Des fibres pour réduire les résidus phytos
La filtration sur fibres végétales pour diminuer la teneur en résidus de pesticides vient tout juste d’être autorisée par l’OIV. Les essais réalisés par l’IFV ont d’ores et déjà prouvé l’efficacité de la méthode.
La filtration sur fibres végétales pour diminuer la teneur en résidus de pesticides vient tout juste d’être autorisée par l’OIV. Les essais réalisés par l’IFV ont d’ores et déjà prouvé l’efficacité de la méthode.
La traque des résidus de produits phytosanitaires est devenue un enjeu majeur pour les consommateurs. La filtration des vins par des fibres d’origine céréalière constitue un nouveau levier pour réduire les concentrations en pesticides. Autorisées par l’OIV en juin dernier, l’IFV les a déjà testées sur blancs, rouges et rosés, contenant entre 1 et 63 mg/l de pesticides. « En moyenne, l’opération a permis une baisse de la teneur totale en résidus proche de 60 % », indique Valérie Lempereur, chercheuse à l’IFV. Néanmoins, l’impact des fibres végétales varie en fonction des matières actives en présence. L’IFV les a donc classées en molécules fortement adsorbées et faiblement adsorbées. Parmi les éléments les plus sensibles au traitement, on peut citer le boscalid, le cyprodinil ou le diméthomorphe, que l’on trouve dans les produits fongicides. Leur taux d’abattement dépassait généralement les 50 %. À l’inverse, il était inférieur à 50 % pour le fenhexamide, l’iprovalicarb ou encore le metalaxyl-M, eux aussi connus pour leur activité anti-fongique. « Nous avons aussi constaté une chute du nombre de phytos détectés dans les vins », souligne Valérie Lempereur. En termes organoleptiques, les résultats montrent une légère différence après filtration sur les arômes perçus au nez et en bouche. « Mais elle s’est estompée au bout de deux semaines », poursuit-elle. Sur la couleur, la filtration provoque une diminution de l’intensité, plus importante pour les blancs et les rosés. « L’écart était perceptible du point de vue analytique mais pas à l’œil nu », nuance l’œnologue. Ces résultats ont tout de même permis d’optimiser le process de production, pour limiter l’impact du passage sur fibres.
Une arrivée sur le marché imminente
Du point de vue pratique, le matériau se présente sous forme de poudre. Il peut être utilisé tel quel ou incorporé dans des plaques de filtration. Dans le cadre de ses essais, l’IFV a enchaîné une première précouche de filtration avec 0,1 kg/m2 de kieselguhr, puis une deuxième avec 1,5 kg/m2 de fibres végétales. « Après cela, nous avons opté pour une filtration par alluvionnage classique », commente Valérie Lempereur. La granulométrie des fibres est proche de celle des kieselguhrs. « Ce qui évite les problèmes de colmatage tout en offrant une bonne surface d’échange », observe l’œnologue. Aujourd’hui, la technologie n’attend plus que le feu vert de l’Europe pour faire son entrée dans les chais. Elle devrait pouvoir être bientôt utilisée sur tous types de vins et, pourquoi pas, en vinification biologique. « Il s’agit d’un auxiliaire technologique biosourcé, indique Valérie Lempereur. Techniquement, le produit pourrait être utilisé en bio. » Maintenant, reste à voir si la demande sera faite pour l’intégrer dans le cahier des charges. En attendant, le produit devrait être commercialisé sous peu par la société Laffort. « Nous avons développé un process de micronisation spécifique, qui nous permet d’augmenter la capacité d’adsorption de ces fibres céréalières », assure Charlotte Gourraud, directrice développement et innovations. La ligne de production est d’ores et déjà mise en route. « Et nous pourrons augmenter les volumes rapidement pour répondre à la demande du marché », ajoute-t-elle. Quant au prix, rien n’est annoncé pour le moment mais une chose est sûre, il sera plus élevé que pour des terres de filtration classiques. Pour réduire les coûts, l’IFV préconise de réaliser des tests en amont auprès de son laboratoire référent. « Ce qui aidera à trancher sur la nécessité de filtrer ou non, en fonction des cépages ou des cuvées », explique Valérie Lempereur. Mais encore faut-il qu’un état des lieux ait été réalisé sur les différents lots avec une analyse de résidus. Une pratique qui, elle aussi, a son prix.