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Lait de chèvre et lait de brebis : toujours concernés par la hausse des coûts

En lait de chèvre comme de brebis, l'incidence de la crise apparaît, tant dans la production, dont les coûts restent élevés, que dans la consommation, pour des produits naturellement plus chers que leurs équivalents en lait de vache et dont les prix ont pourtant moins augmenté en pourcentage.

Sophie Laluc, éleveuse de chèvres de race Saanen (blanches) et alpines (marron). Jeune exploitante de 22 ans associée avec ses parents. élevage caprin et transformation ...
En lait de chèvre comme en lait de brebis les interprofessions s'inquiètent du renouvellement des générations, avec des installations plus rares depuis un an et demi.
© La Marne agricole

Les filières des petits ruminants laitiers ont été particulièrement touchées par la hausse des coûts engagée dès la mi-2021 et qui s’est fortement accentuée en 2022. En juillet 2023, sur 12 mois glissants, la variation était toujours forte, avec un Ipampa à +10,3 % pour le lait de chèvre et à +9,6 % pour le lait de brebis, contre 9,4 % pour le lait de vache. La fraction protéique de la nutrition des animaux et l’énergie étant tous deux des facteurs majeurs de la hausse. Et la hausse des prix du lait payés aux producteurs ne compense pas tout, notamment en brebis, tout en fragilisant les marchés.

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« Nos systèmes de production d’ovins laitiers, particulièrement liés à des territoires spécifiques de montagne, ont souffert et souffrent toujours de la hausse des coûts, mais aussi de l’inflation qui détourne les consommateurs de nos produits, naturellement plus chers que ceux au lait de vache », résume Sébastien Bouyssière, délégué général de l’interprofession France Brebis laitière, créée le 9 avril 2019. Les fromages au lait de brebis ont, par exemple, perdu 7 % de vente en 2022. Tous sont en repli, sauf les fromages dits « à salade » qui sont stimulés par le changement climatique qui incite à allonger la durée de la saison de consommation de salades. Et cela continue en 2023 : la production d’ultra-frais de brebis régresse encore de 2,5 % depuis janvier, et celle de fromages pur brebis, de 6 %. Des produits emblématiques comme le roquefort (-8,5 %) et l’Ossau-Iraty (9,5 %) illustrent le repli des achats des consommateurs.

Une production fragilisée

L'effet de la régression de la consommation n’est pas immédiat sur la production de lait de brebis, dont la dynamique varie selon la région. Concentrée sur l’Occitanie (75 % de la collecte nationale avec 1790 élevages), les Pyrénées-Atlantiques (23 % avec 1580 élevages) et la Corse (2 % avec 300 élevages), la collecte nationale est en effet quasiment à l’équilibre sur cette campagne (+0,7 % sur le premier semestre).

Si l’Occitanie a, en général, profité de bonnes conditions climatiques avec des pluies au bon moment et, donc, une solide récolte de fourrages en 2022 avec une bonne réponse laitière, les situations dans les Pyrénées-Atlantiques et en Corse ont été beaucoup plus tendues. Sur l’ensemble du premier semestre, les évolutions sont donc contrastées : +2,6 % en Occitanie, -4,5 % en Nouvelle-Aquitaine et -7,6 % en Corse. « En brebis, l’essentiel de la collecte annuelle s'effectue d'octobre à avril. Mai, juin et juillet sont très faibles, puis c’est la période des agnelages : la collecte passe chaque année de moins de 6 millions de litres en septembre à plus de 44 millions de litres en avril », précise Sébastien Bouyssière.

Le risque est l’arrêt de producteurs en fin de campagne. « En général, un éleveur qui commence une campagne laitière la termine », confirme le responsable. Mais, en 2022, les exploitations de brebis laitières ont enregistré une baisse du revenu disponible de -20 à -25 %.

En 2023, même si le prix du lait de brebis a progressé entre 8 et 10 % selon les bassins de production sur la campagne 2022-2023 (il devrait finir l’année entre 1080 et 1100 €/1000 litres pour un lait à 130 g/l de matière sèche utile), cette hausse ne compense pas tout, et la France pourrait perdre des éleveurs. « Certains pourraient ne pas recommencer l’année laitière prochaine alors que nous avons justement besoin d’avoir de nouvelles installations, puisqu’un tiers des producteurs va atteindre l’âge de la retraite dans les toutes prochaines années »,  craint le responsable.

L’interprofession milite pour une aide conjoncturelle prenant en compte non seulement la valorisation des territoires assurés par l’élevage ovin, installé à 88 % en zones de montagne, mais également la montée en gamme qu’elle avait assurée et qui a connu un brutal coup d’arrêt en 2022.

L’exemple des ultra-frais est parlant. Après une forte croissance depuis une vingtaine d’années, ils sont désormais en panne : -14 % sur 12 mois glissants en juin 2023. « Les élevages de brebis laitières, surtout localisés dans des zones difficiles, constituent des remparts à la désertification et à la fermeture de paysages ainsi que leurs corollaires, notamment les risques d’incendie. Il faut que toutes nos aménités positives soient prises en considération », insiste le responsable.

France Brebis Laitière comme l’interprofession caprine, Anicap, soutiennent les installations et viennent toutes deux d’actualiser leurs guides d’installation cette année.

Le lait de chèvre se tient

Du côté du lait de chèvre, dont la production représente près du double du lait de brebis français, l’enquête mensuelle laitière de FranceAgriMer, montre une relative stabilité par rapport à 2022 sur le premier semestre. Environ 5 300 exploitations possédaient, en 2020, plus de 24 chèvres laitières, dont une petite moitié livre son lait en laiterie (2 500 fermes), les autres transformant à la ferme. La collecte est assurée à 90 % pour les quatre principaux groupes : Lactalis, Agrial-Eurial, Terra Lacta et Rians.

« Notre filière a su adapter sa production à ses ventes » Jacky Salingardes, président de l’Anicap

Le cheptel s’est restreint en 2022 (1,209 million de têtes, contre 1,275 million en 2021). « Notre filière a su adapter sa production à ses ventes, et nous devrions atterrir aux environs de -1 ou -1,5 % en volume fin 2023 », estime Jacky Salingardes, président de l’Anicap. Il s’appuie sur la baisse notée au 15 mai, habituellement représentative. La tendance est déjà là : au premier semestre 2023, avec 116 500 t de lait de chèvre collectées sur les 275 823 t nationales, la Nouvelle-Aquitaine fait toujours la course en tête, même si elle enregistre une baisse de 1,8 % par rapport à 2022. Sa dauphine, les Pays de la Loire, atteint 56 315 t (+0,7 %) pour ce premier semestre, devant l’Occitanie (38 143 t à +2,2 %) et le Centre-Val de Loire (25 895 t à +1,9 %). L’Auvergne-Rhône-Alpes arrive à la 5e place (21 175 t), mais enregistre la plus forte progression, avec 4,6 %.

Si à court terme, la principale interrogation des producteurs reste le maintien du prix du lait, à plus long terme, c’est la capacité de production qui inquiète. En effet, si jusqu’à présent, le remplacement des volumes des éleveurs  était globalement assuré par les installations et les agrandissements, « cela semble plus difficile depuis 18 mois », constate Jacky Salingardes. Or, un bon quart des éleveurs ont plus de 55 ans. « On note aussi une évolution dans les implantations. Ainsi, le gros bassin de Poitou-Charentes qui a porté la croissance ces vingt dernières années se délite peu à peu avec des installations qui vont plutôt vers le bocage, les Pays de la Loire et la Bretagne », constate le président.

Production

La France produit 660 000 tonnes de lait de chèvre par an, dont 520 000 t sont collectées, et 320 000 t de lait de brebis, dont 296 500 t collectées, les soldes étant transformés à la ferme.

Lait de brebis : une production centrée sur trois bassins

Avec 4 080 exploitations qui élèvent 1,5 million de brebis laitières, la filière ovine française produit 320 000 tonnes de lait par an, soit environ 1,5 % du total laitier national. Au niveau production, la France se place en 5e position dans l’UE, derrière la Grèce, l’Espagne, l’Italie et la Roumanie, mais passe devant cette dernière en volume collecté, car les éleveurs roumains transforment dans leur immense majorité leur propre lait.

En sus de la fabrication fermière, 90 entreprises collectent ou transforment le lait de brebis en France. La vente de lait est assez minime (moins de 2 millions de litres), le secteur étant traditionnellement fromager (quasiment 90 % de la production laitière). Le fromage pur brebis pèse au total 63 000 tonnes, dont 40 % sous signe de qualité et d’origine (AOP Roquefort, AOP Ossau-Iraty, AOP Brocciu, IGP Pérail). Plus de 15 000 t de fromages de brebis sont exportées. Les produits ultra-frais avoisinaient avant la crise avec les 29 000 t.

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