur » assène le délégué du Cnaol.
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Le dérèglement climatique pèse sur certains fromages AOP
Autre facteur de réduction de l’offre, le dérèglement climatique. Ainsi, on observe qu’en décembre 2023, 15,3 % du lait de vache collecté en France était sous AOP/IGP contre 17 % un an plus tôt et 16,1 deux ans auparavant, selon les données d’Agreste. « Cette baisse s’explique par le changement climatique. Les sécheresses successives, surtout dans le Massif Central. Or les fourrages doivent venir de l’aire de production de l’AOP, donc, malgré les systèmes dérogatoires, la production a baissé, c’est notamment le cas en AOP Salers », nous éclaire Sébastien Breton, rassurant, « la production peut rapidement rebondir si les conditions sont favorables ».
« La diversité des AOP a son importance, c’est une part du patrimoine qui est en danger »
Les petites AOP confrontées à des coûts de certifications prohibitifs
Le Cnaol attire l’attention sur l’inflation des coûts de certification, qui ont bondi de 20 à 30 % l’an dernier. « Ces coûts sont extrêmement variables, de 5 € à 300 €/t, et les petites AOP, isolées, avec des volumes limités comme le Banon et le Chevrotin en souffrent », continue Sébastien Breton ; appuyant, « La diversité des AOP a son importance, c’est une part du patrimoine qui est en danger ». Le Cnaol demande à l’état des procédures de simplification pour ces cas, d’autant plus « qu’on constate rarement d’infractions chez ces petites producteurs fermiers ou artisans », conclut le délégué général.
Le rayon coupe, un levier pour les AOP
Le rayon à la coupe pèse pour 38 % des volumes de fromages AOP dans la grande distribution (contre 14 % pour le total des fromages). Or ce rayon va mal ; ses volumes ont chuté de 15,1 % en deux ans, c’est la pire performance après la poissonnerie (-16,9 %), devant la viande (-9,7 %). « Pour le consommateur, ce rayon est perçu comme onéreux. Pour les magasins, il y a l’enjeu de la main d’œuvre », résume Sébastien Breton. Mais ce rayon est aussi riche de potentiel. « On a des solutions, notre organisation veut pouvoir proposer aux distributeurs la formation du personnel, pour rendre son attractivité au rayon coupe » termine Hubert Dubien, président du Cnaol.
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