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Décret sur l’étiquetage et indications de l’origine

Didier Le Goff

Le décret no 2016-1137 du 19 août 2016, qui rend obligatoire l’étiquetage de l’origine du lait ou des viandes utilisés comme ingrédients, doit entrer en vigueur le 1er janvier 2017. L’occasion de revenir sur ce texte qui n’est pas sans poser des questions en lien avec la réglementation des indications géographiques.

Revenons sur le décret no 2016-1137 adopté en plein cœur de la période estivale, et sur les obligations d’étiquetage qu’il met en place à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2018, mais sous peine de sanctions pénales. Ce décret s’inscrit notamment dans le prolongement du règlement de l’Union européenne de 25 octobre 2011 no 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, dit règlement Inco, qui redéfinit les principes de base d’une législation communautaire d’étiquetage harmonisée. L’exposé des motifs de ce règlement rappelle à juste titre combien l’obligation d’étiquetage de l’origine de la viande bovine consécutivement à la crise de l’ESB a été un élément important du retour à la confiance du consommateur dans ces produits, au point de susciter une attente vis-à-vis non seulement d’autres types de viandes mais d’autres produits comme le lait, qu’il soit ou non utilisé comme ingrédient.

Rappelons qu’au sens de la législation alimentaire, un ingrédient s’entend, sommairement, d’une substance ou d’un produit utilisé dans la préparation ou la fabrication d’une denrée, qui est toujours présent dans le produit fini, éventuellement sous une autre forme.

AOC et produits bio exclus

C’est dans ce contexte et avec cette toile de fond que le décret du 19 août 2016 vient imposer l’étiquetage de l’origine du lait et des viandes utilisés comme ingrédient, à compter du 1er janvier 2017. Mais les denrées alimentaires préemballées fabriquées ou commercialisées avant le 1er janvier prochain, dont l’étiquetage n’est pas conforme aux nouvelles exigences, peuvent continuer d’être écoulées jusqu’au 31 mars 2017.

Au titre des exclusions figurent également les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre de l’Union européenne, ou dans un pays tiers. Autrement dit, voilà une réglementation purement franco-française qui ne peut concerner que des produits français, comme si les producteurs avaient besoin de cette nouvelle contrainte, sans préjudice des difficultés que pose régulièrement ce type de mesure au regard de la liberté des échanges en droit communautaire.

Enfin, les produits qui bénéficient d’une appellation d’origine ou issus de l’agriculture biologique n’y sont pas soumis non plus.

Conformité au règlement Inco ?

Au-delà de la contrainte qu’il impose aux producteurs et industriels pour une période de temps relativement courte – ce qui rend la contrainte d’autant plus importante (changer des étiquetages étant nécessairement une opération lourde) –, ce décret appelle surtout deux observations majeures.

Tout d’abord, il n’est pas certain qu’il soit conforme au règlement Inco, dont l’article 39 § 2 précise que les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance. Selon le règlement Inco, l’origine ne fait partie des éléments d’étiquetage obligatoire que lorsque l’absence de cette information peut induire en erreur le consommateur.

Affirmer que de la viande ou du lait français utilisés comme ingrédients présenteraient systématiquement une caractéristique particulière liée à leur provenance, à tel point que le consommateur risquerait d’être induit en erreur s’il ne le sait pas, n’est-ce pas aller un peu vite en besogne ?

Enfin, subrepticement, mais ce point faible peut sembler majeur, à côté des produits sous AOP/IGP dont l’origine est tracée par un processus officiel, et qui sont logiquement hors champs du décret, n’est-il pas dangereux de créer une sous-catégorie de produits qui ne répondent pas aux mêmes exigences ? Le produit sous signe distinctif de qualité ou d’origine doit se distinguer du standard par un niveau d’exigence supérieur. Faudra-t-il élever ce niveau d’exigence pour préserver sa spécificité ? Quel en sera le coût ? Le consommateur ne risque-t-il pas de s’en détourner ?

MAÎTRE DIDIER LE GOFF

Fort d’une expérience de plus de vingt-cinq années dont vingt ans au sein du cabinet LPLG Avocats, dont il fut associé, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise et à l’écoute de ses besoins, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire tant en droit national qu’européen ou international. Contact : dlegoff.avocat@gmail.com

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