Réduire les phénols volatils grâce aux écorces de levures
Traiter les vins avec des écorces de levure peut contribuer à limiter les mauvais goûts liés aux contaminations par Brettanomyces… sans toutefois les éliminer totalement.
Traiter les vins avec des écorces de levure peut contribuer à limiter les mauvais goûts liés aux contaminations par Brettanomyces… sans toutefois les éliminer totalement.
Les parois de levure sont pleines de vertus insoupçonnées. On connaît leur intérêt pour détoxifier les moûts, pour coller les vins ou éliminer de la couleur. On connaît moins leur capacité à fixer les mauvais arômes et notamment les phénols volatils, aux notes de sueur-écurie, produits par les redoutées Brettanomyces.
Le fournisseur AEB est pour l’instant le seul à proposer des écorces de levures sélectionnées pour cette fonction avec l’AntiBrett, un mélange d’écorces de levure (92 %) et d’enzymes (8 %). La société a relancé récemment des essais de son produit dans l’Entre-deux-Mers sur des assemblages à base de merlot. Résultat : « sur les millésimes 2017 et 2018 nous avons diminué les teneurs en phénols volatils de 12 à 33 % selon les vins », résume André Fuster, référent technique zone sud chez AEB France.
Une aide pour passer sous le seuil de perception
L’AntiBrett n’élimine donc jamais la totalité des phénols volatils. « Mais il s’avère très intéressant sur des vins peu contaminés pour lesquels on arrive à baisser la teneur en éthyl-phénols sous leur seuil de perception », considère André Fuster. On peut également l’ajouter en traitement complémentaire sur des vins moyennement contaminés. « Par exemple, on peut réussir à masquer totalement les notes d’écurie par un ajout d’écorces de levures couplé à un apport de copeaux », suggère l’œnologue.
Sur des vins plus atteints, seul un traitement classique par osmose inverse et passage sur colonne de charbon sera efficace pour éliminer les mauvais goûts. « Dans ce cas, un ajout préalable d’AntiBrett peut cependant se révéler intéressant d’un point de vue financier, précise André Fuster. En diminuant les teneurs en phénols volatils avant le passage sur l’osmoseur, on réduit le coût du traitement osmose-charbon. » Celui-ci revient en effet à environ 10 €/hl contre 1,60 €/hl pour le traitement aux écorces.
Les écorces de levure s’ajoutent de préférence après un traitement d’élimination des Brettanomyces, comme une filtration tangentielle ou un apport de chitosane. Les doses efficaces varient entre 20 et 80 g/hl mais la réglementation limite l’apport de dérivés de levure à 40 g/hl. « Il est nécessaire de procéder à des essais de doses préalables, conseille l’œnologue, car à dose élevée on peut déprécier la qualité des tanins. » Le traitement dure dix jours, sans brassage, suivis par un soutirage ou une filtration.
AVIS D'EXPERT : Dominique Omnes, œnologue conseil en Gironde
« Efficace sur les vins moyennement impactés »
« J’ai testé le traitement aux écorces de levures plusieurs fois en quatre ou cinq ans. Ce n’est pas une méthode miracle, elle ne suffit pas sur des vins trop marqués par les phénols volatils, mais elle fonctionne très bien sur les vins moyennement impactés. Par exemple j’ai vu des vins à 800-900 µg/l d’éthyl-phénols avant traitement retomber à 400-500µg/l après, soit une valeur proche du seuil de détection. L’ajout d’écorces peut donc parfois suffire pour pouvoir commercialiser le vin tel quel ou en assemblage et pour un faible coût. Je le conseille même par anticipation sur des vins sous le seuil de détection, à 250-300µg/l : après traitement, on retrouve un caractère fruité plus exubérant et on nettoie les tanins pâteux. »