Marchés
Le bio a bien du mal à s’imposer en restauration
Selon les chiffres de l’Agence bio rendus publics le 16 novembre, les produits biologiques représentent 3 % en valeur des achats alimentaires de la restauration collective. C’est mieux qu’en 2016, mais encore loin de l’objectif des 20 % de la loi Alimentation.
« La restauration est encore le parent pauvre du développement du marché des produits biologiques », observe Florent Guhl, directeur de l’Agence bio, lors de la présentation de son enquête le 16 novembre 2018. Sur la base de données 2017, les produits biologiques n’ont représenté que 3 % en valeur des achats alimentaires de la restauration collective. Certes, on peut se dire qu’avec l’élan des états généraux et désormais de la loi Alimentation, le niveau pourrait augmenter sur les données 2018 puis encore plus en 2019. Mais pour l’heure, force est de constater que ce niveau de 3 % reste bien loin de l’objectif des 20 % désormais inscrit dans la loi.
Les achats ont néanmoins augmenté de 7 % par rapport à 2016 pour atteindre un chiffre d’affaires de 246 millions d’euros. Et cette évolution a plutôt tendance à profiter aux produits français. 76 % des produits bios achetés sont d’origine française, et même à 48 % régionale. « 71 % des établissements de restauration collective encouragent l’approvisionnement bio de proximité », indique l’Agence bio. Et le retour financier ne semble pas négligeable pour les établissements.
Un surcoût moyen de 18 %
La grande majorité des acheteurs (81 %) estiment qu’il y a un surcoût lié à l’introduction de produits bios. Dans ces établissements, le surcoût est évalué à 18 % au global (16 % en 2017). Dans 44 % des cas, le surcoût est lissé sur l’ensemble des repas. Pour les autres, il est soit pris en charge par le donneur d’ordre (24 %, en hausse cette année de 8 points), soit payé par l’ensemble des convives (22 %), ou plus marginalement par les convives consommant du bio (9 %). Parmi ceux ayant observé un surcoût, 62 % ont cherché à le limiter, principalement en agissant sur le gaspillage alimentaire (92 %), en mettant en concurrence les fournisseurs (72 %) ou en passant par des partenariats au niveau local (71 %).
Les produits bios sont plus chers, mais manger bio, ce n’est pas plus cher
« La lutte contre le gaspillage alimentaire est un levier important pour maîtriser ce surcoût, car 30 à 40 % des produits finissent à la poubelle, c’est un levier énorme », rappelle Florent Guhl. Un point détaillé par Éric Grunewald, coordinateur de la plateforme Manger bio ici et maintenant (MBIM). Selon lui, il est question de changer totalement ses pratiques pour absorber ce surcoût. « Les produits bios sont plus chers, mais manger bio, ce n’est pas plus cher. Il y a un cap à franchir dans l’introduction des produits bios. Mais quand il est passé, le pourcentage de produits bios achetés a tendance à augmenter et le coût diminue avec. Les pratiques changent aussi », explique-t-il. Pour lui, « financer un produit » est contre-productif, car « quand ce financement s’arrête, le produit s’arrête aussi ».
Et la perception des élus ?
Pourtant, dans l’enquête de l’Agence bio et CSA Research sur la perception des élus locaux quant à l’introduction des produits biologiques, le surcoût ou le coût devient très vite un frein. Si 85 % des 300 élus interrogés en septembre 2018 connaissent la loi Alimentation et 84 % proposent des produits biologiques en restauration collective (scolaire majoritairement), ils sont encore 82 % à craindre le surcoût.
Ainsi, ils sont 81 % à demander en priorité un accompagnement financier. Selon les organismes, les avis divergent sur ce point. La Fondation pour la nature et l’homme demande un « bonus cantine bio », à l’instar de ce que certaines communes ou départements ont déjà fait en « surdotant » les établissements qui introduisent des produits biologiques. Quand le réseau de cantines bios, Un plus bio estime de son côté que le financement ne résout pas l’équation, mais le changement des pratiques, oui.
En tout cas, la majorité des élus sont d’accord pour dire qu’ils vont augmenter la part des produits bios dans leur restauration collective (68 %). Ils sont même 45 % à dire qu’ils atteindront l’objectif de 20 % en 2022.
Mieux connaître les acteurs et fournisseurs
Pour y arriver, la moitié déclare notamment avoir recours à la mutualisation avec d’autres collectivités sur l’approvisionnement en produits bios. En revanche, ce pourcentage tombe à 9 % pour une mutualisation de l’achat de foncier agricole ou à 17 % pour l’investissement dans des outils de stockage ou de transformation.
Il faut que les collectivités s’approchent des acteurs sur le terrain
« Ce sont des points importants, notamment sur le foncier agricole dans des communes de plus en plus urbanisées. Il est difficile de trouver du foncier. D’autant plus que 70 % des élus veulent des produits locaux, c’est un sujet plus important que le bio pour eux », observe Florent Guhl.
Tout autant que le surcoût, les problématiques d’approvisionnement ainsi que le dilemme entre bio et local sont autant de freins à l’augmentation de la part de bio dans la restauration collective. 70 % des élus interrogés favorisent les produits locaux, quel que soit le mode de production et 63 % considèrent le manque de fournisseurs et de produits comme un frein majeur. « Il faut que les collectivités s’approchent des acteurs sur le terrain pour que les produits bios se développent », conclut Éric Grunewald.
La restauration commerciale est à la traîne
Le bio en restauration commerciale reste un marché à conquérir. Seul 1,4 % des produits achetés sont issus de l’agriculture biologique, avec un montant de 206 millions d’euros hors taxes en 2017. Pour la moitié des 1 044 établissements interrogés qui proposent des produits bios dans leurs menus, cette introduction passe par un produit bio ou un ingrédient bio dans l’élaboration de la recette, alors que seuls 9 % des établissements proposent des menus complets à base de produits biologiques. Les fruits et légumes frais, puis les vins forment le top 3 des produits achetés sur ce circuit. Le vin bio est à la carte de plus de la moitié des établissements (58 %). Tout comme la restauration collective, la restauration commerciale privilégie l’origine française (à 78 %) et même régionale pour plus de la moitié des établissements (54 %).