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L’avis de l’Idele
« En Europe, nous n’avons que des champions nationaux »

Philippe Chotteau, chef du département économie de l’Institut de l’élevage.
© DR

Les Marchés Hebdo : Quelle place occupent, selon vous, les acteurs français et européens du bœuf sur un échiquier mondial de plus en plus concentré ?

Philippe Chotteau : En Europe, nous n’avons que des champions nationaux. Les intervenants transnationaux sont Vion et Danish Crown, évoluant surtout sur le porc, le groupe irlandais ABP positionné pour sa part au Royaume-Uni et en Pologne ou encore l’Italien Cremonini qui a réalisé quelques opérations en Afrique. Les industriels français sont très franco-français. Bigard réalise plus de 40 % des abattages de bovins dans l’Hexagone, premier marché dans l’Union européenne, mais reste très français.

LMH : Comment expliquez-vous cette situation ?

P. C. : Nous avons affaire en Europe à des marchés nationaux très caractéristiques, à l’exception de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Danemark assez homogènes. L’Italie veut du jeune bovin très clair et maigre, la France de la vache de réforme, le marché britannique de la viande très persillée… Ces caractéristiques nationales sont en partie remises en cause par la tendance du hamburger. La crise de l’ESB a contribué à cette forte nationalisation des marchés. Les deux pays européens dont le principal débouché est à l’export sont l’Irlande et la Pologne : l’Irlande avec de la viande de qualité et des races historiques et la Pologne qui s’est mise depuis dix ans à exporter du jeune bovin de race laitière en low cost.

LMH : Quelles conséquences pourraient, selon vous, avoir les accords de libre-échange en discussion ?

P. C. : Un éventuel accord UE-Mercosur ne va pas changer fondamentalement les flux mondiaux, qui s’orientent toujours plus vers l’Asie. Mais, pour l’Europe cela peut changer la donne. Un quota de 99 000 t d’aloyaux à tarif douanier réduit s’ajouterait à d’autres contingents. Cela risque d’avoir un double effet : un dumping sur les prix de la part d’acteurs brésiliens, surtout quand le taux de change est bas comme aujourd’hui et la menace d’un scandale sanitaire ou sur le plan du bien-être animal. Ce serait dangereux sur un marché européen de la viande bovine déjà fragilisé. Un accord qui pourrait présenter une opportunité pour l’Europe est celui signé avec le Japon, même si cela va prendre du temps. L’ouverture du marché, par des accords bilatéraux, présente plus de risques que d’opportunités pour le bœuf européen qui ne connaîtra jamais le destin du porc européen en Chine. En viande bovine, l’UE est un acteur mineur en volume sur le marché mondial comparé au Brésil, à l’Australie, à l’Inde ou aux États-Unis et elle le restera, même si elle doit progresser sur des marchés de niche, notamment qualitatifs.

Propos recueillis par Nathalie Marchand

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