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Comment Interbev compte aider la filière élevage à se décarboner ?

"L’Interprofession bétail et viande s’engage à atteindre l'objectif du gouvernement grâce à des leviers techniques efficaces qui ont fait leurs preuves", assure Interbev. Rencontre avec Guillaume Gauthier, président de la commission "Enjeux sociétaux" chez Interbev.

Guillaume Gauthier poursuit son travail aux côtés des éleveurs viande pour continuer de décarboner les activités.
Guillaume Gauthier, président de la commission "Enjeux sociétaux" chez Interbev a dévoilé la feuille de route pour aider la filière élevage à se décarboner.
© Interbev

Les Marchés : Dans votre communiqué de presse diffusé le 25 septembre, vous affirmez que le secteur bovin a déjà atteint la moitié de ses objectifs en matière de réduction d’émissions à effet de serre. L’objectif fixé par le gouvernement est de diminuer les émissions de 5 millions de tonnes d’ici à 2030, vous en êtes déjà à 2,5. Quels ont été les moyens mis en place ?

Guillaume Gauthier :  Depuis plusieurs années, la filière bétail et viande est engagée dans des démarches de réduction de son impact climatique avec le programme "Life beef carbone" mis en place depuis 2015 et le déploiement de CAP’2ER, un outil d’évaluation et d’amélioration des impacts environnementaux des exploitations d’élevage. Cela commence à porter ses fruits. Néanmoins depuis 2016, la filière est malheureusement confrontée à un phénomène de décapitalisation, et c’est cela qui a de facto majoritairement contribué à réduire les émissions pour le moment. Ce sont des éleveurs qui ont diminué d’eux-mêmes leurs troupeaux, ou qui ont décidé d’arrêter l’élevage ou de prendre leur retraite. Cette décapitalisation représente 910 000 vaches en moins sur sept ans. Désormais, nous voulons stabiliser le cheptel pour préserver notre souveraineté alimentaire, tout en continuant à remplir nos objectifs de décarbonation grâce à l’activation plus importante encore de tous les leviers techniques efficaces.

D’où viennent ces émissions ?

Principalement des émanations des vaches qui relâchent du méthane en rotant, mais aussi des engrais et des émissions des matériels agricoles.

Dans votre communiqué, vous réfutez toute possibilité de diminuer davantage le cheptel. Pour quelles raisons ?

Parce que nous sommes fiers de voir nos animaux brouter les prairies et participer à la préservation de la biodiversité. La filière bovine compte environ 3,3 millions de vaches et elles contribuent à stocker du carbone. Avoir moins de bêtes, c’est risquer de voir se multiplier les retournements de prairies pour la culture céréalière et perdre ces pièges à CO2. De même, quand on perd une vache, on est obligé d’en importer une. Aujourd’hui la France importe 25% de sa viande bovine, ce qui occasionne l’émission de 7 millions de tonnes équivalents CO2. En 2030, ce chiffre passerait à 13.

Dans ce contexte, comment limiter l’importation de soja servant à nourrir le bétail ?

Le soja présentant un risque de déforestation ne représente que 0,2% de celui utilisé dans la ration alimentaire des bovins allaitants. D’ici à 2025, nous voulons ramener ce pourcentage à 0. C’est pourquoi nous cherchons des alternatives par exemple, avec des tourteaux de tournesol, de colza, de luzerne ou de légumineuses.

"Nous étudions des additifs qui permettraient de réduire les émissions des vaches"

Par quels autres moyens comptez-vous atteindre l’objectif des 5 millions de tonnes équivalent CO2 économisées ?

Nos leviers techniques se concentrent d’abord sur la gestion du troupeau, notamment l’optimisation de la conduite sanitaire pour améliorer les performances et réduire les périodes de vie improductives des animaux. Nous voulons aussi travailler sur des rations de protéines issues d’autres cultures comme la luzerne ou des légumineuses. Nous étudions des additifs alimentaires qui permettraient de réduire les émissions des vaches. Il y a aussi la gestion des déjections animales qui pourraient être utilisées comme engrais naturels et contribuer au renforcement de l’autonomie alimentaire. Aujourd’hui, 84% de ce que mangent les bovins viande est produit sur l’exploitation, un chiffre qui peut encore augmenter. Et bien sûr, nous pouvons économiser du CO2 en réduisant les consommations énergétiques des bâtiments agricoles et des machines, et en aidant les agriculteurs à produire eux-mêmes leur énergie à base de techniques moins polluantes comme le photovoltaïsme ou l’utilisation de haies comme bois pour l’énergie et les litières.

Avez-vous chiffré toutes ces pistes de réflexion et avez-vous déjà interpellé le gouvernement sur un possible texte de loi pour activer tous ces leviers ?

Nous sommes effectivement en train de travailler sur le chiffrage. Nous œuvrons pour un véritable plan national d’accompagnement des efforts techniques des éleveurs et de la filière pour réduire les émissions.

"Ces accords commerciaux sont un non-sens"

On vous imagine très critique envers les accords Mercosur et CETA ?

Ces accords sont un non-sens. On ne peut pas d’un côté réclamer aux éleveurs français de diminuer leurs émissions de CO2 et de l’autre faire venir des produits importés de pays qui n’ont pas les mêmes normes environnementales, sanitaires et de traçabilité. Il est incroyable de surcroît de faire venir de l’autre bout de la planète ce qu’on peut produire chez nous et qui correspond davantage aux attentes des consommateurs.

Pour finir, est-ce que le flexitarisme qui se développe peut-être un frein à la production de viande ?

Cela ne nous pose aucun problème. Notre rôle est aussi d’inciter à manger équilibré avec une consommation raisonnée de viande, et répondre aux attentes des flexitariens est aussi un défi. Nous appelons ceux qui ont envie de manger de la viande rouge à faire le choix de la viande française, issue de l’élevage local et “bien élevée”. C’est d’ailleurs ce que l’on met en avant au travers de notre communication collective « Aimez la viande, mangez-en mieux » signée « Naturellement Flexitariens ».

Ailleurs : Pays-Bas, Irlande, les vaches de la colère

La France n’est pas le seul pays où réduire le cheptel est un enjeu écologique et économique, mais personne ne semble avoir trouvé la bonne formule.

Aux Pays-Bas, en 2019, le gouvernement avait décidé de frapper fort : baisse de 50% du cheptel bovin et fermeture de 5% des fermes du pays pour tenir l’objectif de 50% d’émissions d’azote en moins en 2030. La même année, un mouvement politique agro-citoyen, le BBB (BoerBurgerBewegin) s’était créé et avait multiplié les actions et contestations. Au printemps 2023, ce micro-parti a écrasé les élections provinciales et est devenu le premier parti au Sénat néerlandais avec 16% des voix. Une percée politique qui a mis le « plan azote » au point mort.

En Irlande, le gouvernement veut sacrifier des vaches laitières pour diminuer d’ici 2030, 25% des émissions de CO2 liées à l’élevage. Son plan est d’abattre 200 000 bêtes en trois ans pour diminuer le cheptel. Un plan qui a soulevé un tel tollé que Dublin a tout de suite revu sa copie : les abattages se feront sur la base du volontariat et une enveloppe de 600 millions d’euros a été évoquée pour indemniser les éleveurs, soit 3000 euros par tête.  

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