Accord de libre-échange avec la Thaïlande : au moins trois filières alimentaires y perdraient
L’Union européenne est en négociation avec la Thaïlande dans le but de signer un accord de libre-échange. Or la Thaïlande est un exportateur clé de volaille, riz et thon, ce qui suscite l’inquiétude de ces filières.
L’Union européenne est en négociation avec la Thaïlande dans le but de signer un accord de libre-échange. Or la Thaïlande est un exportateur clé de volaille, riz et thon, ce qui suscite l’inquiétude de ces filières.

Ce sont Orthongel (organisation de producteurs français de thons congelés et surgelés), l'UAPF (Union des Armateurs de la Pêche Française) et Europêche (association des organisations de pêche de l'UE) qui ont dégainé les premiers.
Le thon transformé en Thaïlande est-il conforme aux normes UE ?
Ces organisations demandent l’exclusion des produits à base de thon du projet d'accord de libre-échange entre l'Union Européenne et la Thaïlande. Elles expriment les mêmes inquiétudes que les agriculteurs à l’occasion de l’accord avec le Mercosur : pourquoi l’UE laisserait entrer sur son territoire des produits qui ne respectent pas les normes auxquelles elle contraint ses producteurs. « Le secteur thaïlandais de la transformation importe massivement du thon entier depuis des pays aux pratiques douteuses en termes de durabilité et de conformité sanitaire (Micronésie, Kiribati, Nauru, etc.) », expliquent, par communiqué ces trois associations, pointant aussi que la Thaïlande n’a pas ratifié plusieurs conventions internationales fondamentales relatives aux droits humains et au travail.
« Le secteur thaïlandais de la transformation importe massivement du thon entier depuis des pays aux pratiques douteuses »
La Thaïlande, un géant du thon
La Thaïlande produit 22 % du thon en conserve et préparé dans le monde et en est le premier exportateur mondial. Actuellement, l'UE impose un droit de la nation la plus favorisée de 24 % ad valorem sur les longes de thon et les conserves de thon, ce qui n’a pas empêché pas le pays d’en envoyer 8 476 tonnes d'une valeur de 38 millions d'euros, sur les 10 premiers mois de 2023. Selon le Market advisory council de janvier 2024, c’est la filière thonière espagnole qui souffrirait le plus d’un tel accord, mais aussi, par effet domino les acteurs d’Afrique de l’Est et de l’Ouest avec lesquels des partenariats économiques sont mis en place.
La Thaïlande, une menace sur la filière volaille
Après le Brésil, l’Ukraine et le Royaume-Uni, la Thaïlande est le quatrième fournisseur de volaille de l’UE, avec, selon Bruxelles, 133 400 tonnes équivalent carcasse sur les 10 premiers mois de 2024. Un volume en hausse de 2 % sur un an. La Thaïlande est le quatrième exportateur mondial de volaille, derrière le Brésil, les USA et l’UE. Pour l’heure, le Brésil, la Thaïlande et l’Ukraine ne représentent pris ensemble que 2 % des importations françaises. A noter qu’à l’instar de ce qui est pointé par les filières pêches, les conditions de travail des ouvriers dans le secteur de la volaille en Thaïlande semblent bien éloignées des normes UE. C’est ce que dénonce une ONG suèdoise, Swedwatch, qui appelle toute entreprise se sourçant en Thaïlande à être très vigilant sur les risques d’exploitation humaine, en particulier des travailleurs migrants venant du Cambodge, du Myanmar et du Laos voisins.
Lire aussi : Accords de libre-échange de l’UE : quels seront les gagnants et les perdants dans l’agriculture et l’agroalimentaire
Un potentiel important de hausse des importations de poulet
Les importations supplémentaires de volaille en provenance de Thaïlande pourraient atteindre 105 à 240 millions d’euros selon les différents scenarios envisagés par la Commission européenne. Quand on ajoute cet accord à celui en train d’être mis en œuvre avec le Mercosur, la pression sur la volaille européenne serait si forte que la production communautaire pourrait baisser de 1,3 à 15 % selon les scenarios envisagés.
La production de volaille progresse en Thaïlande
Selon les projections de l’USDA, les exportations de poulet ont augmenté en Thaïlande de 4,7 % en 2024 et devraient grimper de 3,5 % en 2025. A noter que les exportations de viande de poulet élaborée vers l’UE ont bondi de 18 % en 2024. L’USDA estime que ces exportations de poulet transformé devraient progresser encore en 2025.
Pour le riz européen, des effets difficiles à quantifier
Pour le riz, la Commission européenne envisage des importations supplémentaires de l’ordre de 36 à 78 millions d’euros en lien avec les accords en négociation entre l'UE et l'Inde et l'UE et la Thaïlande. La production communautaire reculerait alors de 1,3 % à 2,3 % même si l’impact pourrait être plus limité, les variétés cultivées n’étant pas les mêmes en UE et en Asie.
Maïs doux, sucre, la Thaïlande est un exportateur majeur
Parmi les points forts de l'agroalimentaire thaïlandais, on compte aussi les crevettes surgelées et les ananas, mais surtout le sucre, la Thaïlande en est le second exportateur mondial derrière le Brésil, et le maïs doux. La filière sucre est déjà très inquiète des conséquences de l'accord de libre-échange signé avec le Mercosur. En maïs doux, la Commission a imposé des droits antidumping sur le maïs thaïlandais depuis 2007. A voir si des évolutions pourraient être négociées.
Des négociations qui s’accélèrent
L’UE et la Thaïlande avaient commencé leurs discussions il y a dix ans. Mais elles ont été suspendues après un coup d’état militaire. C’est en 2023 que les deux parties ont décidé de les relancer. Un prochain round de négociation va s’ouvrir en mars « et sera déterminant » juge-t-on à Orthongel.