Fact-checking
PFAS dans les vins : ce qu’il faut savoir
Depuis ce mercredi 23 avril, l’étude de PAN Europe sur la présence de polluants éternels dans les vins européens tourne en boucle. Nous faisons la lumière sur ce dossier.
Depuis ce mercredi 23 avril, l’étude de PAN Europe sur la présence de polluants éternels dans les vins européens tourne en boucle. Nous faisons la lumière sur ce dossier.

- Qu’est ce que le TFA et d’où vient-il ?
- Que dit l’étude de PAN Europe ?
- Que sait-on de la dangerosité du TFA ?
- Que réclame le réseau PAN Europe à propos du TFA ?
On ne l’a pas vu venir… Nous savions les associations écologistes irritées de voir les poêles Tefal exclues du champ d’action de la récente loi contre les PFAS, dits polluants éternels, mais c’est finalement contre les produits phytosanitaires qu’elles ont décidé de frapper un grand coup. Et en la matière, quelle meilleure cible que le vin ? Le 23 avril, le réseau Pesticide Action Network (PAN) Europe a lancé une petite bombe, reprise en masse dans les médias, affirmant que les vins européens affichent des taux alarmants d’acide trifluoroacétique (TFA), considéré comme un PFAS.
Qu’est ce que le TFA et d’où vient-il ?
Selon le site internet du ministère de la Santé, le TFA est une substance perfluorée (PFAS) à très courte chaîne. Les PFAS, abréviation de « per- et polyfluoroalkylées », représentent une vaste famille de plusieurs milliers de composés chimiques largement utilisés dans diverses applications industrielles et produits de consommation courante pour leurs propriétés (textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, gaz réfrigérants, revêtements antiadhésifs, cosmétiques…). Ils ont comme point commun d’être persistants dans l’environnement en raison de la solidité des liaisons carbone-fluor qu’ils contiennent. Leur surnom de polluants éternels vient donc du fait que ces molécules ne se dégradent quasiment pas à l’état naturel.
Toujours selon le ministère de la santé, le TFA peut se retrouver dans divers compartiments de l’environnement (eau, air, sols, etc) par son rejet direct ou bien par la dégradation des PFAS (le TFA est la plus petite molécule de la famille), dont certains pesticides fluorés utilisés en agriculture pour la protection des cultures depuis les années 80.
Selon l’ONG Générations Futures, 37 substances actives considérées comme PFAS étaient approuvées par l’Europe pour la protection des plantes fin 2023. On y trouve notamment le flazasulfuron, le fluopyrame, la méfentrifluconazole, l’oxathiapiproline, le pénoxsulame, la tétraconazole ou entre la trifloxystrobine, utilisés en viticulture. PAN Europe mentionne une étude de l’agence allemande de l’environnement (UBA) estimant que les produits phytosanitaires PFAS contribueraient à hauteur de 76 % des contaminations de TFA dans les eaux souterraines.
En janvier dernier, le magazine UFC-Que Choisir et l'ONG Générations futures révélaient une enquête dénonçant la présence de TFA dans 96% des échantillons d'eau potable prélevés dans 30 communes françaises.
Que dit l’étude de PAN Europe ?
L’association a fait analyser les teneurs en TFA de 49 échantillons de vin par un laboratoire autrichien : 39 de millésimes récents (2021 à 2024) et de 10 millésimes plus anciens (1974 à 2015). L’étude pointe le fait que les millésimes antérieurs à 1988 sont exempts de TFA, ceux de 1988 à 2015 présentent des teneurs en dessous de 40 µg/l alors que les millésimes récents affichent 122 µg/l en moyenne. Ce qui fait dire à PAN Europe que l’accroissement des contaminations est exponentiel. Toutefois, l’étude ne mentionne aucun test statistique qui permettrait d’attester de la solidité de ces chiffres. Le nombre d'échantillons est à première vue trop restreint pour pouvoir tirer des conclusions.
Les auteurs précisent que dans le cas des vins français, la cuvée issue de l'agriculture biologique était bien moins contaminée que les quatre cuvées conventionnelles, ce qui n’est pas le cas pour les vins autrichiens. L’étude mentionne également la recherche d’autres résidus de pesticides dans les échantillons, et parle de 18 autres substances ou métabolites détectés dans 32 des 34 vins conventionnels.
Pour l’association environnementaliste, le fait que les vins ayant le plus de résidus de pesticides soient également ceux qui montrent les taux moyens de TFA plus élevés pousse à établir un lien entre l’utilisation des pesticides et la contamination au TFA. Et en même temps, la présence élevée de TFA dans certains vins biologiques exempts d’autres résidus témoigne, selon les auteurs, d’une contamination qui se diffuse plus largement dans l’environnement via l’accumulation du composé dans les eaux et dans les sols.
Que sait-on de la dangerosité du TFA ?
Toujours selon le ministère de la santé, « la connaissance des risques sanitaires liés à la présence de TFA […] reste encore parcellaire ». Il précise que l’expertise scientifique de l’Anses est en cours pour évaluer les risques sanitaires liés aux PFAS, et pour proposer des valeurs sanitaires dans l’eau. De plus, « la Commission européenne a également sollicité l’OMS fin 2023 pour conduire une évaluation des risques sanitaires liés aux PFAS, dont le TFA, dans l’eau potable. Les résultats sont attendus en 2025. » Pendant cette attente, l’Anses recommande une valeur sanitaire indicative de 60 µg/l pour les eaux destinées à la consommation humaine.
Une étude allemande de 2021 est arrivée à la conclusion que l’exposition au TFA peut entrainer des malformations du fœtus chez le lapin. Aussi l’agence sanitaire allemande (BAUA) a déposé à l’Union européenne une demande de classification comme reprotoxique. Le dossier n’a pas encore été traité.
Que réclame le réseau PAN Europe à propos du TFA ?
A travers cette action coup de poing, il semble évident que PAN Europe cherche à mobiliser l’opinion publique pour pousser les pouvoirs publics à aller plus loin sur la question des PFAS. Dès janvier 2026, ces composés seront interdits dans les cosmétiques et pour tous les textiles à partir de 2030, mais pas dans les produits phytosanitaires. Le site vie-publique.fr indique que « la généralisation de l’interdiction à tous les produits contenant des PFAS à partir de 2027 a de même été supprimée dans la perspective de l'aboutissement du projet européen d’interdiction des PFAS. Ce projet a été soumis à l’Agence européenne des produits chimiques […] est en cours de révision. »
En conclusion de son étude, le réseau PAN Europe appelle à une action immédiate pour bannir les produits phytosanitaires à base de PFAS et mettre en place un contrôle du TFA pour les produits alimentaires, en vertu du principe de précaution.