Arbiom va faire des résidus de bois une source de protéines
Les résidus de scierie ou autres coproduits végétaux peuvent servir à produire une protéine à haut potentiel nutritif. Un projet industriel doit démarrer, sur la base d’atouts commerciaux, écologiques et sociaux.
La protéine a déjà sa marque, Sylpro, évoquant les résidus sylvestres qui vont servir à sa production. Il reste à la produire en quantité industrielle pour la vendre aux fabricants d’aliments pour poissons d’élevage, porcelets ou carnivores domestiques. La start-up française Arbiom, à l’origine du produit, vient d’obtenir une subvention étatique de 12 millions d’euros dans le cadre du volet « relocalisation » du programme d’investissement d’avenir France Relance. Une amorce qui fait espérer au fondateur et directeur général d’Arbiom, Marc Chevrel, l’arrivée d’investisseurs et la prochaine construction d’une usine ; à ce titre, « l’ingénierie détaillée » est en cours et doit s’achever cet été. Ce sera une première usine, de capacité limitée – 10 000 tonnes – implantée en Région Auvergne Rhône-Alpes. La construction s’achèverait en fin d’année 2022 en vue d’une commercialisation en 2024.
« C’est un produit très peu transformé. En termes de durabilité, c’est intéressant » Marc Chevrel, fondateur d’Arbiom
La protéine Sylpro est une levure issue de la fermentation de résidus forestiers ou agricoles. « Nous pouvons utiliser une grande variété de matières premières, en particulier des ressources sous-valorisées qui ne nécessitent pas de cultiver des terres arables », souligne Marc Chevrel. Cette levure se nourrit de matière lignocellulosique hydrolysée. Après fermentation, elle est juste séchée. Pas besoin d’extraction. « C’est un produit très peu transformé, en conclut l’entrepreneur. En termes de durabilité, c’est intéressant. » Ainsi obtenu, le produit Sylpro a un taux protéique de plus de 55 % et de haute qualité nutritionnelle. Cette levure n’est pas un OGM, « elle a été obtenue par sélection », précise-t-il.
À la place de la farine de poisson ou du concentré de soja
Les premiers volumes produits par Arbiom sont à l’essai à grande échelle chez des clients potentiels français et européens. Le Sylpro se conçoit en substitution de matières protéiques de haute qualité, notamment les farines de poisson et le concentré de soja, également critiquées sur le plan environnemental. « Notre objectif est d’être compétitifs avec la farine de poisson », confie Marc Chevrel. Certains clients en sont déjà à des essais commerciaux. Un fabricant américain de pet food a ainsi constaté que les chats préfèrent des croquettes constituées à partir de cet ingrédient que des croquettes classiques issues de coproduits des viandes. L’entrepreneur en est certain : « On est sur un marché de la protéine en croissance, les clients sont très demandeurs d’alternatives au soja et à la farine de poisson. Il y a de la place pour de nombreuses alternatives. » Arbiom visera l’alimentation humaine dans un second temps.
Approvisionnement local
Arbiom prévoit d’employer une quarantaine de personnes autour de sa première usine. Dans un développement futur, d’autres usines émergeront et produiront dans les 50 000 tonnes. « La question de la présence locale de ressources se posera pour l’implantation des prochaines usines. Nous voulons de l’approvisionnement local », déclare le futur industriel.
Le projet d’Arbiom a été développé et validé par le programme international Sylfeed. Un programme de quatre ans, coordonné par Arbiom, qui s’est achevé l’été 2021. Très orienté vers l’aquaculture, ce programme a démontré la viabilité commerciale de l’organisme unicellulaire protéique (en anglais Single Cell Protein) issu de résidus lignocellulosiques, son potentiel commercial sur un marché croissant, ses avantages environnementaux (à travers une analyse complète du cycle de vie). Le programme Sylfeed a aussi démontré que le développement du produit permettrait d’améliorer les revenus des producteurs de biomasse grâce à la diversification – la sécurisation des emplois dans l’industrie des pâtes et papiers a été considérée. Ces différentes conclusions ont déterminé la subvention de l’État français.
Un membre de Protéines France
Arbiom fait partie de la trentaine de titulaires du consortium Protéines France, aux côtés d’entreprises aussi variées que Herta, Lesaffre, Olmix, Roquette, Royal Canin, Tereos, Ÿnsect. Le consortium veut faire de la France un leader mondial des protéines alternatives aux protéines animales classiques, pour des applications allant de la nutrition et santé, humaine et animale, jusqu’à la chimie et matériaux. Il vise aussi à créer de la valeur sur le territoire national et à participer au renforcement de l’indépendance protéique nationale. France Protéines a été fondé en 2017 par Avril, Limagrain, Roquette, Tereos et Vivescia. L’association est coordonnée par IAR (désormais nommé Bioeconomy For Change), le pôle de compétitivité dédié à la bioéconomie. Ses actions vont du soutien public aux projets d’innovation à la communication, en passant par la facilitation d’investissements et de l’émergence de start-up.