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Le débourbage par flottation se perfectionne

Principalement utilisé dans les vignobles du sud de la France, le débourbage par flottation a fait l’objet de nombreux essais au cours des dernières vinifications. Pour la plupart des caves, l’enjeu est aujourd’hui de maîtriser le process sans utiliser d’intrants d’origine animale.

Les pompes de flottation Enolmix sont commercialisées entre 3500 et 10 500 euros par la société italienne Ever. Elles permettent de traiter des volumes allant de 100hl à 1200hl. © J. Bordes
Les pompes de flottation Enolmix sont commercialisées entre 3500 et 10 500 euros par la société italienne Ever. Elles permettent de traiter des volumes allant de 100hl à 1200hl.
© J. Bordes

Apparue à la fin des années 80 dans le secteur de l’œnologie, la flottation est aujourd’hui principalement utilisée pour clarifier les moûts rosés et rouges issus de thermovinification, et dans une moindre mesure pour les blancs. Elle consiste à former un « floculat » à l’aide d’enzymes et de colles qui va ensuite être entraîné vers le haut de la cuve par de petites bulles d’azote.

Des jus qualitatifs à condition de bien maîtriser le procédé

Le déploiement de cette technique dans les chais français reste limité, alors qu’elle connaît un véritable boom dans d’autres pays. « Il y a encore beaucoup de gens qui considèrent que c’est une technique qui permet d’aller vite, mais qui n’est pas qualitative. Pourtant, le procédé a subi beaucoup d’améliorations, et il est aujourd’hui possible d’en tirer des jus très qualitatifs. À condition de bien le maîtriser », expose Sami Yammine, responsable de la gamme Collage et stabilisation chez Laffort.

Prévoir d’adapter le process en cas de changement d’intrants

C’est effectivement avant tout pour gagner du temps que les producteurs se tournent vers cette technique. « « Il faut compter entre 24h et 48 h pour débourber à froid, contre environ 12 h par flottation », affirme Jaufré Bordes, directeur France de la société italienne Ever. Un atout considérable pour optimiser la rotation de cuverie. « Pour libérer des cuves, je suis obligé de soutirer avant que les bourbes aient eu le temps de bien sédimenter, commente Marco Bealessio, œnologue aux Château Sainte Roseline et Château des Demoiselles, dans le Var. « Résultat, j’ai des taux de bourbes trop élevés, je dois donc filtrer les moûts. Non seulement ça monopolise un opérateur toute la journée, mais en plus ça me fait consommer beaucoup d’eau et d’électricité. » Un vrai problème pour l’œnologue qui est en première année de conversion en bio des deux propriétés également labellisées Vignerons engagés (1). Il a donc testé au cours du millésime 2020 le flottateur Enolmix, de la société Ever, ainsi que différentes formulations de colle sans gélatine. « Depuis deux ans on observe une transition. De nombreuses caves abandonnent les protéines animales au profit des protéines végétales », expose Sami Yammine chez Laffort. Mais beaucoup oublient de revoir le process global, alors que plusieurs éléments sont déterminants pour assurer l’efficacité de la flottation (voir encadré).

Une plus grande sensibilité des colles végétales au pH du vin

Dans l’Aude, Cédric Bruel, œnologue aux celliers d’Orphée a obtenu de très bons résultats à partir d’une formulation composée d’écorces de levures et de chitosan, couplée à de la protéine de pois. « Il y a toutefois, un effet pH sur l’efficacité de la protéine de pois. J’ai constaté que ça marchait moins bien lorsque les pH sont inférieurs à 3,6, ce qui est de plus en plus le cas », avertit Cédric Bruel. Dans le Var, Marco Bealassio explique avoir également obtenu de très bons résultats avec la colle à base d’écorces de levures et de chitosane. « Au mieux, j’ai obtenu des taux de bourbes de 7 % », se réjouit-il. Sur les presses en revanche, il rapporte avoir eu de meilleurs résultats en utilisant un mélange de bentonite et de gel de silice. « Je pense qu’il y a aussi un impact de la forme de la cuve, commente Marco Bealassio. Parce qu’il n’y a qu’avec les cuves de presse, qui sont moins hautes mais plus larges, que j’ai eu des effets sandwich. C’est-à-dire que le jus clair se retrouve coincé entre deux phases bourbeuses, l’une en haut de la cuve et l’autre en bas. » Dans l’Hérault, à la cave des Coteaux de Montpellier à Saint-Geniès-des-Mourgues, Hélène Queyssalier, œnologue, indique avoir obtenu des taux de bourbes systématiquement inférieurs à 10 % avec une colle composée de protéine de pois et de patatine. « Ça n’impacte ni le déroulé des FA, ni les profils organoleptiques de nos rosés », observe l’œnologue. Il faut toutefois pour cela veiller à ne pas débourber en dessous de 50 NTU, la réincorporation de lies fines étant impossible avec cette technique.

De l’avis des utilisateurs, la flottation montre ses limites sur vendanges botrytisées. « Ça ne marche pas bien du tout. Le plus efficace sur les vendanges altérées reste la filtration des moûts ou le surcollage en cours de fermentation », note Cédric Bruel. Mais attention, le surcollage peut entraîner de la réduction.

(1) Auparavant Vignerons en développement durable.

comprendre

Les éléments clés pour une flottation réussie

- Éviter à tout prix les départs en fermentation prématurés. « Soit on sulfite en une seule fois, pas en fractionné, soit on utilise des levures de bioprotection », insiste Jaufré Bordes, directeur France de la société Ever.
- Enzymer avant le pressurage pour éliminer les pectines. « C’est indispensable. L’erreur la plus commune est de prendre des enzymes à action ciblée. Au contraire, il faut utiliser celles à large spectre », conseille Jaufré Bordes
- Contrôler la température des moûts à flotter. « En dessous de 15°C, on augmente la viscosité, et on réduit l’activité enzymatique », précise Sami Yammine, responsable Collage chez Laffort.
- Réduire la longueur des tuyaux branchés à la cuve de flottation. « Pour éviter les pertes de charge, il ne faut pas utiliser des tuyaux de plus de trois mètres », indique Sami Yammine.
- Vérifier le delta de pression en cours de flottation. « La pression de saturation doit rester entre 5 et 7 bars tout au long du process », rapporte Sami Yammine.
- Débourber rapidement. « Idéalement il ne faut pas attendre plus de 2h, 4h maximum. Car sous l’effet de la gravité, les bourbes se remettent en suspension », précise le responsable Collage.
- Préférer la flottation discontinue à la flottation continue. « Le temps de contact entre les colles et le moût est réduit lorsqu’on flotte en continue. Dans ce cas, je conseille d’ajouter de la bentonite pour maximiser les effets », expose Sami Yammine.

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