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Réduire sa consommation d’eau au chai sans négliger l’hygiène

L’eau est une ressource de plus en plus précieuse. La menace de restrictions n’épargne pas la filière vin qui doit s’organiser pour optimiser ses procédures d’hygiène de chai. Focus sur quelques actions à mettre en place.

Le ratio moyen de consommation d’eau dans les chais, d’après une étude menée conjointement par l’IFV, la chambre d’agriculture de Bourgogne Franche-Comté et celle d’Occitanie, est de 3,8 litres d’eau par litre de vin. « Il y a bien des techniques de nettoyage comme l’ozone ou les UV qui demandent peu ou pas d’eau, mais elles sont en réalité difficilement transférables sur le terrain », explique Pascal Poupault, ingénieur au pôle Val de Loire de l’IFV. Les travaux de recherche actuels se concentrent donc sur l’optimisation des procédures d’hygiène. « Dans de nombreuses caves, il y a des protocoles qui ont été établis il y a des dizaines d’années et qui n’ont jamais été remis en cause », indique le chercheur. Alléger sa facture d’eau, mais également celle liée au traitement des effluents est possible, à condition d’intervenir à différents niveaux. « D’après nos suivis, diverses astuces mises bout à bout permettent de réduire les dépenses de 20 à 30 % », affirme Pascal Poupault.

Des économies à faire sur les ateliers de réception de vendanges et de mise

Pour le chercheur, la première étape est déjà de connaître précisément sa consommation. « Dans de nombreuses caves, il n’y a qu’un seul compteur, ce qui est une erreur », signale Pascal Poupault. La présence d’un compteur à eau sur chaque atelier est par ailleurs précieuse pour détecter les fuites. « Il y a quelques années, l’équipe bordelaise de l’IFV avait démontré que près de 20 % des volumes d’eau consommés dans une cave étaient dus à des fuites », dénonce le chercheur. De son côté, il a mené tout un travail d’identification des flux d’eau dans les chais, qui dévoile que l'atelier de réception et la mise en bouteille, à cause de la filtration, sont les étapes qui nécessitent le plus d’eau. C’est donc principalement sur ces ateliers que l’on peut économiser. « Il y a trois paramètres sur lesquels on peut jouer : l’effet mécanique, l’effet chimique et l’effet thermique », indique Pascal Poupault. Les stations de nettoyage automatique s’avèrent redoutables pour optimiser ces paramètres, mais au regard de la configuration des caves, leur utilisation relève pratiquement de l’impossible.

Quelques technologies peuvent toutefois s’adapter à la spécificité des chais. C’est le cas par exemple des canons à mousse, que l’on peut employer sur les surfaces extérieures comme les conquêts ou les tapis de convoyage. L’agent moussant qui compose le produit permet de prolonger la durée de contact entre le détergent et la souillure qui se décolle nettement plus facilement. « Nos essais montrent que lorsqu’on ne voit plus la mousse à l’œil nu, il n’y a plus de résidus de produit, donc on peut arrêter le rinçage », indique Pascal Poupault. Ces engins sont commercialisés autour de 2000 €, le prix augmentant en fonction de leur degré d’automatisation. Sans cela, en jouant sur l’action mécanique et la température, les besoins en eau peuvent baisser de façon tout à fait considérable. « Pendant les vendanges, un prélavage à l’eau chaude autour de 50 °C, avec un peu de pression est souvent suffisant pour éliminer les souillures, sans nécessairement mettre de la soude », relate le chercheur. Et qui dit pas de produit, dit pas de rinçage.

Combiner les effets des produits de nettoyage pour supprimer des rinçages

Toutefois, si l’on a besoin d’utiliser des produits, certaines formulations combinent les effets et limitent ainsi les étapes de rinçage. « On peut avoir un produit qui permette à la fois de détartrer et de dérougir », rapporte Céline Magen, œnologue et gérante de la société Œnocare. De même, il est possible d’utiliser des produits différents selon les ateliers. « Ce n’est pas la même chose d’éliminer les restes de vendanges dans le conquêt de réception à la fin de la journée que d’éliminer le tartre d’une cuve où un vin a séjourné plusieurs mois », poursuit-elle. Or la rinçabilité des produits est souvent liée à leur action. Pour le nettoyage interne des cuves justement, les techniques en circuit fermé avec des systèmes de boules ou de tourniquets sont les plus efficaces car elles maximisent l’effet mécanique.

Côté désinfection, il existe aujourd’hui des appareils de nébulisation d’une grande efficacité et qui consomment peu d’eau. « Rappelons également qu’il ne sert à rien de désinfecter si on n’a pas prévu d’utiliser les cuves ou le matériel traité dans les jours qui suivent », glisse Céline Magen. La question de l’impact environnemental des produits de nettoyage et de désinfection est également au cœur des préoccupations. « C’est un sujet sur lequel on travaille beaucoup, sachant qu’il n’y a pas de cahier des charges bio pour le nettoyage du chai, indique la gérante d’Œnocare. Seul Demeter a établi une liste stricte de matière active autorisée. » Pour Pascal Poupault, ce n’est pas tellement la philosophie bio qui intervient dans le choix des produits, mais plutôt la volonté de réduire les intrants.

Suivre la conductivité des eaux de rinçage pour éviter le gaspillage

Selon les experts, là où les efforts à faire sont les plus importants, c’est sur le volume des eaux de rinçage. « Souvent dans les protocoles il est indiqué de rincer pendant 10 minutes, mais les opérateurs le font en fait pendant 12 minutes, par sécurité », remarque Pascal Poupault. Sauf que ces deux minutes en plus correspondent à la fin de la journée à des centaines de litres gaspillés. « Les suivis de rinçage à l’aide de bandelettes ou de variation de pH sont trop peu utilisés », déplore l’ingénieur. Avec son équipe, il a souhaité aller plus loin et s’est intéressé à l’évolution de la conductivité des eaux de rinçage, « nettement plus précise que le suivi de pH et très simple à mettre en œuvre ». Les sondes utilisées pour suivre la conductivité des moûts lors des cycles de pressurage trouvent ici une autre utilité. « On peut gagner 40 à 50 l d’eau par rinçage de cuves de 250 hl », dévoile Pascal Poupault.

Pour réduire le volume des eaux de rinçage des canalisations, une astuce simple a été testée par l’équipe de Jean-Michel Desseigne, ingénieur à l’IFV sud-ouest. Il s’agit de la technique du raclage, qui consiste à introduire un petit obus en silicone ou une balle en mousse dans les tuyaux, et de le propulser à l’aide d’un lanceur ou d’une injection d’azote. « On récupère en moyenne 98 % du vin contenu dans les canalisations et on économise entre 70 et 98 % d’eau pour le rinçage », rapporte le chercheur. Cela suppose toutefois de bien définir la procédure de nettoyage et de désinfection du racleur. Sans quoi il peut se transformer en véritable propagateur de contaminants.

voir plus loin

Redéfinir la qualité de l’eau apte au nettoyage des bâtiments

Anticiper davantage la raréfaction de l’eau est un enjeu pour la filière. « La pression réglementaire et sociétale autour de la ressource en eau ne va faire qu’augmenter », soulève Pascal Poupault. Dans certaines régions, des sites de production se voient déjà attribuer des quotas à l’année. « L’objectif à terme est d’arriver à faire du vin sans consommer d’eau », projette le chercheur de l’IFV. Utopique ? Pour le moment, oui. Car la seule façon d’y arriver serait de pouvoir utiliser de l’eau recyclée. Or pour l’heure, la réglementation interdit d’utiliser de l’eau non potable pour le nettoyage d’équipements en contact avec un produit alimentaire. Pourtant, les travaux de Pascal Poupault montrent que sur 400 l d’eau par jour utilisés pour nettoyer un conquêt, seuls les 50 premiers sont réellement souillés. « Grâce à la filtration ou à l’osmose inverse, on pourrait rendre les 300 l très peu souillés à nouveau potables », assure le chercheur. Idem pour l’eau utilisée pour la régénération des cartouches de filtration.

Ce frein réglementaire pourrait dans les prochaines années être levé. « Nous travaillons avec d’autres filières à définir de nouveaux indicateurs de la qualité de l’eau qui aurait vocation à être utilisée dans le circuit de nettoyage des industries alimentaires », indique Pascal Poupault. Bien sûr il faudra prévoir un espace de stockage de l’eau recyclée dans les chais. Mais la saisonnalité de la consommation d’eau de la filière vin est un atout. L’administration a d’ores et déjà assoupli certaines règles, notamment pour réutiliser cette eau recyclée pour le nettoyage du sol. « Mais peu de gens le savent », regrette le chercheur.

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