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Entretien du sol de la vigne : les réponses à vos questions

L’entretien du sol est un sujet complexe, qui suscite de nombreux questionnements. Voici les réponses des experts aux interrogations que nous avons recensées.

<em class="placeholder">Vigne plantée selon les courbes de niveau. Les Keylines, ou lignés clés, sont des sillons de 60 à 90 cm de profondeur créés en fissurant le sol perpendiculairement à ...</em>
La vie des sols viticoles est favorisée par la présence d'un couvert végétal.
© C. de Nadaillac

Y a-t-il davantage de mildiou dans les vignes enherbées ?

Il ne semblerait pas, « à condition que l’enherbement soit correctement entretenu et que l’herbe n’arrive pas au niveau des feuilles de la vigne », avance Thierry Favier, expert technique vigne du groupe CAPL. « C’est même plutôt le contraire, renchérit Jean-Yves Cahurel, responsable enjeu transversal sol à l’IFV, dans le Beaujolais. En général, l’enherbement diminue la vigueur de la vigne, ce qui la rend moins sensible aux maladies. » Une analyse complétée par Éric Chantelot, directeur du Pôle Rhône-Méditerranée de l’IFV et expert national Ecophyto, qui rappelle que « le mildiou se développe lorsqu’il y a un inoculum primaire et qu’une feuille de vigne touche une flaque d’eau ».

Dans ce sens, l’herbe peut avoir un effet protecteur, comme le souligne Léo Garcia, enseignant chercheur en agronomie et agroécologie à l’Institut Agro de Montpellier : « elle empêche l’eau d’atteindre le sol et donc d’éclabousser la vigne via des microgouttelettes permettant la dispersion des spores ». Il précise néanmoins que la présence d’herbe peut favoriser un microclimat plus humide autour des vignes, plus propice au développement du mildiou s’il est déjà présent sur la vigne. « Mais tout dépend de la hauteur du couvert », conclut-il.

Les racines de la vigne sont-elles plus profondes dans les sols travaillés ?

Jean-Yves Cahurel et Léo Garcia enseignent que le mode d’entretien du sol joue essentiellement sur la répartition des racines et non sur leur profondeur. C’est notamment ce qu’avaient prouvé des travaux de thèse de Florian Celette. « Quel que soit le type d’entretien du sol choisi, il y a le même nombre de racines en profondeur », rapporte Jean-Yves Cahurel. Mais avec un désherbage chimique, la répartition est homogène, les racines se développent partout, alors que dans le cas d’un interrang enherbé, les racines vont se concentrer sous le rang. Dans le cas d’un sol travaillé mécaniquement, il y aura moins de racines de surface mais pas forcément des racines plus profondes. « La majorité des racines se situent entre 20 et 50 cm, quelle que soit la configuration », informe le responsable sol de l’IFV.

De nombreux autres facteurs entrent en jeu dans l’enracinement de la vigne, comme le type de sol et le porte-greffe. Ce dernier peut en effet être traçant ou plongeant. À titre d’exemple, un SO4 aura tendance à être plutôt traçant et sera gêné par le travail du sol, à l’inverse d’un 140 Ruggieri, qui est de type plongeant, et dont le chevelu racinaire ira donc plus bas. Par ailleurs, si le sol est profond, les racines pourront l’explorer en profondeur. En revanche, sur un sol squelettique ou avec une roche affleurant, les racines ne pourront que rester en surface.

Le pH des sols est-il moins bon dans les vignes désherbées chimiquement ?

Les experts sont unanimes. Il n’y a pas de différence de pH entre un sol désherbé chimiquement, travaillé ou enherbé. « Ce ne sont pas des herbicides, qui agissent sur les dix premiers centimètres du sol, qui peuvent modifier le pH d’un sol », réfute Thierry Favier. « Nous avons fait des comparatifs entre sols désherbés chimiquement et interrangs enherbés et n’avons constaté aucune différence de pH », confirme Jean-Yves Cahurel. Le pH d’un sol bouge lentement et difficilement. Les pratiques de désherbage n’ont que peu d’impact sur cette composante.

L’enherbement diminue-t-il l’eau disponible pour les ceps ?

Tout dépend de la saison. En hiver, et en conditions pluvieuses, la présence d’un couvert végétal favorise l’infiltration de l’eau dans les sols, aide à leur recharge et améliore leur réserve hydrique. « Nos travaux ont montré que le stock d’eau au débourrement est supérieur lorsqu’il y a eu un couvert hivernal », note Léo Garcia.

En revanche, en période végétative, l’enherbement concurrence la vigne. « La compétition sera plus ou moins forte selon la fertilité et la profondeur des sols », pose Jean-Yves Cahurel. Pour pallier cela, on peut opter pour des engrais verts qui infiltreront l’eau une partie de l’année et que l’on détruira avant qu’ils ne deviennent une concurrence pour la vigne. « Tout dépend des rendements que l’on vise et du type de vin que l’on souhaite produire, contextualise Léo Garcia, mais si on ne veut pas de concurrence, selon la pluviométrie de l’année et en zone méditerranéenne, il faudra détruire l’enherbement autour du débourrement»

Par ailleurs, l’eau n’est pas le seul critère à considérer ; les minéraux sont eux aussi limitants. « Les nutriments sont le premier élément qui impacte la vigueur de la vigne, avant l’eau », appuie Éric Chantelot. En mai, la vigne nécessite beaucoup de nutriments car elle n’est pas encore autosuffisante au niveau foliaire à ce stade. La présence d’herbe concurrentielle à ce moment peut l’impacter.

Le meilleur entretien pour un complant, ou un jeune plant, est-il le travail du sol ?

« Cela dépend de la fertilité des sols, plante Jean-Yves Cahurel. Mais en général, je ne conseille pas de laisser les plants ou complants avec de l’herbe, car le risque est que les ceps soient très chétifs. » Des essais de l’IFV dans le Val de Loire et au Domaine du Chapitre, à Villeneuve-lès-Maguelone, dans l’Hérault, ont bel et bien établi l’effet dépréciatif de l’herbe sur les jeunes plants.

Dès lors, comment les désherber ? « En cas de travail du sol, il faut veiller à ne pas blesser ces ceps », pointe Jean-Yves Cahurel. Une solution peut être d’ajouter un piquet en bois devant le pied, ou une barre de fer devant le manchon. Par ailleurs, « les jeunes plants ou les complants ne doivent absolument pas être touchés par des herbicides », insiste Thierry Favier. Au final, « le paillage semble être une bonne solution, résume Jean-Yves Cahurel. Cela empêche la pousse des adventices, tout en maintenant une bonne humidité et en évitant les blessures des ceps. »

Avec les restrictions d’usage actuelles, le désherbage chimique est-il toujours la solution la moins onéreuse ?

Oui, et ce d’autant plus qu’on se trouve dans un vignoble à haute densité. « Plus les densités sont faibles, plus le désherbage mécanique est intéressant », observe Jean-Yves Cahurel.

Pour Thierry Favier, le must est de diviser son domaine en trois parties et d’effectuer des rotations. « Sur la première zone, on réalise un travail du sol intégral. Sur la seconde, on mixe travail du sol et petites doses d’herbicide racinaire. Sur la troisième, on effectue un bon désherbage. Et on tourne tous les ans », préconise-t-il.

Mieux vaut-il laisser pousser l’herbe et la laisser monter en graine ou la tondre ?

Tout d’abord, dans les zones gélives, le fait de laisser pousser l’herbe représente un risque non négligeable.

Ensuite, pour diminuer la transpiration de l’herbe, il est recommandé d’effectuer des tontes régulières plutôt que de laisser la biomasse monter en graines, commente Léo Garcia. « Mais le plus efficace, c’est un broyage suivi d’un travail avec disques ou dents, détaille-t-il. La tonte ou le roulage ne détruisent pas réellement les couverts. »

Pour Thierry Favier, tout dépend s’il s’agit d’un enherbement semé ou spontané. Laisser grainer est ce qui consomme le plus d’eau, mais dans le cas d’un engrais vert, s’il s’agit d’un couvert permanent, il est souhaitable de laisser les espèces grainer afin de permettre un ressemis spontané. C’est par exemple le cas des trèfles ou des vesces.

Le travail du sol est-il la meilleure technique pour se débarrasser des érigérons ?

Le travail du sol est une bonne méthode pour éradiquer les érigérons, mais les couverts végétaux peuvent également les étouffer. Par ailleurs, là où il n’y a pas d’inversion de flore, le désherbage chimique peut aussi fonctionner.

Dans le cas du travail du sol, il est recommandé d’intervenir au stade rosette, dès l’automne, et de ne surtout pas attendre la présence de la hampe florale, qui disséminerait des graines partout. « Mais c’est un travail à mener sur plusieurs années », remarque Éric Chantelot.

Les plantes à rhizome peuvent-elles être éradiquées ?

Oui, mais il est très compliqué de s’en débarrasser. Dans le cas de sorgho d’Alep, de chiendent ou encore de chardon, le travail du sol est à proscrire car il dissémine des rhizomes partout et augmente l’ampleur du problème.

La plupart des experts préconisent donc de désherber chimiquement en localisé. S’il s’agit de graminées, Thierry Favier recommande de passer un coup d’antigraminées comme du Stratos. Pour les dicotylédones, c’est plus complexe. Le sorgho d’Alep ou le chiendent peuvent être éradiqués en désherbant en localisé sur la tâche au printemps, avec du glyphosate appliqué avec un pulvérisateur à dos.

De son côté, Léo Garcia plaide pour un étouffement de ces adventices par l’enherbement, même s’il s’agit d’une technique à long terme. « Le plus simple est d’avoir recours à des mélanges d’espèces, comme de l’avoine, de la moutarde, de la féverole, illustre-t-il. Les vesces aussi sont bien étouffantes, notamment la vesce velue. Mais attention à ce qu’elle ne monte pas dans les ceps. »

Quel itinéraire, entre enherbement, travail du sol au tracteur et travail du sol en traction animal, a le meilleur impact sur la vie du sol ?

La biologie du sol dépend essentiellement de deux facteurs : de la nourriture en carbone (matière organique) présente et de la non-perturbation des habitats. Le désherbage mécanique, qu’il soit effectué avec un tracteur ou un cheval, vient perturber les lieux de vie des organismes du sol. « Cela aura notamment un effet délétère sur les vers de terre », certifie Jean-Yves Cahurel. De même, les hyphes des réseaux mycéliens des champignons seront détruits. La traction animale provoquera juste moins de tassements que le tracteur.

Les couverts sont la pratique la plus indiquée pour augmenter la biologie du sol. « Dès qu’on couvre le sol, on le protège, indique le responsable sol de l’IFV. Les tontes et les racines mortes augmentent le taux de carbone des sols. Cela améliore aussi la porosité du sol. On ne perturbe pas les habitats. »

 

Pour en savoir plus sur l'entretien du sol :

Nous avons de nombreux articles consacrés à l’entretien du sol disponibles sur notre site internet.

Si vous hésitez sur le mode d’entretien à adopter sur votre domaine, étudier la flore spontanée peut être une piste à suivre. Elle vous donnera une bonne indication d’état de votre sol. Découvrez l'article ici : Déterminer les adventices problématiques dans les vignes

Autre éclairage inspirant, le témoignage de Jean-François Agut, viticulteur dans le Gers, qui est en agriculture de conservation des sols depuis une dizaine d’années : « L’entretien du sol me coûte environ 200 euros l’hectare en vigne grâce à l’agriculture de conservation »

N’hésitez pas à consulter également l’interview de Paul Luu sur l’impact des différentes pratiques sur le stockage du carbone :

« Le retour aux labours déstocke du carbone » Paul Luu, secrétaire exécutif de l’initiative 4 pour 1000

 

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